En France, le duo Ladislava explore les musiques et poèmes slaves

Ladislava

Rencontre aujourd’hui avec les musiciens Emmanuelle et Olivier Lombard qui forment le duo Ladislava. Originaires de Nancy, les musiciens revisitent le répertoire des musiques traditionnelles d’Europe centrale et orientale. Cet été, ils ont présenté au public tchèque leur nouvel album intitulé « Lásko! » (Amour) inspiré notamment des poèmes anciens recueillis par le compositeur Leoš Janáček.

Emmanuelle et Olivier, bonjour.  Comment est né le duo Ladislava ? Pourquoi avez-vous choisi ce prénom féminin tchèque, – un brin désuet aujourd’hui –pour votre groupe ?

Olivier et Emmanuelle | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Emmanuelle : « Olivier et moi, nous nous sommes rencontrés en 2011, au Conservatoire de musique de Nancy. Nous avons commencé à jouer ensemble. Olivier est guitariste et moi, je suis chanteuse et clarinettiste. Nous avons concocté un répertoire autour des musiques qui nous passionnent, c’est-à-dire d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans et également des musiques d’influences tziganes, comme le jazz manouche. »

« Je voulais donner à notre duo un nom qui soit marqué de traditions slaves. Le prénom Ladislava m’a tout de suite sauté aux yeux. C’était d’abord le titre de l’une de nos chansons. »

La musique tchèque traditionnelle est une source d’inspiration importante pour vous. Comment l’avez-vous découverte ?

Emmanuelle | Photo: Site officiel du groupe Ladislava

Emmanuelle : « Au départ, on ne connaissait pas la Tchéquie en particulier. Il y a dix ans, notre amie Lenka Froulíková nous a invités à jouer lors du vernissage d’une exposition à la Galerie Netopýr qu’elle tient dans un petit village de la Šumava, à Žihobce. A cette occasion, nous avons découvert la région de la Šumava et aussi Prague. Nous sommes tombés sous le charme de la culture, des gens que nous avons rencontrés, de la langue, de la gastronomie… Nous sommes revenus à plusieurs reprises et nous avons cherché aussi à apprendre à parler un peu le tchèque. Naturellement, nous avons voulu essayer de retrouver des sonorités traditionnelles des musiques et des poèmes anciens de Bohême et de Moravie. »

Ladislava | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.

Des éléments de la culture traditionnelle slave – tchèque et morave notamment

Comment composez-vous vos chansons ?

Photo: Site officiel du groupe Ladislava

Emmanuelle : « Dans notre dernier album ‘Lásko’ nous avons voulu mélanger des éléments de la culture traditionnelle slave – tchèque et morave notamment – avec quelque chose de beaucoup plus moderne, à savoir la musique électro. Pour le côté traditionnel, nous avons cherché des poèmes. Je suis tombée sur un livre créé par le célèbre compositeur tchèque Leoš Janáček. Au début du XXe siècle, il a sillonné la campagne de Moravie pour récolter les chansons et poèmes de la région pour conserver ce patrimoine culturel oral qu’on risquait de perdre.  A partir des poèmes traditionnels rassemblés dans ce recueil, nous avons composé nos propres musiques. La chanson la plus représentative de l’album s’intitule ‘Lásko’. Elle est basée sur un poème que tous les Tchèques connaissent, ‘Láska’- Amour. »

En effet, on connaît bien cette chanson traditionnelle qui commence par ‘Ej lásko, lásko, ty nejsi stálá… ‘ Pourriez-vous traduire les paroles pour nos auditeurs francophones ?

Emmanuelle : « Cela veut dire : ‘Mon amour, mon amour, tu n’es pas stable. Tu es comme l’eau entre les rives. L’eau passe, notre amour meurt, comme une feuille se détachant d’un romarin…’ »

« Pour cette chanson, j’ai voulu me rapprocher des sonorités des tambours chamaniques. C’est une musique qui part d’un chant a cappella, donc sans accompagnement instrumental, avec ensuite une deuxième voix, une troisième voix et un chœur. Des instruments viennent s’ajouter, ainsi que des synthés. Tout cela s’accumule pour donner un effet répétitif, hypnotique et presqu’extatique. »

Et les autres chansons de l’album ?

Emmanuelle : « Il commence et il se termine par deux chansons en français, les seules de l’album, construites en miroir : ‘Opa cupa’ qui est une invitation à danser, et ‘Au revoir’. Une autre chanson, ‘Apareka’ est un thème traditionnel de la Géorgie. Il a été notamment popularisé par le Trio Mandili, un trio vocal féminin géorgien qui a percé sur Internet vers 2010-2012. Les filles se filmaient avec un téléphone en train de chanter à trois voix avec un panduri dans la campagne. La chanson ‘Apareka’ a fait le tour du monde et nous avons décidé de la reprendre, en ajoutant les sonorités électro pour moderniser le langage musical. »

Photo: Site officiel du groupe Ladislava

« Deux autres morceaux, ‘Sara’ et ‘Lyn’ ont été composés par Olivier, pour accompagner une danse particulière, la tribal-fusion. Cette danse est née dans les années 1970 aux Etats-Unis, sous l’influence de danseuses orientales qui ont voulu, un peu comme nous aujourd’hui, mélanger le côté traditionnel des danses orientales et indiennes avec des genres modernes : le hip-hop, la danse contemporaine etc. »

« ‘Hypnose’ est un morceau uniquement instrumental, où Olivier joue de la guitare et moi de la clarinette. C’est un hommage à un groupe emblématique de musique klezmer, le groupe français Klezmer Nova. Je l’ai découvert quand j’étais assez jeune et c’est lui qui m’a donné envie de jouer cette musique. »

« Nous avons dans le répertoire également ‘Eja Hoj ! Bože mój !’ ainsi que ‘Muzikanti’, deux chansons écrites à partir de poèmes issus du recueil de Leoš Janáček sur des musiques que nous avons composées. Enfin, nous avons ‘Ljuba’ et ‘Maminka’ deux chansons traditionnelles extraites du folklore tzigane russe. »

Qu’est-ce qui vous passionne dans la musique slave, dans le sens large du terme ?

Emmanuelle : « J’ai d’abord été conquise par les sonorités musicales des pays d’Europe centrale, de l’Est et des Balkans. Une fois que nous avons commencé à apprendre les bases du tchèque notamment, c’était beaucoup plus facile de lire les textes. C’était un vrai plaisir pour moi de découvrir les poèmes, de les dire et de chercher les traductions, de les reproduire après, mais en les chantant. »

Olivier : « Moi, j’ai commencé par le jazz manouche. Ce qui me touche, c’est de l’ordre du sensible. Des harmonies, des changements d’accords et des émotions que cela projette. Une espèce de force ancienne… »

Comment le public francophone réagi-t-il à vos chansons ?

Emmanuelle : « Nous avons donné le spectacle autour de l’album ‘Lásko’ plusieurs fois en France et également trois fois en Tchéquie. Les deux publics réagissent très favorablement, mais pas forcément de la même façon et surtout pas aux mêmes moments. Evidemment, pour le public français, les chansons sont exotiques. En revanche, quand nous avons donné, début juillet, des concerts dans la région de la Sumava et près de Pardubice, nous avons vu des couples se regarder et s’embrasser, lorsque nous avons joué la chanson phare de l’album. C’est un poème qui leur parle, qu’ils connaissent très bien.

Sur notre chaîne YouTube, on peut retrouver notre dernier clip fait sur la chanson ‘Lásko’. C’est un vrai court-métrage réalisé par une boîte de cinéma française, pour lequel nous avons reçu un prix du public en avril dernier. Nous en sommes très fiers. »

Pour en savoir plus sur Ladislava et trouver les dates des concerts : https://ladislava.fr/