Eva Pilarová, reine du jazz et du swing tchèque
Tout le monde n’a pas eu la chance d’être remarquée par Louis Armstrong, a fortiori en vivant derrière le rideau de fer : c’est pourtant ce qui est arrivé à Eva Pilarová en 1965 à Prague, lors d’un voyage du grand musicien américain en Tchécoslovaquie. Devenue une véritable star dans son pays, Eva Pilarová aurait eu 85 ans le 9 août.
Ni la disgrâce suivant l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques en 1968, ni les déboires de sa vie privée (son mari émigre en 1962, la laissant seule avec un bébé de trois mois), ni sa signature de l’anti-Charte proclamant la solidarité de nombreux artistes avec les autorités communistes et condamnant les dissidents de la Charte 77 (pour laquelle elle s’est d’ailleurs excusée), ni le changement de régime politique en 1989 et l’accélération de l’évolution des goûts musicaux, n’ont entamé la popularité d’Eva Pilarová sur une carrière d’un demi-siècle.
Née à Brno, en Moravie, Eva Pilarová a enregistré sa première chanson à l’âge de sept ans, sur l’antenne locale de la Radio tchécoslovaque. Adepte du chant d’opéra, elle abandonne toutefois ses études à l’Académie de musique et des arts de la scène Janáček (JAMU) de Brno, pour se consacrer à la musique populaire, de variété, mais aussi au swing.
Au cours de ses études à la JAMU, Eva Pilarová fait connaissance de son futur mari, le contrebassiste Milan Pilar, qui l’emmène passer le concours du théâtre musical Semafor à Prague. Fondé par le duo de chansonniers Jiří Suchý et Jiří Šlitr, Semafor est le symbole du bouillonnement culturel des années 1960, et il a également aidé à lancer les carrières de nombreux chanteurs et acteurs tchèques dont Karel Gott, Waldemar Matuška ou justement… Eva Pilarová. Avec eux, la jeune chanteuse interprète des duos inoubliables pour les Tchèques, sur les planches ou au cinéma.
L’invasion de 1968 limite ses possibilités de voyager hors du pays. Les débuts de la normalisation et la mort de six membres de son orchestre dans un accident d’avion la poussent à se taire un certain temps. Elle fera plus tard des tournées à succès dans tout le bloc de l’Est, de Cuba à l’Asie centrale.
Après la révolution de Velours, elle surmonte un cancer, et c’est finalement, à l’âge de 80 ans qu’elle meurt des suites d’une longue maladie en 2020, laissant derrière elle un répertoire extrêmement varié – du jazz, du swing, des mélodies populaires, classiques, ainsi que des chansons à la française.
