Festival des écrivains : Que reste-t-il de l’année 1968 ?

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La 18e édition du Festival des écrivains qui a pris fin le 5 juin dernier, a attiré à Prague un nombre record d’écrivains. Ils ont été 24 à participer à des débats, des rencontres avec le public, des lectures, des signatures etc. D’après Václav Kovář du service de presse du festival, cette fois-ci toutes ces manifestations ont suscité aussi un plus grand intérêt du public que les éditions précédentes. Retour sur ce festival dont le thème principal a été, cette fois-ci, l’année révolutionnaire 1968 et ses répercussions.

Guillaume Basset, un des organisateurs du festival, a dressé un petit bilan de l’édition 2008, au micro d’Anne-Claire Veluire.

« C’est assez facile, nous avons choisi cette année le thème de 1968. Nous ne pouvions évidemment pas l’éviter. Nous avons eu donc plusieurs rencontres qui ont été toutes très intéressantes, avec des auteurs qui venaient vraiment de tous les coins du monde et des lectures très intéressantes avec un public qui a vraiment apprécié les lectures et l’humanité - je tiens à souligner cela - l’humanité de tous nos auteurs. »

Parmi les invités les plus remarqués de ce festival il y avait Margaret Atwood, écrivaine canadienne dont le nom est souvent cité lorsqu’on parle des candidats possibles au Prix Nobel de littérature. C’est déjà pour la deuxième fois que cette écrivaine « nobélisable » qui s’engage aussi dans les mouvements écologique et féminin, est venue au festival pragois. Elle est populaire en Tchéquie et une dizaine de ses livres ont été traduits en tchèque. Cette année a paru en tchèque son roman «L’Odyssée de Pénélope», dans lequel elle s’inspire du mythe de l’épouse d’Ulysse qui est une personnification de la fidélité. Les éditeurs tchèques préparent, d’ores et déjà, à la publication aussi son roman «Lady Oracle». De même un autre invité de marque de ce festival, l’écrivain et scénariste américain Paul Auster, est déjà connu des lecteurs tchèques qui disposent des traductions de plusieurs de ces romans dont le célèbre «Mr. Vertigo».

La femme de lettres croate, Slavenka Drakulic, a accepté, elle aussi, l’invitation au festival. Aujourd’hui les lecteurs tchèques connaissent deux de ses livres dans lesquels elle réagit à la réalité communiste et postcommuniste de son pays et à la guerre sanglante qui accompagnait l’effondrement de la fédération yougoslave. Et parmi les noms des autres participants citons au moins celui de l’écrivain, journaliste et scénariste britannique d’origine pakistanaise, Tariq Ali, connu dans notre pays grâce au « Livre de Saladin » ouvrage historique situé dans le monde arabe du XIIe siècle, qui est, jusqu’à présent, son seul livre traduit en tchèque.


C’est donc l’année 1968, année révolutionnaire, année de grands espoirs et de grandes déceptions, qui a été choisie comme le thème du festival. Le sous-titre de cette édition du festival était « Le rire et l’oubli », où la référence au célèbre livre du même nom de Milan Kundera était évidente. Guillaume Basset avoue que les organisateurs du festival ont essayé d’inviter à Prague cet auteur dont le témoignage sur l’année 1968 ne manquerait sans doute pas d’intérêt :

«Oui, comme tout le monde je pense. Tout le monde essaye de l’inviter, et comme tout le monde, nous avons échoué évidemment. Mais pour nos auteurs tchèques, nous avons eu la chance d’avoir réuni, pour une discution commune autour de la Tchécoslovaquie Ivan Klíma, Ludvík Vaculík, et Antonín Liehm ».

Des auteurs du monde entier sont venus pour discuter de l’année 1968. Parmi eux il y avait aussi Natalia Gorbanevskaia, poétesse, traductrice et militante pour les droits de l’homme, femme à laquelle le festival a décerné le prix de la liberté d’expression. Elle avait été une des huit personnes ayant eu le courage, en août 1968, de protester publiquement à Moscou contre l’occupation de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie. Le lien avec 1968 était moins évident par exemple dans le cas de l’écrivain américain, Paul Auster. Il a eu cependant beaucoup à dire sur ce thème. Guillaume Basset :

«Il faut comprendre que notre festival a deux vocations : la vocation de conversation, c’est-à-dire que l’on choisit un thème et on le développe avec une idée, une explication, une réflexion philosophique et littéraire, et la présentation au public tchèque d’auteurs que les lecteurs ne connaissent pas forcément ou qu’ils ont envie de rencontrer ou d’écouter lire. Paul Auster s’est rattaché très naturellement à ce mouvement-là, à la fois évidemment parce qu’il est une star incontournable, mais aussi parce que ‘68 n’est pas un élément inexistant pour lui. Il a été actif, à New-York, à Colombia. A l’Université de Colombia, il faisait partie des grands activistes. Certes, nous avons plutôt Tariq Ali par exemple qui a été un des grands leaders de 68 de manière générale. Il avait quand même écrit « Street fighting man » lors de la démonstration de l’ambassade américaine à Londres. Mais tous nos auteurs ont vécu humainement ‘68. Donc ils y sont rattachés de par leur vécu, complètement, même si certains n’ont pas été de grands leaders activistes. On n’a pas que des Vaculík et des Klíma. Donc cela s’est fait très naturellement, ils avaient tous leur propre vécu à donner.»


Le festival des écrivains 2008 est terminé, vive le festival 2009. Evidemment la prochaine édition de ce rendez-vous des écrivains à Prague est déjà en préparation et l’on se demande, d’ores et déjà, quel sera son thème. Bien que Guillaume Basset évite une réponse trop concrète à cette question, il laisse entendre que le prochain festival nous réservera quelques belles surprises :

«Pour le thème, il est actuellement en élaboration. Nous avons déjà invité quelques auteurs. Nous avons effectiement réinvité Kundera par exemple ; nous ne désespérons pas de l’avoir un jour. Ce serait assez génial, y compris pour nous, mais de manière générale pour la République tchèque. Nous tournons autour du thème actuellement de « l’art du conteur » ou quelque chose comme celà. C’est encore en finition. Pour les auteurs, nous aurons peut-être des auteurs francophones et je peux vous le dire, même si je ne donnerai pas de noms, que nous aurons déjà un ou deux prix Nobel de la littérature. »

(Les propos de Guillaume Basset ont été recueillis par Anne-Claire Veluire.)