Financement des partis politiques : le Conseil de l’Europe critique la République tchèque pour manque de transparence (2nde partie)

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Ce n’est certes pas une spécificité propre uniquement à la République tchèque, mais la question, très sensible, du financement des partis politiques revient régulièrement dans le débat public. Même si les affaires sont somme toute peu nombreuses depuis 1997 et le scandale du financement de l’ODS qui avait alors entraîné la démission du gouvernement de Václav Klaus, il n’en demeure pas moins que les mouvements d’argent sur les comptes des partis, notamment lors des campagnes électorales, sont régulièrement évoqués et mis en doute par les médias tchèques. Mais pas seulement. Début avril, le GRECO (Groupe d’Etats du Conseil de l’Europe contre la corruption) a publié un rapport dans lequel la République tchèque est vivement critiquée pour le manque de transparence du financement de ses partis politiques. Chef de section au secrétariat du GRECO, Christophe Speckbacher en a dit plus à Radio Prague sur ce rapport et les critiques adressées à la République tchèque. Voici la seconde partie de cet entretien, après la première diffusée le 16 avril dernier :

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« Je pense qu’il faut reprendre un peu le processus qu’il y a eu en République tchèque. A notre connaissance, le ministère de l’Intérieur avait préparé un projet législatif dès le mois de juin 2012 qui prévoyait notamment une réforme du dispositif de contrôle du financement politique. Il était alors question de la mise en place d’un organe administratif qui semblait répondre aux attentes du GRECO. De ce que nous savons, le projet a été débattu au sein du gouvernement, puis les discussions ont été suspendues en septembre. On peut donner plusieurs interprétations à cela. Il y a d’abord l’expérience. Généralement, lorsque l’on suspend les discussions au sein d’un gouvernement, cela doit permettre des procédés à des consultations politiques afin d’évaluer les chances du projets d’aboutir au final et d’être adopté ensuite par le Parlement. Jusque-là existait une volonté favorable au changement qui était attendu de la part des partenaires européens de la République tchèque qui sont représentés au sein du GRECO. Cela dit, il est vrai que, en janvier 2013, le principe d’un nouvel organe de contrôle a été rejeté, de même que d’autres relais du projet législatif initial, par exemple sur les sanctions. Effectivement, on peut voir là des réticences qui témoignent d’un éventuel manque de volonté politique actuellement ou, au moins, un manque de consensus politique suffisamment favorable sur ces questions. »

La semaine dernière, le gouvernement tchèque a approuvé un amendement relatif justement au financement des partis politiques et à leur surveillance. Le texte en question exige notamment des partis qu'ils aient des comptes bancaires transparents, accessibles sur Internet. Les partis seraient également tenus de publier le détail de leurs comptes chaque année ainsi que celui de leur financement des partis politiques. Toutefois, cette nouvelle législation ne prévoit toujours pas la création d'une autorité de contrôle indépendante. Compte tenu des recommandations que vous préconisez, quelle est votre réaction à tout cela ?

« Cet amendement est intervenu après le rapport du mois de mars. Il est toujours difficile de se prononcer sur un texte que l’on n’a pas vu. Cela dit, il est certain que de nouvelles mesures pour publier annuellement les comptes et les rapports financiers des partis politiques, pour les rendre également accessibles sur Internet, vont dans le sens qui est attendu de la République tchèque. Maintenant, il faudra voir, le moment venu, ce que comprennent ces informations, si elles donnent au public une information fidèle et globale non seulement du financement des partis politiques, mais aussi de l’activité financière qui est déployée pendant les périodes électorales. J’insiste là-dessus car le rapport du GRECO le souligne à plusieurs reprises : les enjeux de la transparence sont cruciaux en relation avec les campagnes, car l’expérience montre que c’est à ce moment que beaucoup de soutiens financiers sont collectés par les partis ou attribués par des donateurs aux partis et à leurs candidats. Concernant l’abandon du projet de création d’une autorité de contrôle indépendante, le GRECO a clairement indiqué dans son dernier rapport qu’il est particulièrement préoccupé par la décision du gouvernement de maintenir le dispositif institutionnel actuel, car celui-ci a été jugé inefficace et non indépendant. »

Et si les choses n’évoluent pas positivement, du moins de votre point de vue, le GRECO dispose-t-il d’un moyen de pression ou alors cela ne dépend vraiment que de la bonne volonté des autorités politiques ?

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« Vous faites bien de poser cette question. Le rapport qui vient d’être publié et dont nous sommes en train de parler a conclu qu’il convient d’appliquer à l’égard de la République tchèque la mesure spéciale prévue par les textes, en l’occurrence le règlement du GRECO, pour forcer un pays à s’exécuter et à accélérer les réformes. En effet, la République tchèque a été jugée non conforme. Cela signifie que le pays va devoir informer à intervalles réguliers le Conseil de l’Europe et donc le GRECO en particulier sur les avancées qui se produiront dans le pays. Dans le même temps, cette procédure de conformité prévoit une augmentation de la pression des pays membres qui composent le GRECO, c’est un dispositif de pression par les pairs, à savoir que des courriers sont élevés à des niveaux de plus en plus élevés de l’Etat tchèque. Dans un premier temps aux chefs de délégations, puis cela remonte progressivement jusqu’au gouvernement. Il est également possible au besoin d’envoyer une délégation de haut niveau dans un pays pour demander des explications. Des déclarations officielles peuvent aussi être faites sur le manque de progrès. Généralement, les Etats n’apprécient pas d’être critiqués publiquement. Il s’agit donc d’un moyen relativement efficace. En tous les cas, il faut retenir que c’est une approche graduelle et que la déclaration publique intervient en principe à la fin. Actuellement, en ce qui concerne la République tchèque, nous sommes au tour début de ce processus et il est donc attendu du pays des informations complémentaires sur les avancées d’ici le 30 septembre prochain. »

Dernière chose, vous avez évoqué les pays qui pourraient faire pression sur la République tchèque. Concernant cette surveillance du financement des partis politiques, ce n’est pas un problème qui est propre à la République tchèque, mais celle-ci fait-elle figure de mauvais élève dans le contexte européen ? S’agit-il d’un problème vraiment préoccupant ou alors la situation en République tchèque ne diffère guère plus de celle des autres pays ?

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« Dans beaucoup de pays qui ont été étudiés et évalués par le Greco, je dirais que le dispositif national de contrôle de financement politique a été ou reste souvent problématique, généralement pour des raisons d’ailleurs proches de celle qui concernent la République tchèque. En premier lieu, le manque d’efficacité, en second lieu, le manque d’indépendance opérationnelle, l’insuffisance également des pouvoirs de contrôle, le manque de moyens, l’absence de leadership, quand par exemple le contrôle est partagé entre plusieurs institutions. Donc, de ce point de vue-là, la République tchèque n’est malheureusement pas, si j’ose dire, un cas isolé. Encore une fois, l’existence d’un mécanisme de contrôle efficace est un élément fondamental des textes du Conseil de l’Europe en la matière, donc à savoir la recommandation 2003 numéro 4 du comité des ministres aux États membres sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et campagnes électorales. »