Eva Olmerova
Eva Olmerova, la reine du jazz tchèque, a ébloui même la célèbre Ella Fitzgerald. Que dirait la chanteuse, bafouée par le destin, si elle était encore en vie?? « La vie est un carrousel qui tourne dans tous les sens et ne s'arrête que le jour de la mort ?! »'Ou peut-être bien, elle ferait seulement résonner son rire rauque, boirait un coup, comme il était dans ses habitudes, puis se mettrait à chanter une de ses chansons inoubliables.
Née entre le Verseau et le Capricorne, le 21 janvier 1934, Eva Olmerova présente bien les caractéristiques des deux signes. Le caractère obstiné et ambitieux, souligné d'un tempérament mélancolique du Capricorne, se marie avec le tempérament sanguin du caractère modéré et aimable du Verseau. Eva Olmerova venait d'une famille bourgeoise aisée. Le père était propriétaire d'un magasin de maroquinerie qui marchait fort bien. Eva pouvait donc se consacrer à toute sorte d'activité: l'équitation, le vélo, la guitare, la natation... La mère d'Eva, une grande dame cultivée, veillait à l'éducation parfaite de sa fille. Eva est âgée de quatorze ans, lorsque ses parents divorcent. La jeune fille reste auprès de son père, sans pour autant perdre le contact avec sa mère qu'elle voit assez régulièrement. Peu après que la jeune Eva ait commencé des études au lycée, son père la convint d'arrêter les études pour faire un apprentissage de couturière chez Hana Podolska, styliste de grande renommée à l'époque. La couture n'est pas vraiment le genre d'activité qui pourrait passionner une jeune fille aussi vivace qu'Eva. Elle tente l'expérience de chanter en catimini, dans les cafés concert. La jeune femme remporte le succès. E. Olmerova se rend vite compte qu'une carrière de chanteuse lui est beaucoup plus proche que celle d'une couturière, même chez une styliste de grande renommée. Elle abandonne, définitivement, le salon de H. Podolska pour suivre une carrière de chanteuse. La chanteuse débutante commence à fréquenter le milieu de la bohème praguoise où elle se fait rapidement repérer. Elle mène une vie irrégulière et prend vite goût à la cigarette et à l'alcool. Des expressions argotiques commence à se manifester dans le langage de la jeune fille. E. Olmerova continue à chanter dans les cafés concert, puis les bistrots et les cabarets. Sa voix attire, étonne, surprend. Eva commence à être connue.
A l'âge de dix-sept ans, elle est interrogée par la StB-la police secrète communiste, à cause de son grand-père, fonctionnaire au cabinet du président Benes en Angleterre, pendant la guerre. Au cours de sa vie, E. Olmerova devra faire face aux inculpations insensées de la police secrète à plusieurs reprises.
En début des années soixante, E. Olmerova est invitée à une audition par le représentant de Semafor, l'un des théâtres les plus prestigieux de Prague. Occasion exceptionnelle que la chanteuse accepte sans hésiter. E. Olmerova réussit le concours et, en avril 1962, elle participe à la première de la pièce Zuzana est de nouveau seule à la maison ( Zuzana je zase sama doma). Le public l'accepte avec enthousiasme et lui témoigne sa faveur. Deux ans plus tard, E. Olmerova remporte un énorme succès au 1er Festival International du Jazz à Prague. La chanteuse de jazz témoigne de son talent exceptionnel à l'église Sainte- Catherine en chantant les préludes au choral de J.S. Bach, accompagnée à l'orgue. Lorsque la fameuse, Ella Fitzgerald vient à Prague pour donner un concert, elle est sidérée en entendant le blues interprété par E. Olmerova. Elle n'arrive pas à comprendre comment une femme de race blanche peut arriver à chanter un blues noir. E. Fitzerald invite E. Olmerova à faire une tournée en commun, mais le voyage est interdit par les autorités tchécoslovaques.
L'esprit borné des dirigeants communistes l'empêche de monter sur scène. Les autorités lui interdisent de se manifester aux spectacles. Le théâtre Semafor est l'une des rares scènes qui proposera à E. Olmerova un engagement. Enfin, en 1968, le public a droit aux meilleures chansons d'E. Olmerova, enregistrées sur un disque intitulé Jazz Feeling. Malheureusement, l'année 1968 est suivie d'une période de normalisation. La vente et la diffusion du disque d'E. Olmerova sont interdites. La chanteuse de jazz est désespérée. Sa vie privée est un vrai désastre, ce qui n'arrange pas les choses. E. Olmerova désirait un mari, des enfants, une vie normale. Ce n'est pourtant pas ce que le destin lui a réservé. Pour la première fois, la chanteuse se marie à l'âge de dix-huit ans et divorce trois ans plus tard. Elle se remarie à trente et un an, mais le bonheur ne dure que quatre mois pour faire place à la poisse. Son mari vend pratiquement tout l'aménagement de l'appartement et quitte le pays avec l'argent. E. Olmerova tente sa chance pour la troisième fois, cinq ans plus tard. Elle épouse un homme de douze ans son cadet. Le mariage ne réussit pas. La chanteuse sombre dans un désespoir total. Les doses d'alcool augmentent et petit à petit elle devient alcoolique. E. Olmerova est sujette à de graves dépressions qui entravent ses performances. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, elle arrive tout de même, grâce à l'assistance et la patience incontestable de ses amis musiciens et chefs d'orchestre, à enregistrer du gospel, du country, du jazz et différentes chansons.
La vie d'Eva Olmerova était un torrent dont les remous, une valse à mille temps comme celle de J. Brel, l'entraînaient à la mort. La rude coquille de son physique, ravagé par l'alcool, cachait une âme fragile et un coeur noble. Une spontanéité trop accentuée, la sincérité et la pureté d'âme étaient les pires ennemis, pour celle qui fut considérée comme le plus mauvais exemple de la jeunesse, et une entrave à la gloire.
Fervente de Vaclav Havel, son ami de longue date, E. Olmerova suit les événements de la Révolution de velours, en 1989, depuis son appartement ou de son lit d'hôpital. A bout de force, la reine du jazz arrive encore à donner un récital, le 11 janvier 1992, et s'éteint, le 10 août 1993.