Excursion sur les traces de Mozart à Prague
L’incontournable villa Bertramka, dans le 5e arrondissement de Prague, est un lieu recherché par de nombreux visiteurs marchant sur les traces pragoises du compositeur et virtuose du piano Wolfgang Amadeus Mozart qui a plusieurs fois séjourné dans cette résidence. La villa attire leur curiosité d’autant plus que le 27 janvier, 253 années se sont écoulées depuis la naissance du compositeur. Et le 8 janvier dernier, cela a fait 185 ans qu’est décédée la célèbre cantatrice et mécène, Josefina Dušková, à l’invitation de laquelle Mozart séjournait et composait à la Bertramka.
C’est à la villa Bertramka que Mozart a achevé, en 1787, la partition de son opéra Don Giovanni dont la première au théâtre Nostic allait connaître un succès inespéré auprès des Praguois. Selon certaines sources, Mozart aurait composé l’ouverture de cet opéra dans la nuit précédant sa première mondiale.
Mozart a séjourné à la villa Bertramka à l’invitation de Josefina Dušková entre les années 1787 et 1791, pratiquement jusqu’à sa mort. Le musée Mozart aménagé dans les locaux de la villa qui fait aujourd’hui partie du Musée de la musique tchèque, en garde plus d’un souvenir, raconte Vlasta Cibulová :
« Il est très émouvant de voir, dans cette vitrine, une mèche de cheveux dont on suppose qu’elle a appartenu à Mozart. Ensuite, il y a des instruments sur lesquels Mozart a joué lors de ses séjours à Prague : le piano sur lequel il a joué au palais des Dames nobles dans la Nouvelle-Ville pragoise, et puis encore un clavecin, de marque Gräber, sur lequel il a joué au palais Nostic. »
La cantatrice et mécène Josefina Dušková a acheté la villa Bertramka en 1784. A l’origine, c’était une maison de vigneron remaniée, à la fin du XVIIe siècle, en riche demeure formée de plusieurs bâtiments : la partie d’habitation, avec une porte d’entrée à arcades, se distingue par un escalier à deux volées et une loggia. L’aile sud de la villa donne sur le jardin. En face, il y a le bâtiment de l’ancienne grange avec un grenier à trois étages. Le complexe a subi une restauration en 1956, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Mozart.
Josefina Dušková a fait la connaissance de Mozart en 1777 à Salzbourg. Avec quelques autres admirateurs, dont le comte Thurn, elle invite Mozart à Prague. Ce dernier y arrive pour la première fois en janvier 1787. Mozart a beaucoup d’estime pour la soprano Josefina Dušková. Les deux artistes se produisent plusieurs fois ensemble, notamment à Dresde. Mozart compose pour Josefina Dušková plusieurs airs dont la plus célèbre est ‘Bella mia fiamma, addio‘, observe Eva Paulová du Musée de la musique tchèque :
« Une histoire amusante s’attache à cet air : on raconte que Josefina Dušková a imposé sa composition auprès de Mozart, en l’enfermant dans une gloriette de jardin et en menaçant de ne pas le libérer avant que la composition ne soit terminée. Mozart a accompli son désir mais la composition qu’il avait créée était extrêmement difficile du point de vue du chant, et l’auteur avait exigé que la cantatrice l’interprète sans faute dès la première fois sinon la composition serait détruite. Et puisqu’elle s’est sauvegardée, elle l’a certainement interprétée à la perfection. »
Tout le monde connaît la phrase devenue légendaire : « Mes Pragois me comprennent » prononcée par Mozart après le succès, à Prague, des Noces de Figaro, en janvier 1787... « Ici, on ne parle que de Figaro, aucun opéra n’attire le public autant que Figaro, c’est sans doute un grand honneur pour moi... » écrit Mozart qui séjourne alors à Prague. Grâce au triomphe de Figaro, il reçoit une commande pour composer Don Giovanni auquel Prague réservera un accueil tout aussi chaleureux. La première de cette œuvre, le 29 octobre 1787, a lieu dans l’une des plus importantes salles d’Europe centrale du XVIIIème siècle, le théâtre Nostic, actuel théâtre des Etats. Jiří Hubač qui a présidé il y a trois ans le projet Mozart et Prague évoque le lien exceptionnel qui s’est créé entre Mozart et la métropole tchèque :
Un concert solennel en hommage au 253e anniversaire de la naissance de Mozart, a été donné, ce mardi au théâtre des Etats où les Noces de Figaro ont eu leur deuxième première, en janvier 1787, après l’accueil glacial que Vienne avait réservé à cet opéra. Encouragé par le succès pragois, Mozart y donne, en octobre de la même année, Don Giovanni dont il se charge personnellement de l’étude et de la réalisation.
Le répertoire mozartien est régulièrement au programme du théâtre des Etats, un bâtiment représentatif du style du classicisme s’élevant au milieu du Marché aux fruits, dans le centre historique de Prague. En 1781, l’empereur autrichien éclairé, Joseph II, pose sa première pierre. En deux ans, l’architecte Antonín Haffenecker termine sa construction. L’inscription que porte la façade dit que le théâtre est consacré à la Patrie et aux Muses.
En 1791, ce théâtre a accueilli une troisième première d’un opéra de Mozart, La Clemenza di Tito, commandé pour le couronnement de Léopold II roi de Bohême. Cet opéra est aussi lié au dernier séjour de Mozart à Prague qui se déroule pendant l’été 1791. La Clemenza di Tito est composée à la villa Bertramka en 18 jours. Fatigué et malade, Mozart repart pour Vienne où il meurt, le 5 décembre 1791. Les Tchèques sont pratiquement les seuls à honorer sa mémoire. Lorsque Prague a appris de son départ, une messe solennelle a été donnée à l’église Saint-Nicolas à Malá Strana à laquelle des milliers de Praguois ont assisté.
