Dominik Hašek, le gardien de hockey qui aurait pu remplacer Václav Havel au Château de Prague

Dominik Hašek
  • Dominik Hašek, le gardien de hockey qui aurait pu remplacer Václav Havel au Château de Prague
0:00
/
8:28

À moins que vous ne soyez un passionné de sport ou fan de hockey sur glace, ou encore peut-être canadien, son nom, à vous, auditeurs et lecteurs francophones de Radio Prague International, ne dit probablement pas grand-chose. Il s’agit pourtant, sans exagération, de l’un des plus grands sportifs tchèques de l’histoire. Ce mercredi 29 janvier, le légendaire gardien de but Dominik Hašek, inoubliable héros des Jeux olympiques de Nagano en 1998, fête ses 60 ans !

S’il l’avait voulu, quand il était au sommet de son art sur la glace, Dominik Hašek aurait bien pu remplacer Václav Havel au Château de Prague dans le fauteuil de président de la République. Pince-sans-rire et jamais à court de répartie, l’ancien dissident devenu chef d’un État enfin libre dans un même élan d’euphorie quelques années plus tôt lui avait même confié que ses valises étaient prêtes et que la place était libre...

Dominik Hašek,  inoubliable héros des Jeux olympiques de Nagano en 1998 | Photo: APF ČRo

« Hašek na Hrad ! » - « Hašek au Château ! », c’est en tout cas ce qu’en février 1998, au lendemain de la finale victorieuse contre l’honnie Russie, l’immense foule rassemblée dans le centre de Prague avait réclamé. Héros de tout un peuple, les hockeyeurs tchèques étaient revenus des Jeux de Nagano et de ce qui avait alors été pompeusement appelé « Le tournoi du siècle » (en raison de la participation des meilleurs joueurs de la ligue nord-américaine NHL), avec, pour la première fois de l’histoire, la médaille d’or olympique autour du cou.

Impérial en finale, où il avait stoppé tous les lancers des joueurs russes, mur infranchissable lors de l’insoutenable séance de tirs au but contre le Canada en demi-finales, Dominik Hašek avait été le grand artisan de ce qui, vingt-sept ans après, au même titre que les victoires d’Emil Zátopek ou de Věra Čáslavská, reste un des plus grands exploits de l’histoire du sport tchèque. Une performance qui a même dépassé le seul cadre du sport. Huit ans après la révolution de velours, cinq ans après la partition de la Tchécoslovaquie, les hockeyeurs avaient placé la « petite » République tchèque (que personne ne désignait alors comme la Tchéquie) sur la carte du monde.

De passage dans les studios de Radio Prague International à l’occasion de son 60e anniversaire, Dominik Hašek s’est souvenu avec émotion de quelques-uns des plus beaux jours de sa carrière sportive :

Dominik Hašek | Photo: Jan Kubelka,  Radio Prague Int.

« Le fait que je sois revenu vivre en République tchèque et ne sois pas resté en Amérique après ma carrière en NHL fait que, quand les gens me le demandent, je réponds que je considère cette médaille d’or et tout ce qui l’a suivi comme le plus grand moment de ma carrière. Nous ne jouions pas seulement pour nous à Nagano, mais pour le peuple tchèque et c’est quelque chose d’inoubliable. Nous sommes conscients d’être entrés dans l’histoire du pays. Il n’y a pas plus beau à mes yeux, car c’est le pays où je suis né, où j’ai grandi et où je vis. »

Un pays, aussi, où Dominik Hašek, bien avant de devenir « Dominator » et un des meilleurs gardiens de l’histoire en NHL, a appris à jouer au hockey. Et comment aurait-il pu en être autrement en voyant le jour à Pardubice, la ville de Bohême de l’Est qui a souvent donné de nombreux joueurs de talent à l’équipe nationale...

Dominik Hašek en 1985 | Photo: Pavel Khol,  ČTK

« Je suis originaire de Pardubice, une ville de 100 000 habitants où le hockey a toujours été le sport numéro un. Quand il y a un match de championnat, quel que soit le jour de la semaine, tout le monde va au hockey. Quand j’avais 4 ou 5 ans, j’allais voir les matchs avec mon grand-père et c’est lui qui m’a transmis cette passion. J’admirais les grands joueurs que je voyais sur la glace, et plus encore les gardiens. Alors, quand j’ai dit à la maison que moi aussi je voulais jouer au hockey, mon père m’a acheté une crosse et un casque et fabriqué lui-même le reste de l’équipement d’un gardien. C’est comme ça que j’ai participé à mon premier entraînement à 6 ans. Je garde de toutes ces années 1970 et 80 un formidable souvenir. Nous étions gamins et la politique ne nous intéressait pas le moins du monde. Le sport et le hockey plus encore étaient toute notre vie, tout ce qui comptait pour nous était de pouvoir jouer, encore et encore. Moi, j’étais dans ma cage de gardien et j’étais le plus heureux des garçons. »

Enfant heureux et jeune homme talentueux. Car très vite, dès ses 16 ans, Dominik Hašek fait ses débuts avec Pardubice dans le championnat d’élite de Tchécoslovaquie. Pas une mince affaire à une époque où, puisque le régime communiste leur interdisait de partir à l’étranger, les meilleurs joueurs restaient au pays.

Un match contre l’USSR au championnat du monde en 1987 | Photo: Libor Hajský,  ČTK

Très vite s’ensuivront les premiers pas en équipe nationale, les premiers duels épiques contre l’URSS aux championnats du monde, les premiers titres de champion de Tchécoslovaquie, puis, enfin, sitôt la révolution achevée et le rideau de fer tombé, le grand départ pour l’Amérique et sa prestigieuse NHL, la meilleure ligue de hockey au monde.

Mais avant de signer son premier contrat professionnel à Chicago, Dominik Hašek, brillant étudiant aussi, décroche encore un diplôme d’enseignant après avoir soutenu une thèse sur... la psychologie des gardiens de but au hockey sur glace ! C’est donc un esprit sain dans un corps sain qui, en 1990, à déjà 25 ans, découvre un nouveau monde.

Dominik Hašek en NHL,  1992 | Photo: Fred Jewell,  ČTK/AP

« Si vous me demandez ce qui a le plus compté dans ma carrière en NHL, outre le fait d’avoir eu la chance de jouer avec ou contre les meilleurs joueurs du monde, ce sont indéniablement les neuf saisons passées à Buffalo. Oui, j’ai gagné deux Coupes Stanley avec Detroit, oui, j’ai commencé à Chicago, oui, j’ai aussi joué au Canada, où le hockey est une religion, mais c’est à Buffalo que ma carrière a pris son envol et que je suis devenu une star en Amérique. Même si je n’y ai jamais gagné de Coupe Stanley, c’est à Buffalo que l’on m’a donné ma chance et que j’ai su la saisir. »

Dominik Hašek à les Red Wings | Photo: Dan4th Nicholas,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 2.0

Dans un style pas toujours académique et parfois même quelque peu moqué par les experts, mais incomparable et diablement efficace en tous les cas, Dominik Hašek, sacré champion avec les Red Wings en 2002 et 2008, aura ainsi passé dix-huit années en NHL, une ligue dont il a d’ailleurs été désigné à six reprises meilleur gardien, et même meilleur joueur de la saison (1996-1997 et 1997-1998).

Revenu dans son pays natal et dans son club formateur de Pardubice, où il deviendra en 2010, à 45 ans, le joueur le plus âgé de l’histoire sacré champion de Tchéquie, Dominik Hašek passera encore, aussia une saison en Russie pour y défendre les couleurs du Spartak Moscou en KHL, la nouvelle ligue continentale qui aspire alors à concurrencer la NHL nord-américaine.

Après avoir mis un terme définitif à sa carrière, il deviendra, en 2014, ultime honneur, le premier joueur tchèque de l’histoire intronisé au Temple de la renommé du hockey, sacro-sainte institution au Canada.

Dominik Hašek | Photo: Jan Kodet,  ČRo

Grand défenseur ces dernières années de la cause ukrainienne dans son combat pour son indépendance contre l’occupant russe, Dominik Hašek, qui aura prochainement un quatrième enfant et qui avait été élu « Hockeyeur (tchèque) du siècle » en 1998 (devant Jaromír Jágr !), reste ainsi, à 60 ans, une authentique légende vivante en Tchéquie. Et même s’il n’a finalement jamais enfilé le costume de président de la République, plus seulement désormais pour ses exploits sur la glace :

« Je ne peux pas dire que c’est un rêve, mais je veux faire le maximum de ce qui est mon pouvoir pour que la guerre en Ukraine s’arrête et que les Russes retournent là où est leur place, c’est-à-dire chez eux. Le sport a le pouvoir de rassembler les gens, de faire d’eux des meilleures personnes et de changer la société. C’est quelque chose dont je veux faire partie. La Russie est responsable de la mort de trop nombreuses personnes pour que l’on puisse la laisser faire. Je suis le père d’un enfant de trois ans, nous en attendons un autre avec ma femme, et je ne dirais pas que c’est une obligation, mais j’ai envie de me battre, car il est important pour les générations futures que le droit et la loi soient respectés. »

Nagano,  1998 | Photo: Karel Švec,  Český svaz ledního hokeje