Disparition de la figure médiatique de l’opposition à l’écrasement du Printemps de Prague
Kamila Moučková, la présentatrice de télévision qui a informé la Tchécoslovaquie que les troupes du Pacte de Varsovie étaient entrées dans le pays en août 1968, est décédée mardi à l'âge de 92 ans. Celle qui fut l'un des symboles de la résistance à l'occupation soviétique sera enterrée cette semaine.
Elle fait partie de ces personnalités auxquelles de très nombreux Tchèques auraient aimé faire leurs adieux en personne, sans ce satané virus.
Pendant les premières heures de l’invasion, le 21 août 1968, elle a rendu compte des événements du studio avec des soldats derrière son dos, jusqu'à ce que les émetteurs soient éteints.
Pour le projet Mémoire de la Nation Kamila Moučková a décrit le moment où elle a réalisé qu'il y avait des soldats dans le studio de la télévision :
« J'étais tellement plongée dans la présentation que je ne me souviens même pas quand et comment exactement cela s'est passé. Mais mon caméraman, Jirka Průcha, a déplacé la caméra et j'ai vu deux soldats soviétiques debout juste derrière moi, pointant leurs mitrailleuses dans mon dos. Je n'avais même pas peur. Mais ce n'était pas une question de courage, j'étais juste vraiment en colère. »
Kamila Moučková est née en avril 1928 à Jihlava. Ses parents étaient politiquement actifs au sein du Parti communiste et elle a d'abord été élevée par les parents de sa mère.
Dans les années 1940, elle étudia brièvement le théâtre au Conservatoire de Prague et travailla pendant un certain temps dans les théâtres de Teplice et de Jihlava. Après avoir donné naissance à son troisième enfant, au milieu des années 1950, elle a commencé à collaborer avec la nouvelle télévision tchécoslovaque et tout au long des années 1960, elle est devenue une personnalité publique bien connue.
Suite à l'annonce de l'invasion, elle a également participé à la diffusion illégale d’émissions TV. En 1969, elle a soutenu les manifestations étudiantes liées à la mort de Jan Palach et au printemps de la même année, elle a été renvoyée de la télévision tchécoslovaque et exclue du Parti communiste.
« On ne naît pas héros. À un certain moment, vous devez décider de quel côté vous êtes. Et j'ai pensé: j'ai bénéficié d'énormes avantages pendant des années, des décennies. J'ai donc des obligations envers la nation », déclarait il y a quelques années Kamila Moučková.
Jusqu'en 1989, elle a travaillé comme cuisinière, femme de ménage et ouvrière d'usine. Elle fut l’une des premières signataires de la Charte 77 du mouvement dissident et a été constamment interrogée par la police secrète communiste jusqu'à la révolution de velours, lorsqu'elle a pu reprendre sa carrière.
Elle a occupé divers postes à la télévision tchèque et à Radio Free Europe. Elle a également participé à des centaines de discussions et a reçu de nombreux honneurs, dont le prix Arnošt Lustig pour avoir fait preuve de courage, de persévérance et d'humanité tout au long de sa vie.