La divergence de la politique étrangère tchèque

Miloš Zeman, photo: ČTK

La République tchèque faisant partie des cinq pays qui fournissent une des plus importantes aides à l’Ukraine, les récentes déclarations du président Miloš Zeman relatives à l’inutilité du versement d’aides économiques à l’Ukraine, ont soulevé un débat à propos des divergences de vues au sommet de l’Etat tchèque en matière de politique étrangère.

Miloš Zeman,  photo: ČTK
Lors d’un entretien accordé à la Télévision tchèque, vendredi dernier, le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Pavlo Klimkine, a indiqué que Kiev considérait comme inacceptables les déclarations du président de la République tchèque à propos de la reconnaissance de l’annexion de la Crimée par la Russie. C’est pour cette raison que le ministère ukrainien a convoqué l’ambassadeur tchèque en poste à Kiev, Ivan Počuch, afin d’avoir quelques explications. En mars dernier déjà, à l’occasion d’une conférence sur l’Europe, Miloš Zeman avait déclaré au sujet de l’annexion de la Crimée : « Je voudrais dire avec un certain cynisme politique que la Crimée est perdue et qu’en fin de compte, elle n’a jamais appartenu à l’Ukraine. »

La semaine dernière, Pavlo Klimkine, a tenu à souligner qu’il ressentait toutefois beaucoup de respect pour la majorité des Tchèques qui manifestent leur soutien moral à l’Ukraine. Le chef de la diplomatie ukrainienne a précisé que la convocation de l’ambassadeur tchèque était un procédé diplomatique habituel, et que cela n’aurait pas d’incidence sur les relations entre l’Ukraine et la République tchèque.

Avant cela, quelques jours plus tôt, Miloš Zeman avait accordé un entretien à la première chaîne publique de la Télévision russe dans lequel il affirmait à propos de la situation en Ukraine :

« Dans les conditions de guerre civile en Ukraine, un soutien économique est dans l’ensemble absurde. En d’autres termes, dans les conditions d’une guerre civile, n’importe quelle aide économique est un gaspillage d’argent. »

Bohuslav Sobotka,  photo: ČT24
Dans la mesure où il appartient au gouvernement de conduire la politique étrangère du pays, et où le chef de la diplomatie, Lubomír Zaorálek, a dénoncé à plusieurs reprises l’annexion de la Crimée, se prononçant en faveur de sanctions contre la Russie, la problématique de la coordination de la politique étrangère de la République tchèque se pose. Le Premier ministre Bohuslav Sobotka a ainsi réagi en ces termes aux déclarations du chef de l’Etat:

« Cela ne peut jamais être qu’une affaire unilatérale. Le gouvernement, le ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre ne sont pas les seuls qui doivent faire de leur mieux. Le président de la République devrait, lui aussi, s’efforcer à faire du mieux possible. Ainsi, il devrait préalablement discuter de façon approfondie certaines de ses prises de position. »

Lors d’un entretien télévisé, le ministre des Affaires étrangères a indiqué que malgré ses récentes déclarations, Miloš Zeman suivait la ligne politique de la République tchèque. A la question de savoir si l’aide économique fournie à l’Ukraine est un gaspillage d’argent, Lubomír Zaorálek a répondu :

Lubomír Zaorálek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Bien évidemment que ce n’est pas un gaspillage. Il est dans notre intérêt que l’Ukraine ne se divise pas politiquement et économiquement. Il est important pour la République tchèque que l’Ukraine soit stable, que dans le cadre de ses frontières elle devienne un Etat qui sorte de la crise politique et économique, où elle se trouve à l’heure actuelle. Mais le point sur lequel je suis d’accord avec le président de la République, c’est que lorsque l’on parle d’une aide économique, il est important de savoir où et vers qui elle est orientée et si elle ne termine pas dans les poches des oligarques. »

Le chef de la diplomatie tchèque affirme qu’il ne lui appartient pas de dicter la conduite du président de la République ou d’approuver ses différents entretiens, le quotidien américain The Washington Post, lui, ne s’est pas privé de qualifier le chef de l’Etat Miloš Zeman de « porte-parole du président russe ».