Peinture : nouveau record tchèque d’enchères atteint pour la vente d’un Kupka

František Kupka, 'Divertimento II', photo: Galerie Kodl

Il y a moins de deux mois, un tableau de Toyen avait battu le record national pour la vente aux enchères d’une peinture. Ce record vient de tomber avec un peu plus de 90 millions de CZK déboursées dimanche pour l’acquisition d’une toile du peintre tchèque František Kupka, exilé lui aussi en France.

František Kupka,  'Divertimento I',  photo: Musée Guggenheim

90,24 millions de CZK exactement (soit environ 3,5 millions d’EUR), taxes comprises, c’est le prix qu’a versé dimanche l’acquéreur resté anonyme du tableau intitulé Divertimento II, peint dans les années 1930 par František Kupka, né à Opočno en 1871 et mort en 1957 à Puteaux en France où il a émigré à la fin du XIXe siècle. Cette œuvre tient son nom d’un genre musical en vogue durant le siècle précédent et est étroitement liée au tableau Divertimento I, qui fait partie des collections du musée Guggenheim à New York.

La somme représente près de 12 millions de CZK de plus que le record battu en octobre dernier par la Dame de Pique de Toyen, elle aussi artiste tchèque installée en France.

L’histoire de František Kupka et de son œuvre reste à jamais liée à celle de Meda Mládková, qui a fêté son centième anniversaire l’année passée et qui s’était souvenue à notre micro de la première fois où elle était entrée dans l’atelier de l’artiste dans les Hauts de Seine après-guerre :

« J’étudiais déjà depuis deux ans à Paris, chez Bernard Dorival et Jean Cassou. Jamais nous n’avons parlé de Kupka, c’était toujours Villon, Villon, Villon. Vous savez, les Français sont très nationalistes, même si ce n’est plus vrai, ils ont changé depuis qu’ils ont appris les langues. A cette époque j’avais un ami, qui est devenu ensuite mon mari et qui a reçu un tableau d’un célèbre antiquaire parisien, Kugel. Il a dit : ‘j’ai acheté ça, c’est pas très bon, mais cet artiste qui est votre compatriote deviendra un jour très célèbre’. J’étais évidemment très curieuse, je suis allée voir où habitait Kupka. Je suis arrivée chez lui à Puteaux, un vieux monsieur est venu ouvrir la porte, et j’ai dit : ‘je suis Tchèque, étudiante en art, je suis exilée et j’aimerais beaucoup voir vos tableaux’. Il était très heureux, parce que personne ne lui rendait visite à cette époque, les Tchèques ne pouvaient pas et les Français s’en fichaient. Nous sommes montés dans son atelier et j’ai vu les tableaux… J’étais complètement folle! J’ai dit : ‘C’est magnifique, c’est beau, c’est formidable !’. Je voulais acheter un tableau, lui m’aurait donné tout son atelier tellement il était heureux ce pauvre Kupka, mais j’ai choisi et il me l’a laissé pour l’équivalent de 50 dollars, parce que madame Kupka le voulait… »

« Après j’ai visité beaucoup de fois Kupka. Il avait un cancer et était très malade. Ils étaient pauvres mais ils avaient quand même une bonne, Yvonne. Elle m’a téléphoné en me disant qu’il m’appelait. Je suis arrivée, il était déjà mourant. Je lui ai dit : ‘M. Kupka, vous aurez une grande exposition au musée d’art moderne !’. Il a ouvert les yeux en disant que ce n’était pas vrai. Je lui ai juré en espérant que Dieu me pardonne de jurer quelque chose qui n’était pas vrai. Il a voulu m’embrasser et m’a dit : ‘merci, merci, vous êtes ma vie’. Et il est tombé, il était mort. Pour moi, ce fut un tel choc qu’à partir de ce moment j’ai tout fait pour Kupka. Je peux dire sans exagérer que, sans moi, Kupka n’existerait pas… Je suis allée de musée en musée parce que j’avais peur que les galeries prennent les tableaux pour rien... »

František Kupka,  'Divertimento II',  photo: Galerie Kodl

En plus de ce record national pour une enchère tchèque, un autre record a été battu ce dimanche avec le prix de vente le plus élevé jamais atteint par une œuvre réalisée par un artiste contemporain. Le tableau peint par Theodor Pištěk, acheté pour l’équivalent d’un million d’EUR environ, est lui aussi lié à la France puisqu’il s’intitule "Adieu, Guy Moll" et représente l’Alfa Roméo au volant de laquelle s’est tué le pilote français en 1934.

Theodor Pištěk, âgé aujourd’hui de 88 ans, a également derrière lui une impressionnante carrière de décorateur et costumier pour le cinéma – il a obtenu entre autres un Oscar pour Amadeus et un César pour Valmont, deux films de Miloš Forman.

Theodor Pištěk,  'Adieu,  Guy Moll' | Photo: Galerie Kodl