En Tchéquie aussi, on célèbre la francophonie
La 24e édition des Journées de la Francophonie est célébrée tout au long de ce mois de mars en République tchèque aussi, avec notamment un riche programme culturel qui culmine, ce lundi 20 mars, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie. Entretien avec Stanislas Mrozek, directeur de l’Institut français à Prague.
Le mois de mars est dédié aux Journées de la Francophonie à travers le monde. Quel est le but des différents événements organisées à cette occasion ?
« À l’origine, il n’y avait qu’une journée de la Francophonie, le 20 mars, qui est la date officielle de la création de ce qui est aujourd’hui l’Organisation internationale de la francophonie. Mais concentrer toutes les célébrations de la francophonie sur une journée était trop contraignant et limitatif. Le 20 mars est donc le point central de ces célébrations. »
« La francophonie est une organisation internationale qui rassemble 88 pays dans le monde et dont l’objectif premier est de promouvoir la langue française. Mais, de plus en plus, elle défend aussi le pluralisme linguistique. Nous ne sommes pas crispés sur la défense du français et adoptons plutôt une démarche de promotion de la diversité linguistique, en particulier dans les institutions internationales. »
Célébrer la culture linguistique
« Cette démarche se reflète dans le programme que nous proposons lors des Journées de la Francophonie en République tchèque. Pour ce qui est, par exemple, des événements cinématographiques, nous présentons un éventail de films qui ne sont pas tous français. Nous avons projeté des films tunisiens, marocains en version originale sous-titrés en français. Cela fait partie de cette démarche de plurilinguisme. »
« Mais il n’y a pas que le cinéma. Nos amis luxembourgeois ont, par exemple, présenté une exposition à la Galerie 35 de l’Institut français. C’est un ensemble de photographies en noir et blanc du Luxembourg des années 1960. Ces instantanés montrent leur vie, qui peut être transposable à la vie des Européens à cette époque. Il est possible de s’identifier à ces photographies avec nostalgie, regret ou tout simplement avec l’idée que cette époque est derrière nous. Elle est visible jusqu’au 23 mars. »
« En parallèle de ces événements, nous proposons aussi un ensemble de conférences dont l’une, animée par Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, aborde la littérature proustienne. La professeure française Joanna Nowicki a également donné une conférence sur les liens culturels entre le français et les pays d’Europe centrale, cette ‘autre francophonie’.
« Plus largement, nous organisons des concours qui s’adressent à un public davantage scolaire : des dictées junior et tout public. ‘Ma thèse en 180 secondes’ fait aussi partie de ces concours pendant lesquels des thésards viennent présenter leur travail sur des sujets plutôt pointus en l’espace de trois minutes. »
« D’autres manifestations sont laissées à l’initiative des Alliances françaises, qui sont elles aussi engagées dans les événements que l’on propose en fonction de leur écosystème local. »
« Enfin, le 20 mars, nous organisations une réception qui est le point culminant des manifestations. On ne peut pas célébrer la francophonie sans évoquer la gastronomie. Chacun des partenaires y contribue avec les spécialités de son pays. On propose ainsi un buffet varié et appétissant de plats. »
Ces événements s’adressent-ils uniquement aux tchèques francophones ou les expatriés français y sont eux aussi conviés ?
« Il n’y a aucune exclusivité. Dans un premier temps, ces initiatives s’adressent à un public tchèque et francophone. Mais, bien sûr, les compatriotes français sont aussi les bienvenus. De même que nos collègues belges, luxembourgeois, suisses… Il y a un noyau dur de francophones qui ne sont pas français mais qui nous aident avec beaucoup d’engagement dans l’organisation des Journées de la Francophonie. »
Quels sont les partenaires des Journées de la Francophonie ?
« Je ne vais pas faire un palmarès. Tout le monde apporte sa contribution selon ses possibilités et ses disponibilités. De nombreuses ambassades étrangères s’engagent : suisse, belge, luxembourgeoise, marocaine, tunisienne, ou encore argentine. Cette année, l’ambassade de Moldavie nous rejoint elle aussi, tandis que les collègues grecs et canadiens sont toujours fidèles au rendez-vous. »
Partager des valeurs communes
C’est tout de même un rendez-vous diplomatique…
« Diplomatique, oui, mais ce que nous ne souhaitons pas, c’est que cette journée du 20 mars soit uniquement un rendez-vous de la communauté diplomatique. Les collègues diplomates sont invités et présents, mais il y a d’autres représentants de la société civile. Par exemple, il y a tous les représentants des autorités tchèques en charge de l’enseignement du français. Ce ne sont donc pas que des diplomates. »
Ces Journées défendent la diversité linguistique, vous l’avez dit, mais quelles sont les autres valeurs défendues à travers la francophonie ?
« Le français que nous partageons n’est pas seulement un instrument de locution. C’est aussi un vecteur de valeurs : universalisme, humanisme, égalité et diversité. Par exemple, l’égalité des genres. Les films projetés reflètent cette volonté de partager des valeurs. J’ai en tête le film belge ‘Close’ qui traite de la question du genre à l’âge de l’adolescence. »
La paix aussi est un des maîtres-mots de l’Organisation de la Francophonie, un thème particulièrement important en Europe dernièrement…
« Oui, évidemment. En élargissant un peu le cadre des Journées de la Francophonie, et en restant dans le domaine cinématographique, je pense au film suisse ‘Olga’ qui se réfère au conflit ukrainien. Ce n’estpas un reportage, mais un film qui est directement en prise avec ces événements et ces thématiques. »
« Même si, à l’origine, les Journées de la Francophonie étaient ancrées sur les problématiques du langage et de la linguistique, dorénavant nous sommes au moins autant dans le domaine des idées et des valeurs. »