En Tchéquie, l’abandon du changement d’heure également repoussé
En 2019, puis en 2021, les pays de l’Union européenne auraient théoriquement dû abandonner le principe d’heure d’été et d’hiver. Seulement, ce qui se présentait comme une simplification pour les citoyens, débarrassés de la question qui les taraude deux fois l’an – on gagne ou on perd une heure ? – est devenu un vrai casse-tête au niveau de l’harmonisation entre les Etats. Signe des temps, la ministre tchèque du Travail et des Affaires sociales a annoncé lundi que le principe d’alternance serait encore maintenu durant les cinq années à venir.
Oui, oui, si vous êtes résident en République tchèque, vous passerez bien à l’heure d’hiver le dernier dimanche d’octobre, soit le 31, et de nouveau à l’heure d’été le dimanche 27 mars 2022. Et ainsi de suite encore jusqu’en 2026. Comme c’est le cas depuis 1979 dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie, et depuis 1976 en France, avec pour objectif à l’époque : faire des économies d’énergie. Mais depuis plusieurs années, les détracteurs du changement d’heure invoquent des effets négatifs sur le sommeil et la santé ou sur les accidents de la route et, surtout, l'absence de réelles économies d'énergie.
Il y a trois ans, la Commission européenne a organisé une consultation publique pour répondre à ces critiques croissantes. Selon le ministère tchèque du Travail, 4,6 millions Européens y avaient alors participé. A l'époque, 84 % des personnes interrogées étaient favorables à la suppression du changement d'heure. La Commission a ensuite présenté une proposition de directive qui aurait fait changer la dernière heure en 2019, sans toutefois qu’ait été trouvé un consensus sur une heure unique pour tous les Etats-membres.
Selon un sondage de l’agence STEM/MARK réalisé à l'automne 2018, 70 % des personnes interrogées étaient d'accord avec la suppression du changement d'heure en République tchèque. Au total, 44 % des personnes interrogées souhaitaient une heure d'été permanente et 24 % une heure « normale », entendez heure d'hiver.
Pour Helena Illnerová, physiologiste et ancienne présidente de l’Académie des Sciences, conserver l’heure d’hiver – ou ce que l’on appelle l’heure normale d’Europe centrale – tout au long de l’année fait beaucoup plus sens en Tchéquie que d’opter pour l’heure d’été :
« En été, le soleil se couche beaucoup plus tard de toutes les façons, donc nous n’avons pas besoin pour cela d’avoir une heure d’été. Personnellement, l’heure d’été ne me dérange pas mais certaines personnes ne vivent pas bien ce changement. En hiver, nous avons besoin de lumière le matin. Si nous adoptions l’heure d’été pendant la période hivernale, le soleil se lèverait vers 9h du matin et nous nous lèverions alors qu’il fait encore totalement nuit. Or nous avons besoin de la lumière intense du matin afin de ne pas ‘perdre du temps’. Notre horloge biologique a tendance à prendre du retard et est influencée par la lumière extérieure. Avec l’heure d’été, nous aurions tendance à vouloir nous lever encore plus tard. Donc je pense qu’il faudrait rester calé sur l’heure d’hiver. Nos ancêtres avaient très bien compris la chose… »
Les partisans de l'heure d'été, a contrario, soulignent que notre style de vie a changé et qu'un grand nombre de personnes ne sont plus obligées de commencer à travailler dès l'aube, mais peuvent au contraire profiter plus longtemps de la clarté pour se détendre et faire du sport après le travail.
Dans tous les cas, si une majorité d’Etats-membres de l’UE est d’accord sur le principe d’abolir le changement d’heure, c’est au niveau de l’harmonisation que ça coince. Si la Tchéquie favoriserait donc plutôt l’heure d’hiver permanente, la France, au contraire, privilégierait, elle, l’heure d’été. Avec comme risque de se retrouver avec un véritable patchwork de fuseaux horaires au sein d’une seule et même Union – à titre d’exemple, si ce modèle était adopté, la Tchéquie se retrouverait avec un décalage d’une heure avec la France…
Officiellement, l’abandon de la mesure n’est pas à l’ordre du jour à Bruxelles, mais la pandémie de Covid-19 a clairement contribué à renvoyer les discussions sur ce sujet controversé aux calendes grecques.