Festival international de l’orgue de Prague : tout un orchestre dans un seul instrument
A la basilique Saint-Jacques-Le Majeur se tient, depuis le début du mois d’août, le 23e Festival international de l’orgue de Prague. Jusqu’au 20 septembre, huit organistes européens se succéderont pour des concerts lors desquels ils joueront sur le plus gros instrument existant dans la capitale tchèque. Parmi eux le Français David Cassan, titulaire du grand orgue de l’Oratoire du Louvre à Paris, qui nous emmène à la découverte de cet instrument étonnant.
Derrière le son de l’instrument, on entend depuis la place de l’artiste toute la mécanique qui s’enclenche à l’intérieur pour transmettre les notes depuis l’un des quatre claviers jusqu’aux tuyaux de l’orgue, qui sont au nombre de 8 277. De chaque côté des claviers, des touches permettent d’activer les différents jeux de l’instrument, soit les différents sons qu’il peut produire.
Quand il joue, l’organiste utilise donc quatre claviers, appuie régulièrement sur les touches sur les côtés pour changer ses jeux en même temps, mais se sert aussi de ses pieds, grâce à un pédalier. Rien à voir ici avec les quelques pédales du piano, puisqu’il s’agit d’un véritable clavier pour les pieds. Une fois la coordination nécessaire acquise pour réaliser toutes ces tâches en même temps, l’artiste peut jouer avec une multiplicité de sons et les combiner à l’infini. Et c’est précisément ce qui a attiré David Cassan vers l’orgue :
« Je vais peut-être choquer les pianistes, mais le problème du piano pour moi était que c’était un peu noir et blanc, alors que l’orgue est un orchestre. Avec un orgue, on peut avoir des hautbois, des clarinettes, des trompettes, des violons, des flûtes… C’est un instrument aux mille couleurs ! Il y a aussi un côté presque mystique et mystérieux qui entoure cet instrument et un côté monumental, historique et patrimonial qu’on ne retrouve pas forcément dans le piano. L’orgue est donc pour moi un instrument plus fascinant. »L’instrument est d’autant plus fascinant qu’il n’existe pas d’orgue standard : tous sont différents, avec un nombre plus ou moins important de jeux, différents claviers ou encore diverses formes de pédaliers. Pour David Cassan, bien connaître son orgue est pourtant primordial puisque, comme beaucoup d’organistes, il travaille souvent en improvisation :
« Autrefois, tous les organistes improvisaient, de même que tous les musiciens classiques en général. Mais cet art s’est perdu et aujourd’hui, en musique classique, il n’y a plus que les organistes qui improvisent. Quand on accompagne un service religieux dans une église, on ne sait jamais combien de temps va durer l’intervention de l’orgue. Pour peu qu’il y ait des modifications, qu’on rajoute de l’encens, des déplacements ou des processions par exemple, l’intervention de l’orgue peut être très longue ou très courte. Si l’organiste veut coller à la temporalité, il est obligé d’improviser. Contrairement à un compositeur, nous n’avons pas de gomme, donc quand il y a une erreur, il faut essayer de la masquer. Souvent, la meilleure façon de masquer une erreur est de la répéter car l’auditeur se dit alors ‘oui, c’est bien cela qu’il voulait faire’. L’improvisation est en fait un art de l’illusion, il faut donner l’illusion de l’écrit. »Pour ceux qui souhaiteraient entendre cette « illusion de l’écrit » à l’œuvre, David Cassan jouera ce jeudi 16 août deux improvisations à la basilique Saint-Jacques-Le-Majeur, ainsi qu’une œuvre de Maurice Duruflé.