Foot - Reprezentace : le Brésil sera avec le « Domenech tchèque » ou ne sera pas

Michal Bílek, photo: Filip Jandourek, ČRo

Michal Bílek reste le sélectionneur de l’équipe de République tchèque de football. Malgré des résultats très moyens et un parcours irrégulier pour le moins chaotique en éliminatoires pour la Coupe du monde 2014, la fédération (FAČR) a décidé, mardi dernier, de renouveler sa confiance à un homme pourtant plus critiqué que jamais. Michal Bílek dirigera donc bien la Reprezentace lors du match capital contre l’Italie à Prague en juin prochain. Et tant que les Tchèques conserveront une chance de se qualifier pour la phase finale du Mondial brésilien, la FAČR considèrera que l’actuel sélectionneur reste l’homme de la situation. N’en déplaise à certains, et notamment à une large majorité du public qui ne cesse de réclamer la tête d’un personnage dont certaines caractéristiques ne manquent pas de faire penser à l’ancien sélectionneur de l’équipe de France, Raymond Domenech.

Michal Bílek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
Après la défaite (0-3) concédée contre le Danemark à Olomouc le 22 février dernier, le sort de Michal Bílek semblait bel et bien scellé. Non seulement la République tchèque venait alors de subir le plus lourd revers de son histoire à domicile, mais avec seulement cinq points obtenus en quatre matchs, dont trois contre les faibles Maltais, elle avait déjà fortement compromis ses chances de qualification. Dans un groupe difficile où se trouvent, outre le Danemark, également l’Italie et la Bulgarie, ce bilan provisoire était effectivement très léger. Peu après cette déconvenue contre le Danemark, Miroslav Pelta, le président de la FAČR, avait lui-même, et pour la première fois, menacé publiquement Michal Bílek en annonçant que tout autre résultat qu’une victoire en Arménie, quatre jours plus tard, condamnerait le sélectionneur.

On connaît la suite : Petr Čech, Tomáš Rosický et leurs partenaires se sont nettement imposés (3-0) à Terevan, pendant que, dans le même temps, l’opposition à Copenhague entre le Danemark et la Bulgarie finissait sur un résultat nul (1-1) faisant les affaires des Tchèques. Désormais troisièmes du groupe B avec certes cinq points de retard sur l’Italie, leader incontesté, mais seulement deux sur la Bulgarie et un match en moins, les hommes de Michal Bílek peuvent encore espérer terminer au moins à la deuxième place probablement synonyme de barrage et ainsi croire en une qualification. Du coup, le président de la FAČR a changé son fusil d’épaule, comme il l’a expliqué, mardi, à la sortie de la réunion du comité exécutif. Miroslav Pelta :

Miroslav Pelta,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« D’avoir gagné en Arménie sur ce score a fait beaucoup de bien à tout le monde, et à moi le premier. Mais je reconnais qu’après le match précédent contre le Danemark, j’étais prêt, pour la première fois depuis que je suis président de la fédération, à prendre la décision qui semblait s’imposer vis-à-vis du sélectionneur. Plusieurs éléments m’ont fait changer d’avis en quelques jours : pas seulement cette large victoire en Arménie, mais aussi le jeu de qualité produit par l’équipe et le soutien manifesté publiquement au sélectionneur par des joueurs importants. S’il n’y avait pas eu tout cela, j’aurais sans doute pris une autre décision. »

« Porte-parole » officieux de l’équipe nationale tant il se montre disponible avec les journalistes locaux, Petr Čech fait partie de ces joueurs importants évoqués par Miroslav Pelta qui soutiennent ouvertement le sélectionneur. Le gardien de Chelsea, qui fêtait à cette occasion sa 100e sélection, l’a répété à l’issue du match en Arménie :

Petr Čech | Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de changer d’entraîneur pendant les éliminatoires alors que nous avons toujours une chance de qualification. Je n’y réfléchis même pas, ça me semble complètement inutile. »

Petr Čech n’est pas le seul joueur à manifester sa solidarité avec Michal Bílek. Le capitaine Tomáš Rosický a abondé dans le même sens, tout comme le défenseur central Tomáš Sivok, un des autres piliers de la Reprezentace ces dernières années :

« Il faut garder la tête froide. Les premiers responsables des résultats, ce sont les joueurs, ce sont eux qui sont sur le terrain, pas l’entraîneur. L’entraîneur sera toujours critiqué. C’était déjà comme ça avec les sélectionneurs précédents. Mais même si nous nous sommes compliqué la tâche, nous pouvons toujours nous qualifier pour la Coupe du monde. Personne ne pouvait penser que ce serait facile, surtout dans un tel groupe. Rien ne dit que les Bulgares et les Danois gagneront comme nous l’avons fait en Arménie. C’est pourquoi j’espère qu’il n’y aura pas de changement. »

Tomáš Sivok,  photo: CT24
Tomáš Sivok a bien fait d’espérer. De changement, il n’y a donc pas eu, au grand regret de l’essentiel des journalistes et du public tchèques. Peut-être plus encore que les résultats en eux-mêmes, qui ne reflètent finalement que le potentiel actuellement limité du football tchèque, c’est le jeu pas franchement folichon de l’équipe et la communication il est vrai déficiente de Michal Bílek qui posent problème et irritent. Dans une certaine mesure, les critiques adressées à un sélectionneur souvent honni plus que de raison ne sont pas sans rappeler celles dont faisait l’objet Raymond Domenech. Mais à la différence d’une équipe de France alors divisée, où les intérêts personnels de joueurs égocentriques prévalaient sur ceux du collectif, le groupe tchèque reste soudé, ce dont est également bien conscient Miroslav Pelta :

« Les joueurs sont suffisamment intelligents pour comprendre que ce ne sont pas eux qui décident qui doit être leur entraîneur en équipe nationale. Personne ne m’a dit qu’il ne viendrait plus jouer en sélection s’il y avait un changement d’entraîneur. Mais je n’ai pas non plus encore entendu le moindre joueur se plaindre concrètement du travail de Michal Bílek et de l’encadrement, que ce soit pour la préparation de l’équipe, la tactique ou le système de jeu. »

Et quid de l’intéressé lui-même ? Ancien excellent joueur du Sparta Prague et de la Tchécoslovaquie dans les années 1980 et 1990, Michal Bílek (quand même élu meilleur footballeur tchécoslovaque de l’année en 1989) est contesté depuis sa nomination à la tête de l’équipe nationale en octobre 2009. Mais l’homme, comme s’il était équipé de l’armure d’un légionnaire romain, semble imperméable aux critiques. Il faut avoir assister à une conférence de presse au siège de la fédération à Prague un lendemain de défaite pour mieux comprendre pourquoi le sélectionneur n’est pas particulièrement apprécié (c’est un euphémisme) des journalistes. A nombre de questions, Michal Bílek se contente de répondre froidement en quelques mots, bien entendu sans jamais adresser le moindre sourire à ses interlocuteurs ou laisser percer la moindre émotion, pas même négative. Vu comme ça, le sélectionneur tchèque est un roc qui poursuit son objectif sans se soucier de son image auprès du public. Michal Bílek ne dit d’ailleurs pas autre chose :

Photo: creativedoxfoto
« Les priorités sont toujours les mêmes : ce sont l’équipe et le fait que nous avons encore des chances de nous qualifier pour la Coupe du monde. Je pense que l’ambiance n’a jamais changé depuis que je suis responsable de l’équipe nationale. On m’a critiqué dès mon arrivée il y a trois ans et demi, on m’a critiqué pendant les éliminatoires pour le précédent championnat d’Europe malgré la qualification et on m’a critiqué pendant l’Euro malgré notre parcours honorable. C’est pourquoi je n’ai jamais envisagé de démissionner. Et je le répète, la raison est que nous avons toujours des chances de nous qualifier pour la Coupe du monde. »

A la décharge de Michal Bílek, il faut reconnaître qu’il avait déjà été visé de la sorte lors des éliminatoires pour l’Euro 2012. Mais bien que mal engagés, les Tchèques étaient finalement parvenus à se qualifier en barrage pour la phase finale. Et à l’Euro même, en juin dernier, malgré une large défaite (1-4) concédée contre la Russie dès le premier match de groupe, la Reprezentace avait redressé la tête pour battre successivement la Grèce (2-1) puis la Pologne chez elle (1-0) et se qualifier pour les quarts de finale, où elle était tombée avec les honneurs contre le Portugal (0-1). Si le style de jeu et les moyens pour y parvenir peuvent être contestés, l’évidence néanmoins est que les résultats d’ensemble plaident en faveur du maintien du sélectionneur, surtout, encore une fois, compte tenu du réservoir en joueurs forcément moindre d’un « petit pays » de 10 millions d’habitants comme la République tchèque. Et c’est également ce qu’a estimé le comité exécutif de la fédération, comme l’explique le président Miroslav Pelta :

« Je ne peux pas dire que c’est une décision prise à l’unanimité, certains membres du comité étaient d’avis qu’il faudrait un nouvel entraîneur. Mais je voulais entendre l’opinion de chaque membre et finalement nous n’avons même pas voté. Cela n’a pas été nécessaire, la majorité souhaitait que Michal Bílek reste en poste. Cela démontre notre confiance. Ce soutien ne concerne pas seulement le prochain match contre l’Italie, mais aussi la suite des éliminatoires. Tant que nous aurons une chance ne serait-ce que théorique de nous qualifier pour la Coupe du monde au Brésil, Michal Bílek et l’encadrement technique resteront à la tête de l’équipe nationale. »

Les choses sont donc claires : que cela plaise ou non au public et aux médias, la République tchèque disputera la phase finale de la Coupe du monde 2014 au Brésil avec Michal Bílek comme sélectionneur ou ne la disputera pas. Si tel est le cas, la faute lui en incombera alors très certainement. Mais les derniers résultats et prestations en yo-yo ne permettent pas aujourd’hui, alors que la moitié des matchs de groupe ont été disputés, d’affirmer que la décision prise mardi dernier était la bonne ou la mauvaise. Pour cela, il faudra attendre la fin des éliminatoires à l’automne prochain.