Divergences entre les chefs de l’Etat et de la diplomatie tchèque à propos de la lutte contre l’Etat islamique
A l’occasion des commémorations du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, qui ont notamment été célébrées en République tchèque lors du forum international organisé par le Congrès juif européen, le chef de l’Etat, Miloš Zeman, s’est prononcé en faveur d’une action militaire internationale contre l’Etat islamique, devant être coordonnée par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Toutefois, face à ce discours, le ministre des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek, ne s’est pas laissé attendre pour manifester son désaccord.
« Nous avons besoin d’une action armée unifiée menée à l’échelle internationale et sous l’égide de l’ONU. Nous ne pouvons pas combattre les terroristes uniquement avec des changements législatifs superficiels, mais avec des forces armées, tel que cela avait été le cas de la Rhénanie, en 1936. »
Miloš Zeman a poursuivi en indiquant que l’Europe risque « un super holocauste », pouvant engendrer des centaines de millions de victimes. La comparaison de l’Etat islamique avec l’Allemagne nazie a, elle aussi, provoqué des réactions négatives, à tel point que le directeur du département en charge des affaires étrangères au Château de Prague, Hynek Kmoníček, s’est chargé de clarifier les propos du chef de l’Etat :
« Le président de la République a fait un parallèle historique, en indiquant que l’Allemagne des années 1930 n’avait pas l’air si dangereuse que dix ans plus tard. Si à cette époque, les dirigeants auraient évalué le danger et seraient intervenus, alors nous n’organiserions très probablement pas ces commémorations du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. C’est pourquoi, à l’heure actuelle, nous pouvons être dans une situation similaire, lorsque l’Etat islamique commence à fonctionner effectivement comme un Etat, à abolir les frontières, à répandre son idéologie à travers le monde entier. Il y a donc trop de caractéristiques similaires et nous devrions réfléchir aux actions préventives qui pourraient nous épargner de futurs grands dangers. »Le chef de l’Etat tchèque a également indiqué que l’action militaire devrait se concentrer sur les camps d’entraînement des terroristes. Selon diverses opinions d’hommes politiques du pays, cette solution est néanmoins déjà en cours d’exécution. A ce propos, le Premier ministre, Bohuslav Sobotka a fait savoir :
« Une coalition internationale a été créée pour intervenir contre l’Etat islamique. Et la République tchèque s’est jointe à cette action en fournissant des munitions aux Kurdes. »Face aux propos du chef de l’Etat, le chef de la diplomatie, Lubomír Zaorálek s’est laissé entendre qu’il n’imaginait pas que la République tchèque puisse déclarer une « croisade quelconque » en faisant allusion à échec de l’intervention américaine en Irak ayant, dans une certaine mesure, provoqué les réactions militaires des djihadistes. Le ministre des Affaires étrangères a notamment indiqué :
« En ce qui concerne l’Etat islamique, je crois que jusqu’à présent nous avons été en accord avec le président de la République, et nous allons le rester. Je sais également que j’ai le soutien du président, car j’ai été le seul représentant d’un pays d’Europe centrale, qui a fait partie de la création d’une alliance formée à Paris puis à Berlin par plus de cinquante pays contre cette entité. Et dans le cadre de ladite alliance, nous nous sommes mis d’accord sur l’essentiel, à savoir qu’une seule intervention militaire n’a aucune chance dans ce combat et ne peut pas apporter de résultats. Et c’est bien ce que j’affirme. L’idée que nous allons mettre en place une armée, pour intervenir quelque part, est un non-sens. C’est pourquoi les déclarations du président m’ont quelque peu inquiété. »Pour le chef de la diplomatie tchèque, il incombe aux pays arabes de jouer un rôle clé dans l’éradication de l’Etat islamique, qui ne peut pas être uniquement un combat des pays occidentaux.