Eugene Cernan, le dernier astronaute tchéco-slovaque (ou presque) à avoir marché sur la Lune
Une triste nouvelle est tombée lundi pour le monde de l’astronautique. Le dernier homme à avoir marché sur la Lune, l’astronaute américain Eugene Cernan est décédé le 16 janvier à Houston à l’âge de 82 ans. Tout au long de sa vie, le spationaute de la NASA revendiquait avec fierté ses racines tchécoslovaques. Il l’avait d’ailleurs prouvé en 1972 lors de la mission Apollo 17, lorsqu’il avait emporté avec lui dans l’espace le drapeau tchécoslovaque.
« Je voudrais dédier ces premiers pas, à tous ceux qui ont rendu cela possible. »
C’est par ces paroles que l’astronaute américain Eugene Andrew Cernan avait salué la Terre depuis la Lune lors de la mission Apollo 17. Entre le 6 et le 19 décembre 1972, Apollo 17 a été la dernière mission du programme spatial Apollo à emmener des hommes sur la Lune. Avec cette mission historique, l’agence spatiale américaine, la NASA, avait donc mis un terme au programme initié en 1961 par le président John F. Kennedy.Ancien pilote de l’armée de l’air, Eugene Cernan avait été choisi pour intégrer le programme avec d’autres spationautes en 1963. Neuf ans plus tard, il est ainsi devenu, avec ses deux coéquipiers, Harrison Schmitt et Ronald Evans, le dernier, et plus précisément le onzième homme, à avoir mis les pieds sur la Lune. Mais pour ce périple spatial, Eugene Cernan a également voulu rendre hommage à ses racines. En l’honneur de sa grand-mère, originaire du sud de la Bohême, et de son grand-père, natif de la commune slovaque de Vysoká nad Kysucou, qui avaient émigré aux Etats-Unis en 1903, Eugene Cernan a décidé d’emporter avec lui le drapeau tchécoslovaque. Dans un entretien accordé à Radio Prague lors de sa visite en Tchéquie en 2008, Eugene Cernan avait expliqué :
« J’avais pris avec moi des drapeaux spéciaux. En raison de mes origines, de mon ascendance et de mon héritage, j’avais spécifiquement demandé un drapeau tchécoslovaque, avec l’intention de le ramener en Tchécoslovaquie après. Bien sûr, à l’époque, c’était un seul pays. »Jan Kolář, directeur du Bureau spatial tchèque, engagée dans la promotion et le soutien des activités spatiales en République tchèque, qui a rencontré Eugene Cernan en 1974, est revenu sur les grands moments de sa carrière :
« Eugene Cernan est l’incarnation même de l’âge d’or de l’astronautique des années 1960. Son premier vol a déjà été spectaculaire car il a été le deuxième astronaute américain à avoir effectué une sortie dans l’espace. A cette époque, il a acquis beaucoup d’expérience, ce qui était assez difficile avec sa première mission Gemini 9. Puis il a fait partie d’une équipe de trois astronautes sur Apollo 10. Cette mission a non seulement réalisé le tour de la Lune, mais a également fait une petite répétition générale du futur atterrissage, en s’approchant de la Lune à une distance de 15 km. Grâce à cela, il a en quelque sorte ouvert la voie à la légendaire mission Apollo 11. Mais le moment de Cernan est venu avec la dernière mission Apollo 17, dont il était le commandant, même si on ne savait pas encore à l’époque que ce serait la dernière. »
Eugene Cernan s’est rendu en Tchécoslovaquie pour la première fois en 1974. Il souhaitait alors remettre le drapeau tchécoslovaque qu’il avait emmené sur la Lune. Malgré sa renommée internationale, le pouvoir politique de l’époque n’a organisé aucune réception officielle et le drapeau a finalement été remis de façon officieuse au directeur de l’Institut astronomique de l’Académie des Sciences à Ondřejov.
L’astronaute américain est revenu à maintes reprises en Tchécoslovaquie dans les années 1990, puis en République tchèque au début des années 2000. Il a même failli perdre la vie à l’occasion de ces visites, en 2001, après la panne d’essence de l’hélicoptère qui le transportait dans la ville de Bernartice, dont était originaire une partie de sa famille. L’aéronef, qui transportait également l’astronaute tchécoslovaque Vladimír Remek, s’est par chance uniquement abîmé à l’atterrissage. Mais Eugene Cernan conservait néanmoins d’autres souvenirs plus joyeux, mais tout aussi émouvants, et ce à propos du village natal de son grand-père slovaque :
« Il y a plusieurs années de cela, je suis allé à Vysoká nad Kysucou et j’ai eu la chance de me rendre à la messe de l’église où mes grands-parents ont été baptisés. Je me trouvais à l’endroit où ils ont grandi avant d’émigrer aux États-Unis au début du siècle. C’était une expérience très spéciale. »
Lors de l’entretien accordé à Radio Prague en 2008, Eugene Cernan avait aussi évoqué son ressenti sur la Lune :
« Il est difficile de répondre à cette question. Cela a été très fort, très intense de réaliser où l’on se trouvait à ce moment précis dans l’espace, dans le temps et dans l’histoire. Et c’était la Terre, à seulement quelques milliers de kilomètres de là. »
Eugene Cernan n’a jamais voulu admettre qu’il serait à tout jamais le dernier homme à avoir marché sur la Lune et il était un fervent partisan du retour de l’homme sur la Lune. Dans son ouvrage autobiographique paru en 1999 et pourtant intitulé « Le dernier homme sur la Lune », il déplorait le manque d’avancée dans le domaine spatial ainsi que les coupes budgétaires dont souffre ce secteur.