Emil Zatopek nous a quittés
Cette voix d'un homme connu dans le monde entier, nous ne l'entendrons plus... Emil Zatopek, un sportif légendaire, s'est éteint mercredi, à l'hôpital militaire de Prague. Alain Slivinsky vous le présente.
Quand j'étais jeune, habitant encore en France, je connaissais trois choses sur l'ancienne Tchécoslovaquie : les motos Jawa, le poème symphonique Vltava de Smetana et le nom d'Emil Zatopek... Cette légende sportive du XXe siècle a disparu, à la suite d'une embolie dont il souffrait, depuis le 30 octobre. Quel était donc ce coureur de fond respecté même par ses plus farouches adversaires ' Il est né en 1922 à Koprivnice, ville des automobiles et camions Tatra. Il fait sa première course chronométrée à Brno, en 1941. En 1945, il est admis à l'Académie militaire. 1948, première médaille d'or aux Jeux olympiques de Londres aux 10 km, et médaille d'argent aux 5 km. C'est en cette année qu'il se marie avec Dana, lanceuse de javelot. Premier record du monde aux 10 km en 1949, Champion d'Europe aux 10 et 5 km en 1950. Il fut le premier homme de la planète à courir plus de 20 km en une heure. Son plus grand triomphe, ce sont les Jeux olympiques d'Helsinki : trois médailles d'or en une semaine aux 5 et 10 km et au marathon. Phénoménale victoire, quand il arrive sur le stade, les spectateurs debout, qui scandent son nom ! Il continue sa carrière en courant les 10 km en dessous de 29 minutes et devient le premier sportif tchèque à recevoir le Prix Pierre de Coubertin décerné par l'ONU. En 1999, il devient le meilleur sportif olympique du siècle. Sa vie ne fut, pourtant, pas seulement jalonnée de succès sportifs. En 1968, il proteste
énergiquement contre l'occupation soviétique. Il est exclu du parti communiste et de l'armée et devient ouvrier. Le régime totalitaire exerce une énorme pression sur celui qu'il considère comme l'un de ses meilleurs ambassadeurs... Zatopek fait son autocritique, et s'oppose à la Charte 77. Cette triste période se termine avec la chute du communisme, dans l'ancienne Tchécoslovaquie, en 1989. Il redevient l'homme souriant que l'on connaissait, l'idole sportive connue en tant que merveilleux narrateur et grand amateur des vins moraves. Pour Karel Pilny, président de l'Union d'athlétisme, Zatopek était le meilleur ambassadeur de la Tchécoslovaquie, faisant connaître son nom, mais aussi son pays dans le monde entier. Antonio Samaranch, président du Comité international olympique, se souvient de son triomphe, à Helsinki. L'arrivée solitaire de Zatopek sur le stade, vainqueur du marathon, reste pour lui un moment inoubliable, le symbole de la grandeur des Jeux olympiques. Il ne fut pas connu seulement pour ses succès. Ses méthodes d'entraînement contribuèrent grandement à sa célébrité. Il était capable de courir 100 sprints de 40 mètres en une journée. A son époque, personne ne pouvait le faire. Selon son épouse, Dana, la vieillesse a eu raison de ce sportif invincible, et non pas, comme on pourrait le penser, le fait qu'il ait fait, en courant, trois fois le tour du monde. Selon les médecins, pourtant, sa maladie du cerveau pourrait être la conséquence d'une trop forte sollicitation de son organisme, pendant toute sa vie. Emil Zatopek sera le premier sportif avec lequel les derniers adieux auront lieu sur la scène du Théâtre national de Prague, le 6 décembre, à 11 heures. Une reconnaissance des mérites exceptionnels de ce « Grand Tchèque ».