Économie/Commerce

Nous avons choisi, cette fois-ci, un peu comme le demande la saison, de vous faire part d'un entretien en dilettante avec un peintre pragois, Jiri Michalek. Pour parler, non pas du marché de l'art, mais de la peinture. Jiri Michalek est certainement l'un des plus grands artistes-peintres du naïf de la fin du XXe et ce début du XXIe siècle à Prague. Il a un style très personnalisé reproduisant le plus souvent les quartiers traditionnels du vieux Prague, les réjouissances familiales et l'intérieur des brasseries populaires pragoises. Le tout avec une touche confinant au suréalisme et se plaisant dans l'animation et la multiplicité de personnages étranges et burlesques.

Depuis la Révolution de velours en 1989, il y a des évolutions spectaculaires dans tous les domaines. Quels sont, lors de cette même période, dans le domaine de la peinture, les événements qui vous ont frappé le plus ?

A mon avis, chez nous, il y a certains gens, qui ont un accès quasi monopolistique aux médias, ils sont un groupe comme s'il n'y a qu'eux qui aient de la valeur. Malheureusement, il y a même des gens qui appartiennent à l'ancien régime. Ce ne sont pas des barons, ces gens-là, mais il se trouve que la chose la plus importante pour un artiste est l'accès au médias pour se faire connaître, principalement à la télévision. Et là, c'est pratiquement toujours les mêmes visages qui reviennent. Malheureusement, il reste dans l'ombre des gens qui ne le méritent pas, et ainsi l'information ne traduit pas la réalité.

A votre avis, combien d'artistes compte la République tchèque ?

Il est difficile de faire une évaluation. Moi, par exemple, je rentre d'un séjour de 14 jours en Moravie. Là-bas, dans la moindre petite ville, il y a des galeries. La Moravie est principalement caractérisée par une nature très belle, il y a un grand nombre de peintre desquels personne ne connaît rien. Ils exposent dans de petites villes et même dans des villages où l'on trouve des galeries très visitées. Ces gens-là ne viennent pas à Prague...

Et à combien pourriez-vous évaluer le nombre de galeries en Tchéquie ?

Là encore, toute appréciation serait hasardeuse. Une chose est sûre, depuis 1989, un grand nombre de galeries privées a été ouvert en Tchéquie, qui présentent des choses de valeur, au dessus de la moyenne...

Ces peintres sont des amateurs ou des professionnels ? Ils vivent de leur art ?

Je pense que dans ces régions, il y a des peintres qui, effectivement vivent de leur art. Autrefois, il fallait faire partie d'une structure pour pouvoir créer. Aujourd'hui, chacun peut créer librement et exposer librement. Je ne sais pas comment distinguer un amateur d'un professionnel. Parmi les peintres, rares sont ceux qui ont des titres académiques.

C'est assez curieux de voir des peintres de petites villes vivre de leur art. Comment est-ce possible ?

C'est ainsi, ces régions sont très visitées par les touristes, spécialement Vysocin (le plateau tchéco-morave). Et je pense que ces touristes s'intéressent à ces galeries et à cet art.

Combien coûte en moyenne un tableau en Tchéquie ?

Encore difficile à dire, mais dans leur majorité, les prix ne sont pas très élevé, et, disons qu'en moyenne le prix correspond au travail exposé. Disons que pour un tableau de 40 à 50 cm, il faut compter 3 à 4000 couronnes. Le prix dépend aussi de la technique, de la manière dont le tableau est travaillé. Mais disons que, lorsque vous comptez, la peintre, les accessoires, la toile, je ne sais pas moi... un demi-mètre de toile coûte 500 à 600 couronnes. Je pense qu'en définitive tout dépend de la valeur du travail et non pas du peintre. Les gens qui vendent essayent de rentabiliser.

Je reviens à la décennie quatre-vingt-dix. On a l'impression, en jetant un coup d'oeil sur le passé, qu'au tout début de cette décennies, le marché de la peinture à Prague somnolait quelque peu. Puis, toute une série de peintres sont venus et lui ont donné une certaines dynamique. C'est du moins ainsi qu'apparaissent les choses vues de l'extérieur.

Il est vrai qu'il y a beaucoup de peintres russes à Prague et qu'il y a pas mal de galeries qui les exposent. Finalement on parle même de mafia. Dans la Vieille-ville, les galeries les plus lucratives appartiennent en majorité aux Russes. Ils importent ces tableaux de Russie. Ils ont des films et des photos de Prague à partir desquels ils font travailler, là-bas, des peintres dans des ateliers et auxquels il achètent ces tableaux à prix bas. C'est comme ça que ça se passe.

Ce sont donc plutôt des businessman que des peintres ? Car, le loyer, dans la Vieille-ville, il faut le payer...

Mais il n'y a pas que des tableaux russes que ces gens vendent dans la Vieille-ville de Prague et sur le pont Charles. Il y au d'autres choses : des chapeaux, des montres russes, des pantoufles, etc. Mais, pour la peinture, ce ne sont pas des peintres tchèques.

C'est assez curieux, parce que des emplacements aussi intéressants au centre-ville, ce sont les Tchèques qui devraient les avoir et non pas les Russes...

C'est vrai. Seulement eux, ces emplacements, ils sont capables d'y mettre le prix. Il y a de gros sous là-dedans, ce que les artistes tchèques ne peuvent pas se permettre.

Jusqu'à présent nous sommes restés dans les généralités. Prenons un cas concret pour éclairer nos auditeurs sur la situation des peintres en Tchéquie. Un jeune peintre débutant, peut-il, par exemple, parvenir à exposer dans une galerie à Prague ?

Tout dépend des conditions dans lesquelles il voudrait exposer. S'il voudrait exposer à un droit lucratif en Galerie au centre de Prague, c'est très cher. Aujourd'hui, il est d'usage de faire un vernissage et d'inviter pas mal de gens. Rares sont ceux parmi des débutants qui trouvent un sponsor. Car il faut une aide financière. Autrement, ce n'est pas possible. Mais il est possible de faire des offres à des galeries qui acceptant d'exposer les tableaux en prélevant sur le prix des tableaux 60% voire même 100%. Tout dépend de l'emplacement de la galerie. Il est aussi possible de faire des expositions permanentes dans des restaurants ou des cafés comme cela se fait de plus en plus. Et je pense que c'est aussi bon. On y trouve d'autres gens que les snobes des galeries.

Peut-on dire aujourd'hui qu'il existe à Prague un marché international de l'art ?

Un marché international, il existe certainement. Il y a des galeries comme la galerie Meroun, où l'on trouve des tableaux du monde entier. Au quartier Hradcany, par exemple, il y a des galeries spéciales pour les collectionneurs. C'est une autre classe, une autre catégorie.

Auteur: Omar Mounir
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