En attendant plus de dignité pour les seniors tchèques
Le vieillissement de la population est un phénomène préoccupant, aussi, en République tchèque ; d’ici l’an 2030, les personnes ayant plus de 60 ans représenteront jusqu’à 30 % de l’ensemble de la population. A l’heure actuelle, on compte dans ce pays de quelque dix millions d’habitants près de 1 500 000 personnes de plus de 65 ans. Les problèmes que cette situation apporte et auxquels la société doit faire face sont nombreux. Nous en allons évoquer quelques-uns en cédant la parole à trois responsables du domaine concerné.
Le regard sur les personnes âgées en République tchèque a toujours été un peu spécifique. Le gérontologue Zdeněk Kalvach explique :
« Historiquement parlant, il existe un regard très négatif dans le pays sur la vieillesse qui est considérée comme une phase de la vie liée en premier lieu à des problèmes de santé, à la pauvreté. La marginalisation des personnes âgées en République tchèque est beaucoup plus grande qu’ailleurs ce qui est dû, en grande partie, à leur situation matérielle. Beaucoup de veilles personnes n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins ce qui réduit fortement leur dignité humaine. Voilà un aspect qui n’est pas à ce point important dans les pays d’Europe occidentale ».
Outre les problèmes d’ordre matériel, ce sont certes la discrimination et l’abus qui sont les problèmes les plus graves qu’affrontent les seniors en République tchèque. Jusqu’ici, on n’en a que très peu parlé, un vrai débat public et un suivi régulier et complexe dans ce domaine faisant défaut. Selon les estimations d’experts qui s’occupent de la problématique, le nombre de seniors qui ont fait l’objet d’un abus physique brutal et violent est comparable à celui que l’on trouve dans les autres pays européens. Une différence existe en revanche en ce qui concerne la pratique des formes d’abus moins visibles et plus « raffinés ». En Tchéquie, le nombre de personnes âgées qui y sont exposées serait supérieur à 5% ce qui est un chiffre retenu dans les pays d’Europe occidentale. Zdeněk Kalvach :« Ces formes sont plus graves. Cet abus se manifeste par exemple au sein des familles qui n’accordent que des soins insuffisants à un membre d’un certain âge ou encore par de mauvais soins dans des établissements et des foyers pour les seniors, par une mauvaise culture des comportements à l’égard des personnes âgées ou handicapées ».
L’abus et la discrimination des seniors représentent un des thèmes importants des futures présidences européennes française et tchèque, cette dernière incombant au premier semestre de l’an 2009, juste après la présidence française. Un échange entre les deux pays à ce sujet est-il envisagé ? Une question pour Mme Džamila Stehlíková, ministre chargée des droits de l’homme et des minorités.« Une coopération doit être mise sur place, bien sûr, car le vieillissement de la population est un problème qui touche toute l’Europe. Les deux pays, la France et la République tchèque, ont beaucoup à dire à ce sujet, compte tenu de leurs expériences et pratiques. Je suis certaine que les deux présidences successives nous permettront de raffermir les relations dans le domaine des soins sociaux et sanitaires accordés aux personnes âgées et dans le domaine de la protection de leur dignité humaine ».
Zdeněk Kalvach s’attend lui aussi à ce qu’une approche européenne commune puisse avoir des effets bénéfiques sur la situation en République tchèque.
« Le contexte européen signifie que ce thème fera l’objet de discussions, et que tous ceux qui prétendent qu’ « il y a des choses plus importantes à résoudre », réaliseront qu’il s’agit-là d’un des thèmes prioritaires qu’une société développée est appelée à discuter et qu’elle devrait vouloir vraiment discuter. Donc, ce n’est pas sous forme d’impératifs mais à travers les débats et les discussions que les standards d’une société développée seront mis en application ».La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail est l’un des éléments importants de la loi anti-discrimination qui a été adoptée, il y a quelques jours, par la Chambre des députés. Une loi que la Tchéquie aurait dû adopter, déjà, au moment de son entrée dans l’Union européenne, en 2004.
Quelle serait l’image d’un senior heureux, en République tchèque, aux yeux de Džamila Stehlíková ?
« Ce serait en tout premier lieu un senior qui peut vivre chez lui, dans son milieu naturel. Une personne autonome, de préférence avec sa famille et qui, pourtant, n’aurait pas besoin d’être soignée par cette famille et qui ne serait pas obligée de lui donner en contrepartie une partie de sa pension retraite. Bref, un membre à part égal de la famille qui garderait pleinement son autonomie et qui déciderait lui-même de sa vie ».
Život 90, la Vie 90, est l’une des rares associations civiques destinées en Tchéquie aux personnes âgées. Sa mission est on ne peut plus sympathique. Son président Jan Lorman explique.
« Vivre plus longtemps et profiter de la vie. Voilà en bref la mission de notre association. Ce slogan peu paraître un peu provocateur. Mais pourquoi une personne de 70, 80 ou 90 ans, ne devrait-elle pas avoir le droit de profiter de la vie, tout comme ceux qui ont 20 ans, par exemple ? Mais outre cette mission primordiale, nous déployons des activités en vue d’améliorer les conditions des personnes âgées, des activités d’ordre social, sanitaire et autres. Nous comptons près de onze mille membres qui se recrutent dans toute la République tchèque, parmi lesquels on trouve aussi des jeunes, car notre seule ambition est de rendre plus agréable la vieillesse ».
La protection de la dignité des personnes âgées et la prévention de leur abus ont été au menu d’une conférence internationale qui s’est tenue le 17 mars à Bruxelles, en présence de Vladimír Špidla, euro-comissaire tchèque pour les affaires sociales et l’égalité des chances. Une autre conférence sur ce sujet est prévue, à Prague, pendant la présidence tchèque de l’Union européenne.