Deux jeunes designers de la UMPRUM pragoise présentent leurs travaux
Quoi de neuf dans le monde du design tchèque ? La nouvelle génération de designers, des diplômés de l'Ecole supérieure des Arts et Métiers de Prague notamment, s'avère particulièrement forte et active. Elle expose ses oeuvres au Centre tchèque du design de Prague, rue Jungmannova. Je vous propose d'y faire un tour.
« Les produits design créés par des étudiants diffèrent à chaque fois de ceux que l'on est habitués à voir et à utiliser dans la vie quotidienne. Les étudiants peuvent se permettre d'expérimenter, d'essayer toute sorte de choses, sans se soucier du fait si ces produits sont vendables ou pas. Donc je dirais que ce design-là est avant tout ludique, créatif, gai...», affirme Dagmar Koudelkova, une des commissaires de l'exposition du jeune design qui est à voir jusqu'au 2 septembre au Centre tchèque du design. Les travaux présentés ont été primés par le Centre, dans le cadre d'un concours ouvert aux étudiants des écoles secondaires et supérieures de design de toute la République tchèque. Le visiteur y verra porcelaine, verre, vêtements, outils de travail et objets les plus familiers, ainsi que de nouveaux logos du métro pragois, de la région de Bohême centrale, du Musée technique de Prague ou du Théâtre Rococo - tout cela signé par la plus jeune génération de designers tchèques. Jan Ctvrtnik est diplômé de la UMPRUM, l'Ecole supérieure des Arts et Métiers de Prague, ainsi que titulaire de la bourse Ingvar Kamprad, le fondateur d'Ikea, qui lui permet de se former en design industriel à Lund, en Suède. Sa série de meubles rembourrés, fabriqués par l'entreprise MM interiery de Luhacovice, en Moravie, lui a valu le Prix national du Centre tchèque du design. Jan Ctvrtnik :
« Ce que j'aime le plus, c'est le début d'un travail : quand je cherche ce qui manque sur le marché, quand je réfléchis comment je pourrais améliorer des produits qui existent déjà, leur donner un autre visage, moins ordinaire, comment faire économiser de l'argent au client, comment se servir des matériaux inhabituels... Bref, j'aime aborder les produits et la manière dont ils sont utilisés autrement. »
« Je ne rêve pas de faire un produit concret, tout m'intrigue et m'intéresse. Mais quand même - en ce moment, je rêve de faire une voiture. J'ai déjà commencé, pour l'instant, j'en suis aux esquisses. »
La création de Veronika Lousova, elle aussi fraîchement diplômée de la UMPRUM, domine sans doute l'exposition au Centre du design : elle a remporté un prix pour un aménagement de cuisine adapté aux personnes en fauteuil roulant - son travail de fin d'études à la UMPRUM.
« Je m'étais inspirée un peu du projet de Mme Zizkova, Design pour l'obscurité, destiné aux mal-voyants et non-voyants. Cela m'intéressait, mais j'ai voulu m'orienter vers un autre groupe d'handicapés et vers la création des meubles... Et alors, j'en suis arrivée aux personnes en fauteuil roulant. Et je me suis aperçue que pour elles, il n'y a presque pas de meubles appropriés sur le marché tchèque, alors je m'y suis lancée. »
«Au tout début du travail, j'ai dû me renseigner sur différents types d'handicaps, essayer moi-même comment cela fonctionne, quand on se déplace en fauteuil roulant. J'avais fait un modèle de cuisine en papier et je l'avais fait essayer aux paraplégiques du centre pragois Parapluie. J'ai eu beaucoup de mal à trouver un fabricant - les entreprises ont eu peur de fabriquer de tels meubles destinés à une minorité et, en plus, à une minorité aux faibles revenus. Enfin, j'ai trouvé l'entreprise Profil nabytek qui m'a énormément aidée : j'y ai travaillé sur la version finale du modèle, sur tous les composants ajustables. Là aussi, j'avais en permanence un fauteuil roulant, parce qu'en étant debout, vous ne pouvez rien essayer. »
Veronika Lousova s'engage dans la propagation du design tchèque à l'étranger : avec son équipe, elle a créé le site internet www.czechdesign.cz et organise aussi des expositions, tout récemment à Londres. Si certains affirment que les étudiants en design sont de plus en plus recherchés par les firmes tchèques, grâce à leurs travaux de bonne qualité et à bas prix, Veronika Lousova ressent, quant à elle, plutôt une réticence envers le design tout court, tant du côté des entreprises que des consommateurs... En République tchèque, il n'existe pas de véritable marché du design, explique-t-elle.
«Il y a un groupe de gens relativement riches qui achètent des produits de design mais souvent, ils n'ont pas de goût. Et puis, la majorité des gens disons ordinaires qui trouvent les produits design trop chers, n'ont pas l'habitude de les apprécier et de les acheter. »
«Ici, c'est très différent par rapport aux pays occidentaux, où les gens sont élevés au niveau de l'esthétique : ils savent que si un verre coûte 2000, ce n'est pas pour rien et ils savent aussi pourquoi ils l'achètent. Souvent, les gens ont tendance à penser qu'un designer dessine quelque chose en vingt jours et c'est fini, pour eux, ce n'est pas un vrai travail. Malheureusement, les entreprises partagent aussi ce point de vue - voilà pourquoi le design se développe ici lentement, avec, de temps en temps, des périodes plus intenses. »
Toujours à propos du design, mais cette fois-ci avec des créateurs français de renommée internationale : les designers Robert Stadler, Olivier Sidet et Laurent Massaloux. Ils se disent RADI Designers, RADI pour les mots Recherche, Autoproduction et Design. A l'automne 2004, ils ont exposé pour la première fois à Prague, dans la galerie de l'Institut français :
La nourriture, les boissons, l'art de la table... RADI Designers aiment bien : ils ont réalisé par exemple une gamme de doseurs Ricard, des verres Schweppes, des moules à gâteaux en verre soufflé, ou encore un biscuit chocolaté que l'on peut poser sur n'importe quelle tasse expresso et qui illustre cette petite catastrophe d'éclaboussure du café. L'un des plus gros projets dans la carrière des designers a aussi un rapport avec la nourriture : la création, en 2000, des plateau-repas pour Tempo, la classe économique d'Air France. Le projet le plus contraignant que nous ayons jamais réalisé, dit Robert Stadler et explique...
R.S. : "A chaque fois, quand on nous appelle pour un projet, qu'il soit libre ou contraint, on nous appelle toujours pour les mêmes objets-icônes qu'on a créés auparavant. Le commanditaire veut qu'on traduise les dimensions caractéristiques pour ces objets-là dans le sien. Cette traduction est intéressante, lorsque nous avons de la liberté. Mais quand il s'agit de faire un produit comme celui-là, fabriqué à 50 000 exemplaires par mois, c'est autre chose... Il s'agit 'simplement' de faire bien son travail de designer. C'est-à-dire de faire une subtile invention formelle qui fait que ce plateau est peut-être plus sympathique qu'un autre."
O.S. : "Pour nous, c'était vraiment un cas particulier, parce que le client, c'était Air France, donc quelqu'un qui n'est pas du tout intéressé par le design des objets. Nous avons aujourd'hui des clients qui nous demandent de dessiner des objets très industriels, mais ce sont des gens qui ont une culture du design, une culture du produit. Pour Air France, ce n'était pas du tout le cas. Donc le dialogue était assez délicat. Mais quand même, il y a eu un plaisir un peu inattendu à la fin : nous, on demandait de la liberté, de créer les formes et eux, ils nous demandaient de faire des choses qui allaient résister, être efficaces. Et à la fin, ils ne nous l'ont pas dit tout de suite, ils se sont aperçus que notre plateau était plus résistant que l'ancien."
Où, dans quels espaces, pourra-t-on voir, prochainement, vos réalisations ? A cette question, RADI Designers ont donné, à Prague, une réponse surprise : au Carrefour, par exemple, dans le secteur de l'électroménager. Une commande secrète, pour l'instant, mais Olivier Sidet a quand même accepté de dire un peu plus...
"Il s'agit, là encore, d'un projet particulier pour nous et aussi pour ce groupe qui fait de l'électroménager, parce qu'il se fait dans un court délai, donc nous avons très peu de temps pour faire le design de ces objets. Et il y a beaucoup d'objets à faire ! Donc c'est un peu le contraire de ce que RADI était pendant longtemps, c'est-à-dire une concentration sur une chose, puis une autre, puis une autre. Cette fois-ci, on doit produire à peu près 18 projets qui vont être fabriqués dans un temps record. Tout le monde est inquiet, d'autant plus que c'est un peu la survie d'une marque qui dépend de ça... On doit faire des choses qui nous plaisent et qui plairont aux gens. C'est un risque, une vraie aventure."