Fabrice Hyber : « Kupka a inspiré ma première œuvre »

Fabrice Hyber

Fabrice Hyber, artiste français de renommée internationale, inclassable et ironique, lauréat du Lion d’or de la Biennale de Venise de 1997, est venu à Prague présenter, dans le cadre de la Semaine de la mode et des parfums organisée par l’Institut français, une œuvre qu’il a réalisée il y a une bonne dizaine d’années : il s’agit de Cent sans sens, un film en odorama. Par film en odorama, on entend une vidéo projetée avec un accompagnement olfactif, en l’occurrence une carte à gratter pour découvrir, un à un, les sept parfums qui y sont incrustés. Mais laissons plutôt la parole à l’artiste, laissons-le nous parler de Prague et de parfums…

« J’ai décidé de venir pour deux jours ici, j’ai pas vraiment beaucoup le temps… La première impression c’est que ça me fait penser à des villes – mais j’ai pas fait assez le tour – à des villes du centre de l’Europe, comme Munich, ou Vienne, ou même Turin, des villes très terriennes avec un côté « mur de pierre », des rues de murs de pierre, c’est un peu ça que je vois, juste comme ça au premier abord. Voilà, je vais me balader demain. Je vais surtout aller voir les Kupka ! Kupka, c’est l’artiste qui m’a le plus avancé, surtout pour ma première œuvre, qui est un mètre carré de rouge à lèvre, que j’avais fait quand j’avais vingt ans, et en fait ça m’était inspiré par un tableau de Kupka, qui ne se trouve pas ici mais à Paris, au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, et qui est une dame qui se met du rouge à lèvre. Tout le fond, et la dame elle-même, sont en ronde-bosse, en dégradé, en ombres et lumières etc., sauf le rouge à lèvre et les lèvres sont plats – ça donne une sorte de platitude au rouge à lèvres qui est assez sensuelle même sexuelle, et donc je me suis dis tiens, je me ferais bien ça comme première œuvre ! Donc voilà ça vient de Kupka… »

On peut peut-être revenir sur l’œuvre que vous avez présentée ce soir…

« Cent sans sens – cent le chiffre cent, et sang, tous les « [san] » qu’on peut imaginer. En fait cette œuvre-là, au départ c’était une demande de la fondation Cartier de faire quelque chose autour des parfums – donc j’ai imaginé tout de suite un film en odorama, parce que c’était un moment où je faisais beaucoup de vidéos pour des télévisions, plein de choses très différentes, des POF etc., j’ai fait des centaines d’heures de télévision. Donc j’ai fait très simplement : les parfums quotidiens d’un artiste à Paris. Je me suis amusé à la fois à trouver tous les ingrédients de cet odorama, toutes les possibilités, jusqu’à donner des indications qui sont fausses, des parfums qui n’existent pas, des tas de choses comme ça… et ça m’a beaucoup amusé de faire ça ! »

Est-ce que ça se fait beaucoup, les films en odorama… ?

« Non pas du tout, y en a eu très peu. Il y a eu des présentations en odorama à la fin du dix-neuvième pour de l’opéra global – mais en fait c’était des parfums qui étaient diffusés dans le public avec des sortes d’orgues à parfums… Il y a eu très peu d’expériences, parce qu’on s’aperçoit que quand on fait ce genre d’expériences, ça sent mauvais très vite. Parce qu’on n’arrive pas à respirer plus de trois parfums à la suite – au bout de trois parfums on mélange tout, et nos informations sont complètement erronées – donc c’est plutôt un phénomène qu’autre chose. Le parfum c’est plutôt de l’ordre du souvenir, souvent… on prend un parfum et puis on se souvient de ce parfum dès qu’on le rencontre ailleurs. Le parfum de Prague, il faudrait peut-être l’inventer ! Made in… made in… Tchéquie, c’est ça qu’on dit ? ... J’adore ce mot-là, Tchéquie, je trouve ça très joli... »