Film Fabrik, « une plate-forme de liberté » pour de jeunes cinéastes
Film Fabrik : c’est le nom d’un projet collectif de plusieurs jeunes cinéastes de différentes nationalités dont l’objectif est de mettre en commun les équipes et les moyens de production pour réaliser, ensemble, des courts-métrages. Ces cinéastes collaborent depuis plusieurs années et ce n’est pas tout à fait par hasard qu’ils ont choisi, pour la troisième édition 2011 de leur projet, de poser quelque temps leurs valises dans la capitale tchèque.
Dix réalisateurs, dix courts-métrages, douze nationalités, six semaines, un lieu : voilà comment le petit clip que vous venez d’entendre introduisait, en 2006, la première édition de Film Fabrik, qui s’était alors tenue dans la Drôme, en France. Cette année, c’est la capitale tchèque qui a été choisie pour accueillir la troisième édition du projet. Les tournages auront lieu en d’août prochain, mais la plupart des cinéastes sont venus passer quelques jours à Prague pour des repérages et pour les travaux d’écriture. Veronika Janatková s’occupe de l’organisation et de la production de ce Film Fabrik 3. Elle nous en explique le concept :
« Je travaille avec ces gens depuis dix ans. C’est un groupe d’artistes du monde entier qui se sont rencontrés, pour la plupart d’entre eux, il y a dix ans, ici à Prague, pendant leurs études. Film Fabrik est une façon de continuer à travailler ensemble sur un projet qui cherche de nouvelles approches filmiques, expérimentales et qui ne sont pas commerciales. Personnellement, je crois qu’il y a quelque chose de plus qui se crée dans le dialogue international qu’une collaboration seulement au niveau national. On s’assiste, on est là aussi pour les projets des autres. Ce n’est pas individualiste comme dans les autres projets cinéma. On travaille pour les autres pour créer des films. Ca dure trois ou quatre semaines. Ca sera le troisième Film Fabrik. Le premier était une initiative française et s’était déroulé en France. Le deuxième était en Finlande et le troisième sera à Prague. Je suis très contente de pouvoir amener ces gens du monde entier ici à Prague. Aujourd’hui, nous avons rencontré de jeunes producteurs tchèques et j’aimerais qu’ils nous aident à être des intermédiaires entre Film Fabrik et Prague, qu’ils nous aident à trouver des lieux et des acteurs. »
Quel est l’objectif concrètement de ce projet ? C’est la réalisation de courts-métrages ?
« Concrètement, le but est de réaliser dix courts-métrages en trois semaines de tournage. Quand les films seront finis, nous les présenterons dans les festivals. L’objectif est aussi de montrer ce genre de création qui n’est pas commerciale et qui est basée sur une collaboration de longue durée. On veut essayer de trouver de nouvelles approches et expérimenter de nouveaux domaines, en faisant aussi bien des films d’animation que des films documentaires, ce qu’on ne peut pas faire pendant notre vie professionnelle. Tous les cinéastes qui sont ici sont des professionnels. Ils ne sont plus étudiants et travaillent dans le cinéma depuis cinq ou dix ans. Dans la vie professionnelle, nous sommes un peu limités, mais ici, c’est une plate-forme qui nous donne cette liberté. »Le projet a commencé il y a presque une dizaine d’années, après que les participants se soient rencontrés ici à Prague. Pourquoi à Prague, dans quel cadre s’y sont-ils rencontrés ?
« C’était à la FAMU, l’école de cinéma, où il y a un programme qui dure un an qui s’appelle FAMU for foreigners, et la plupart des gens du projet ont fait des études dans ce programme, en 2000. Le thème de Film Fabrik 3 est la métamorphose. C’est une référence à Kafka mais cela fait aussi référence à comment nous avons changé nous-mêmes, mais aussi comment Prague a changé, puisque ça s’est vraiment développé depuis dix ans. En venant ici, c’est vraiment mener une réflexion sur tout cela. »
Le projet va se développer cet été, au mois d’août. Mais à quoi sert cette semaine de réunion. Qu’est-ce qui a déjà abouti ?
« Cette semaine était d’abord pour écrire les scénarios. Nous sommes ici depuis quelques jours déjà, pour voir l’espace, car nous serons à MeetFactory cet été. Le but est de tourner la plupart des films ici, dans ce bâtiment. Et la plupart des réalisateurs sont venus pour voir l’espace, l’atmosphère et écrire les scénarios. Dans deux ou trois semaines, les scénarios seront finis et on commencera la pré-production. On tournera en août et la postproduction sera dans une année. »Le thème de la métamorphose a-t-il inspiré les premiers scénaristes/réalisateurs ?
« Je crois que oui. Je vois beaucoup de métamorphoses dans les films. Il y a des scénarios qui ne sont pas tout à fait finis mais je crois que beaucoup de gens ont fait ces réflexions sur eux-mêmes dans les histoires et je crois que cette inspiration est bonne. »
Malgré les difficultés pour trouver des financements – peut-être la faute au caractère trop international du projet, pense Veronika – le désir de travailler ensemble de ces cinéastes, qui forment un vrai groupe depuis dix ans, est le plus fort. Armande Chollat-Namy est réalisatrice. Elle est une des pionnières de Film Fabrik puisqu’elle avait trouvé, dans sa région, dans le sud de la France, le décor de la première édition de FilmFabrik, en 2006. Il s’agissait d’une usine désaffectée, tout comme l’était ce qui est devenu aujourd’hui le complexe culturel Meetfactory, dans le quartier de Smichov, qui offre aux cinéastes une résidence le temps de leur projet. Un cadre qui sans doute inspirera les créateurs, comme Armande, qui nous dévoile un peu son scénario :« Je viens un peu d’un milieu expérimental avec quand même un souci de narration assez fort. Mon mentor était Švankmajer, et ce type d’animation aussi. Donc forcément, pour moi, c’est important de revenir à Prague. J’ai envie de vivre l’expérience d’animer des ombres, et toute la dialectique que je construis dans mon film se situe autour des ombres et de la lumière et d’un personnage un peu fou, borgne, qui travaille le long des voies de chemins de fer et qui se réinvente un monde où les ombres ont une vie d’elles-mêmes et finissent pas envahir tout l’espace. »Ce type de films est-il difficile à réaliser techniquement ?
« Cela risque d’être un peu compliqué, mais ce sont les compétences de tous les participants qui me rassurent et qui vont faire en sorte qui tout cela peut se réaliser. Il y a beaucoup de choses qui vont être faites ‘live’ parce que je n’ai pas forcément envie qu’il y ait trop de postproduction là-dessus. Ca va donc être beaucoup d’essais et beaucoup de plaisir. »
La réalisatrice Andrea Allen Stuart, qui est Américaine mais qui maitrise aussi bien la langue de Molière que celle de Kundera, fait aussi partie du noyau dur de Film Fabrik. Elle a donc rencontré ses confrères à l’école de cinéma de Prague, la FAMU, même si elle n’y a effectué qu’un court séjour :« J’ai fait trois mois à la FAMU et j’ai arrêté parce que je trouvais que c’était un peu cher. En fait, j’avais déjà fait une école de cinéma à New-York mais j’avais envie de m’installer à Prague et je me suis dit qu’en m’inscrivant à la FAMU, je pourrais faire des rencontres. C’était ce qu’il y avait de plus important pour moi, plutôt que d’étudier à nouveau le cinéma. Et j’ai donc rencontré des gens super avec qui je travaille encore aujourd’hui. »
Avec toujours des contacts avec le monde du cinéma tchèque ?
« Oui, mais c’était la section internationale de la FAMU. Ce n’étaient donc que des étrangers et on avait peu de contacts avec les Tchèques. J’ai connu ensuite, à travers Veronika, des cinéastes tchèques, mais à cette époque-là, on restait un peu dans notre bulle. Mais ce n’était pas mal parce qu’on s’aimait bien et on faisait des choses chouettes. Et surtout, on travaille toujours ensemble, donc c’était important. »
Le prochain épisode de cette troisième édition de Film Fabrik sera en août, avec les tournages des courts-métrages. En attendant, vous pouvez aller écouter le 11 mai prochain à Olomouc ou le 13 à l’Akropolis de Prague le groupe Alvik, un groupe tchéco-germano-américano-norvégien, dont Andrea est également la chanteuse.