Foot, hockey, biathlon : la Chine sollicite le savoir-faire tchèque
Qu’il s’agisse des échanges politiques ou économiques, les relations tchéco-chinoises n’ont probablement jamais été aussi bonnes et dynamiques. Lors de son voyage en Chine en novembre dernier, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a évoqué la volonté de son gouvernement de faire de Prague un centre en Europe centrale et de l’Est pour les institutions financières chinoises ou encore de participer au projet dit de « La nouvelle route de la soie » qui doit permettre à la Chine de développer ses échanges avec l’Europe et l’Afrique. L’excellence de ces relations a des retombées dans le secteur du sport également. Tandis qu’un grand groupe chinois d’investissement a racheté le club de football du Slavia Prague en septembre dernier, différents accords ont également été signés récemment entre les comités olympiques des deux pays et avec la Fédération tchèque de football pour participer au développement de certaines disciplines en Chine. Et les Tchèques entendent bien à ce qui n’est encore qu’un échange de bons procédés aboutisse à des résultats concrets.
Bref, rien de très nouveau sous le soleil jusque-là. En fait, le plus marquant cet automne s’est peut-être joué non pas sur les terrains de Bohême et de Moravie, mais dans les coulisses du plus ancien club du pays. En septembre dernier, le Slavia Prague, insolvable et en état de mort clinique, a annoncé l’arrivée dans son capital d’un important partenaire chinois. Concrètement, le groupe d’investissement (CEFC) China Energy Company Limited, sixième plus grosse société privée en Chine, est devenu l’actionnaire majoritaire du Slavia en rachetant 60% des parts, les 40% restants revenant au milliardaire Jiří Šimáně, homme d’affaires sorti de l’ombre pour prendre la présidence du club.
Premier de ce type et de cette importance dans le football tchèque, si l’on omet le capitalisme sauvage des années 1990, cet investissement doit permettre aux Rouges et Blancs d’abord de stabiliser leur situation économique avant de retrouver, aussi vite que faire se peut, leur place en haut de l’affiche. Les dettes désormais épongées, la nouvelle équipe dirigeante a d’ores et déjà dépensé plusieurs dizaines de millions de couronnes durant le mercato hivernal en cours pour renforcer une équipe cinquième au classement à douze points du leader, et ce avec pour objectif de se qualifier pour une coupe européenne dès ce printemps et l’ambition affirmée de concurrencer le grand rival du Sparta, le Viktoria Plzeň et de se mêler à la lutte pour le titre de champion dès la saison prochaine. Ancien journaliste d’investigation aujourd’hui membre du conseil d’administration du Slavia, Tomáš Syrovátka explique l’intérêt pour CEFC d’investir dans un football tchèque qui n’est pourtant certainement pas le plus attractif en Europe :
« Cette opération a du sens pour les Chinois parce qu’ils entendent s’établir sur le marché européen. Ils achètent des biens immobiliers, veulent augmenter leurs actifs ou leur participation dans le groupe J&T (groupe financier parmi les plus puissants en République tchèque et en Slovaquie avec lequel CEFC a signé l’année dernière un accord de partenariat. Paradoxalement, J&T contrôle, lui, le… Sparta Prague, ndlr) et le football peut servir leur image. Le Slavia est un club traditionnel avec une riche histoire et possède un important potentiel public, y compris dans le milieu des affaires. Cette activité dans le football, qui plus est à Prague, peut leur permettre de se rapprocher de leurs clients non seulement en République tchèque, mais aussi plus largement en Europe centrale. »Les investissements de CEFC et plus largement de la Chine en République tchèque ne s’arrêtent naturellement pas seulement au football. Outre le Slavia, le groupe chinois, dont le président-directeur-général est un des conseillers du président de la République Miloš Zeman, a fait l’acquisition notamment, en l’espace de seulement quelques mois, de deux bâtiments historiques dans le centre de Prague, de 80% des parts des brasseries Lobkowicz, ou encore de près de la moitié du capital de la compagnie aérienne Travel Service, dont Jiří Šimáně, nouveau président donc du Slavia, est le copropriétaire.
Toutes ces opérations sont le fruit notamment du travail relationnel mené par Jaroslav Tvrdík, ancien ministre de la Défense au début des années 2000 recasé directeur de ČSA – Czech Airlines. Régulièrement sous le feu des critiques à l’époque pour son incompétence, Jaroslav Tvrdík, supporter du Slavia, a su se retirer à temps des affaires publiques pour se reconvertir dans le privé et réorienter sa carrière sur la Chine, nouveau pays prioritaire et nouvelle poule aux œufs d’or pour la diplomatie économique tchèque. Actuellement directeur de la Chambre de coopération mutuelle tchéco-chinoise, c’est lui, supporter du club, qui a servi d’intermédiaire et joué un rôle clef dans le rachat du Slavia.Les Chinois demandent aux Tchèques de leur apprendre à jouer au hockey
Dans les nouvelles relations qu’entretiennent depuis quelque temps Prague et Pékin, et qui gagneront encore en intensité au printemps avec la visite annoncée de Xi Jinping, la première de l’histoire d’un président chinois en République tchèque, politique, affaires et sport se complètent. Lors de la dernière visite, en novembre, du Premier ministre Bohuslav Sobotka en Chine, un mémorandum de coopération a ainsi été signé par le président du Comité olympique tchèque (ČOV), Jiří Kejval. L’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2022 ayant été confiée à Pékin, ses organisateurs entendent s’inspirer du savoir-faire tchèque dans certaines disciplines, concrètement le hockey sur glace et le biathlon, nouveau phénomène qui a permis aux Tchèques de décrocher pas moins de cinq médailles lors des derniers Jeux de Sotchi en 2014 (cf. aussi : http://www.radio.cz/fr/rubrique/sport/nove-mesto-nouvelle-mecque-du-biathlon). Si les dirigeants chinois ne rêvent pas encore de battre le Canada ou la Russie en finale de « leur » tournoi olympique de hockey, ils entendent néanmoins à ce que leur équipe, si elle participe, fasse au moins bonne figure devant son public et sous les yeux du reste du monde. Dans un pays où les sports d’hiver ne possèdent encore aucune tradition ou presque, la partie n’est cependant pas gagnée d’avance. Pour autant, Jiří Kejval se veut confiant dans le bien-fondé de ce projet d’entraide, un projet qu’il voit comme un accord gagnant-gagnant :« Les comités olympiques tchèque et chinois ont signé en présence des premiers ministres des deux pays un accord dans lequel nous nous engageons à aider la Chine dans la préparation des sports d’hiver. Les Chinois souhaitent en priorité coopérer avec une nation forte du hockey afin de pouvoir participer au tournoi olympique. Je pense que c’est là une opportunité aussi pour nous et notamment nos entraîneurs qui pourront acquérir de l’expérience dans un autre pays. Cela pourra être aussi un moyen de promotion du hockey tchèque en Chine et, qui sait, amènera peut-être à terme certains investissements en République tchèque. »Même s’il n’est pas un sport d’hiver, du moins pas en République tchèque comme en témoigne la longueur de la traditionnelle trêve hivernale, le football est lui aussi concerné par ce programme de développement. En novembre dernier, Miroslav Pelta, le président de la Fédération tchèque, a accompagné Jiří Kejval dans son voyage en Chine. Un voyage qui n’était pas le premier pour Miroslav Pelta, qui s’était déjà rendu à Shanghai en septembre, alors dans l’avion de Miloš Zeman et avec un certain Pavel Nedvěd à ses côtés. Dans la ville la plus peuplée de Chine, qui sera bientôt reliée à Prague par une liaison aérienne directe, le Ballon d’or 2003 et actuel vice-président de la Juventus Turin a ouvert une école de football.
Au-delà de l’aspect symbolique de la chose, l’accord signé devrait permettre également d’accueillir prochainement de jeunes footballeurs chinois en République tchèque et à des entraîneurs tchèques d’exercer et de transmettre leur savoir-faire en Chine. Pour y avoir travaillé il y quelques années de cela, Miroslav Jirkal sait concrètement quel développement attend le football en Chine à l’avenir :« Le gouvernement chinois a mis en place un programme dont l’objectif est que la Chine fasse partie des meilleurs pays au monde de football d’ici 2030. C’est pourquoi l’ordre a été donné à toutes les écoles d’enseigner le football. Ce programme prévoit la participation d’entraîneurs européens. Il ne s’agit pas seulement d’entraîner, mais aussi de former des entraîneurs chinois. Cela concerne essentiellement les entraîneurs allemands, espagnols et néerlandais, qui sont réputés pour la qualité de leur formation, mais aussi les entraîneurs tchèques. Les dirigeants chinois savent que nous avons une bonne équipe nationale malgré la petite taille de notre pays et ils voient que notre travail donne des résultats sur le long terme. »