Rendre les cartes et le métro tendance, le pari réussi de l’artiste Matěj Hošek, alias Maappi

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Âgé d’à peine vingt ans, Matěj Hošek s’est fait connaître du grand public grâce à ses cartes des réseaux de transport du monde entier et à ses courtes vidéos sur le métro de Prague sur les réseaux sociaux. Pourtant, pour l’artiste en herbe, les débuts n’ont pas été évidents. Souffrant de troubles sur le spectre autistique, les médecins prédisaient que le jeune garçon ne parviendrait jamais à lire et à écrire et qu’il parlerait à peine. Aux côtés de sa mère Michaela, Matěj Hošek revient, au micro de Radio Prague Int., sur son parcours, son intérêt pour les cartes et ses projets pour l’avenir.

Michaela Hošková et Matěj Hošek  | Photo: Barbora Navrátilová,  Radio Prague Int.

D’où vient, pour commencer, cette passion pour les cartes et l’univers des transports de façon générale ?

Michaela : « Matěj était ce genre d’enfant autiste qui aimait crier et frapper le sol du pied quand on parle. C’était particulièrement difficile d’emprunter les transports en commun avec lui. En pareille situation, certaines mères auraient donné une tétine ou quelque chose à manger pour calmer leur enfant. Dans mon cas, c’est un plan du métro qui a tout changé. Un jour où j’étais un peu désespérée, je lui ai mis entre les mains un plan du métro trouvé par hasard. Et à partir de ce jour-là, Matěj a beaucoup moins crié. Il regardait sans arrêt la carte. Nous avons remarqué que les couleurs du plan semblaient l’apaiser. Et c’est à ce moment-là qu’il a commencé à apprendre à lire et à écrire à l’école et à faire des cartes. Par la suite, j’ai compris que ces cartes l’aidaient beaucoup à apprendre. C’est de cette façon qu’il a imaginé, par exemple, des cartes historiques, comparables à celle du métro de Prague, mais où les noms des stations avaient été remplacés par ceux des souverains de la dynastie des Přemyslides afin de s’en souvenir. »

Comment est né le projet de Maappi, la marque que vous avez créée ?

Matěj : « Le projet de Maappi découle directement de ma passion pour les cartes. Je voulais partager ces dernières avec un public plus large, non seulement sous leur forme traditionnelle, mais aussi dans un format plus original, en faisant de ces cartes des accessoires de mode ou en les associant à d’autres produits de façon plus inattendue. »

Photo: Maappi.com

« Le métro parisien a quelque chose d’impressionnant »

Par le passé, vous avez collaboré avec plusieurs grandes marques telles que le fabricant de crayons Koh-i-Noor ou la marque de chaussures Converse, pour confectionner des produits aux couleurs du métro pragois notamment. Vous proposez toujours à la vente des posters représentant des réseaux de transport du monde entier. Y a-t-il parmi ces posters des plans de villes françaises ?

Photo: Maappinazed.cz

Matěj : « Oui, l’une de mes premières cartes a été celle de Paris. Le métro parisien a quelque chose d’impressionnant, car c’est l’un des plus étendus et de nouvelles lignes sont encore envisagées. C’est donc un plan très coloré, en raison du nombre de lignes, qui a nécessité beaucoup de travail. Comme je l’ai dit, il s’agissait de l’un de mes premiers dessins. Le style était donc un peu enfantin, mais, peu à peu, je l’ai perfectionné et utilisé pour décorer plusieurs de nos produits, comme des sacs à dos. »

« Par ailleurs, il y a quatre ans, alors que nous étions enfermés à la maison à cause du Covid, j’ai réalisé plusieurs cartes pour mes professeurs. Pour mon enseignante de chimie, par exemple, j’ai fait une carte des éléments du tableau de Mendeleïev. Et pour le cours de français, j’ai dessiné une tour Eiffel avec quelques-unes des stations du métro parisien, parmi les plus célèbres. Ce poster est désormais fièrement accroché à la maison. »

Des cartes mais aussi des livres

Maappi est aussi une entreprise familiale. Michaela, vous avez quitté votre ancien emploi pour soutenir votre fils. À quel moment avez-vous décidé de franchir le pas ? Quelle place occupez-vous aujourd’hui au sein de Maappi ?

Michaela : « Je suis quelqu’un d’un peu têtu qui n’accepte pas la défaite. Alors, quand les médecins m’ont dit que les résultats des examens de mon fils étaient vraiment mauvais, et qu’il fallait décider entre le laisser à son sort ou faire quelque chose, je n’ai pas hésité. Cependant, pour que je puisse faire quelque chose, il fallait que je quitte mon emploi, car l’accompagnement d’un enfant autiste est un travail de tous les instants. »

Michaela Hošková,  'Matěj maluje mapy' | Photo: Portál

« Depuis, je suis devenue écrivaine, pourrait-on dire. J’écris des livres et Matěj les illustre. Nous formons donc à présent un tandem, car même si Matěj est aujourd’hui devenu un artiste, il n’en reste pas moins que toute sa vie il aura besoin de quelqu’un à ses côtés pour l’accompagner. »

Quels thèmes abordent ces livres ?

Michaela : « Le choix du premier livre nous a, d’une certaine façon, un peu été imposé. Il s’agissait de raconter la façon dont Matěj a réussi à entrer à l’école primaire et, par la suite, au lycée, alors qu’on m’avait dit initialement qu’il ne lirait et n’écrirait jamais et qu’il parlerait à peine. Je souhaitais que ce livre relate ce que nous avions vécu et la manière dont nous nous en étions finalement sortis, sans occulter les difficultés rencontrées. Ce livre a eu du succès et a même été nommé pour le livre documentaire de l’année. Nous avons donc décidé de continuer. »

Photo: Maappi.com

« Nous avons, par la suite, imaginé un ouvrage sur l’art. Nous regrettions, en effet, que les enfants se détournent de nos jours des arts plastiques. Nous avons donc consacré un livre aux plus grands artistes tchèques. »

« Enfin, nous avons élaboré un autre livre pour le gouvernement tchèque, cette fois-ci, à l’occasion de la présidence tchèque de l’Union européenne. Dans cet ouvrage, nous avons choisi de mettre en avant 27 (comme le nombre d’États membres de l’UE) personnalités, inventions, ou objets en lien direct avec la Tchéquie, une façon de montrer que notre pays a plus à offrir que seulement MM. Masaryk et Havel. »

Quels sont vos projets pour l’avenir Matěj ?

Matěj : « Aujourd’hui, j’étudie dans une école supérieure d’art. Là-bas, je m’oriente vers la conception graphique. Dans le même temps, je crée des tableaux dans mon atelier, qui est une sorte de second foyer pour moi. J’y suis, à bien des égards, plus souvent qu’à la maison. Je travaille là-bas parfois jusqu’à 22 heures. J’y conçois différents dessins aussi bien pour le public que pour ma famille, surtout à l’approche de Noël. »

« Pour l’heure, j’envisage de continuer à illustrer les livres que nous préparons et à me concentrer sur mes dessins et tableaux. Je réfléchis également à compléter mon cursus en me rendant dans une école supérieure à l’étranger. »

Cinquante ans du métro de Prague

Enfin, nous ne pouvons pas nous quitter sans parler du métro de Prague. Sur Radio Prague Int., nous nous intéressons également au métro pragois qui fête cette année ses 50 ans. Sur les réseaux sociaux, vous avez publié plusieurs petites vidéos sur le métro de la capitale. Quelle station avez-vous le plus aimé commenter ? Une anecdote en particulier vous a-t-elle marqué ?

Matěj : « L’idée m’est venue, en effet, à l’occasion du 50e anniversaire du métro. Je me suis dit que personne n’avait encore fait de courtes vidéos en lien avec les stations. J’ai donc réalisé une série de vidéos sur le métro. J’ai commencé par la station Ládví et j’ai fini avec celle de Florenc. »

« Parmi les anecdotes qui m’ont marqué, je me souviens qu’à Smíchovské nádraží, il y a une énorme tache sur le quai en direction de Černý most. Elle remonte, en fait, au tournage du film Vejška. Un graffiti avait alors été dessiné sur le mur pour les besoins du film, mais lorsque les équipes de tournage ont tenté de le nettoyer, une grande tache est apparue. »

« Il y a également la station Dejvická, anciennement Leninova, où dominait autrefois un bas-relief de Lénine dans le vestibule, qui aujourd’hui n’est plus visible. »

« La série avait été très appréciée et j’aimerais continuer dans cette voie. En parallèle, j’avais également imaginé la série ‘le métro sans le métro’, où je tente d’aller de station en station sans utiliser le métro. Pour la ligne B, au lieu des 45 minutes de rigueur, il m’avait fallu trois heures et quart et beaucoup de marche et de correspondances pour relier les deux terminus. C’était assez amusant. Je réfléchis actuellement à trouver d’autres concepts qui pourraient intéresser les abonnés, qui pourraient les divertir tout en les instruisant en même temps. »

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