Festival "Kafka - Borges"
"Kafka, c'était Prague, et Prague, c'était Kafka", a écrit l'écrivain Johannes Urzidil à propos de son illustre compatriote et ami. Aujourd'hui, Prague rend hommage à Franz Kafka, à l'occasion du 80e anniversaire de sa mort, en organisant le festival Kafka - Borges, Buenos Aires - Prague. Pourquoi ce parallèle entre ces deux hommes de lettres célèbres dont les vies se sont déroulées séparément dans le temps et dans l'espace? J'ai posé cette question à Mme Markéta Malisova, directrice du Centre Franz Kafka à Prague qui organise ce festival :
On peut dire que le festival se divise en deux parties, un volet littéraire et un volet théâtral. Dans le cadre de la partie littéraire, des rencontres avec les écrivains Ivan Klima, Roland Costa Picaz, Arnost Lustig, Jiri Grusa et Lenka Reinerova sont organisées et un séminaire composé de plusieurs conférences est aussi proposé à un public spécialisé. Des universitaires, des chercheurs et des historiens de la littérature ont donné des conférences sur divers aspects de la création de Kafka et de Borges ainsi que sur les traits qui rapprochent ces deux écrivains. Parmi les thèmes de ces conférences, relevons, par exemple, le rêve dans la création de Borges, le phénomène du temps dans les oeuvres des deux écrivains, les aspects philosophiques de leur création, le rapport de Kafka vis-à-vis de la langue tchèque, etc. Dans la partie théâtrale, une adaptation de la célèbre nouvelle de Kafka "La Métamorphose", mise en scène par Arnost Goldflam, a déjà été présentée et un collage scénique de textes de Kafka interprété par le théâtre Sklep (La cave) est en cours de préparation.
Aujourd'hui, les visiteurs de Prague se heurtent partout à l'image de Franz Kafka. Son portrait figure sur des cartes postales, des maillots ou encore des verres. Comme il arrive souvent aux grands hommes, son image a été banalisée et réduite à un article commercial. La foule de touristes achète allègrement ces souvenirs kafkaïens, boit de la bière dans des cafés et des restaurants qui portent le nom du grand Pragois. Certains pourtant s'en scandalisent et considèrent ce boom commercial comme une profanation du grand écrivain. Markéta Malisova, elle, ne voit pas de mal à tout cela: « Chaque ville vénère et encense ses célèbres habitants, que ce soit Mozart à Vienne, van Gogh à Arles ou Cézane à Aix-en-Provence. Cela sert à attirer l'attention des touristes sur ces hommes célèbres. Je ne suis donc pas contre, mais la manière dont tout cela est présenté et le niveau artistique de cette présentation sont évidemment très importants. Ainsi, par exemple, quand vous vous rendez dans un café ou dans un restaurant qui porte le nom de Kafka, il est important qu'on vous serve un café et des boissons de qualité. Cela dépend donc aussi de ces circonstances."
Aujourd'hui, Franz Kafka est considéré comme un des écrivains les plus importants du XXe siècle. On publie ses livres, on le lit, il est même devenu un objet de culte. Faut-il encore oeuvrer pour la meilleure connaissance de cet auteur, ou n'en a-t-il pas besoin? Markéta Malisova : "Je dirais que oui. On doit s'occuper de son oeuvre surtout en République tchèque, où, pendant longtemps, sous le régime communiste, Kafka a été tenu à l'écart. On ne parlait pas de lui, on ne publiait pas souvent ses oeuvres, on ne le faisait pas connaître aux élèves dans les écoles. Je dirais donc que Kafka est plus perçu comme un grand auteur mondial à l'étranger qu'en République tchèque. Chez nous, par contre, son image a été commercialisée. On a l'impression que Kafka ce sont justement les maillots et les verres avec ses portraits. Et justement, l'objectif de l'association Franz Kafka est de faire connaître l'oeuvre de cet écrivain. Il nous reste à publier les trois derniers tomes de ses oeuvres complètes. Ainsi, nous achèverons la publication de l'ensemble de son oeuvre traduite en tchèque d'après une édition critique allemande."