Energie : les investissements de ČEZ court-circuités en Albanie
Le géant tchèque de l’énergie ČEZ ne distribuera plus d’électricité en Albanie. L’autorité albanaise chargée du contrôle de l’énergie a en effet décidé, lundi, de retirer sa licence accordée en 2009. Tirana reproche à la société tchèque sa mauvaise gestion, plus précisément de ne pas avoir assuré des livraisons et de ne pas avoir investi dans le réseau de distribution du pays. Une décision aussitôt dénoncée par ČEZ, qui entend demander un arbitrage international pour régler le conflit.
Depuis plusieurs mois, ČEZ, qui a obtenu en 2009 le contrôle de la distribution et de la vente d’électricité en Albanie pour un peu plus de 100 millions d’euros, se plaignait de ses rapports conflictuels avec les autorités albanaises. Celles-ci, par l’intermédiaire de l’agence chargée de la régulation de l’énergie, avaient en effet décidé de presque doubler les tarifs que la société de distribution de ČEZ (ČEZ Shpërndarje) payait pour son approvisionnement en électricité auprès de la société productrice détenue par l’Etat albanais. Parallèlement, l’agence n’avait pas autorisé ČEZ à répercuter cette augmentation brutale dans ses prix de distribution. Par ailleurs, ČEZ, qui était arrivé sur un marché déjà déficitaire, affirme que près de la moitié des consommateurs dans le pays ne règlent pas leurs factures, y compris certaines institutions publiques comme les services des eaux. Ces retards de paiement et des factures impayées avaient contraint les dirigeants tchèques à reconnaître des pertes à hauteur de plus de 50 % du chiffre d’affaires, soit bien plus que ce qui avait été convenu lors de la signature du contrat.
Inversement, Tirana reproche à ČEZ de ne pas avoir respecté ses engagements. En décembre dernier, le gouvernement albanais avait ainsi accusé le groupe tchèque de lui avoir causé des dommages d’un montant qu’il a estimé à un milliard de dollars. Outre les investissements qui n’auraient pas été réalisés, plusieurs régions du pays souffrent également de coupures dans l’approvisionnement en électricité, une situation dont ČEZ serait l’unique responsable. Autant de raisons qui ont donc poussé les autorités albanaises à sanctionner la compagnie tchèque, comme l’a confirmé la porte-parole de ČEZ, Barbora Půlpánová :
« Je peux confirmer que le régulateur albanais a effectivement décidé de retirer sa licence à notre société de distribution. Parallèlement, un administrateur de l’Etat a été nommé qui, sous le contrôle du régulateur, sera chargé de la gestion de la société. En somme, il s’agit d’une expropriation. Il faut ajouter que ČEZ conteste cette décision. C’est pourquoi nous allons entreprendre toutes les démarches légales, porter plainte et notifier le gouvernement albanais de notre intention d’ouvrir une procédure d’arbitrage. »ČEZ considère que la décision prise lundi constitue une violation des lois en vigueur en Albanie. Quoi qu’il en soit et quelle que soit l’issue des démarches judiciaires entreprises, cela représente un coup dur pour le groupe tchèque. C’est du moins ce qu’estime l’analyste de la société de conseil ENA, Jiří Gavor :
« Cela marque pratiquement la fin des activités de ČEZ en Albanie. Etant donné la situation, la vente de la société à un investisseur étranger me semble très compliquée, voire impossible. Selon moi, ČEZ va devoir s’efforcer de minimaliser cette perte d’environ 5 milliards de couronnes, une somme qui, même pour ČEZ, est relativement importante. Pour cela, il va falloir s’efforcer d’obtenir d’une part des garanties de la Banque mondiale et d’autre part satisfaction en recourant à un arbitrage international. »
Début janvier, le directeur général de ČEZ, Daniel Beneš, avait toutefois affirmé que les pertes seraient inférieures à 5 milliards de couronnes (200 millions d’euros). Selon lui, un tel montant ne serait possible que si la procédure d’arbitrage ne reconnaissait aucun dommage à la partie tchèque. Par ailleurs, ČEZ a déposé, en novembre dernier, une demande auprès de la Banque mondiale afin que lui soient versés les 60 millions d’euros (environ 1,5 milliard de couronnes) garantis en vertu d’une clause figurant dans le contrat signé au moment de l’entrée sur le marché albanais. Cette garantie constituait un moyen de protection des investissements menés dans un environnement d’affaires considéré comme incertain.