Foot : pour les Tchèques, le Brésil est bien à l’autre bout du monde
0-3. Deux chiffres et un score qui résument à eux seuls l’ampleur du naufrage qui a été celui de la République tchèque contre le Danemark, vendredi soir, en éliminatoires de la Coupe du monde de football. Avec cette défaite, et seulement cinq points obtenus en quatre matchs de groupe, la Reprezentace a déjà grandement hypothéqué ses chances de qualification. Une victoire en Arménie ce mardi est donc indispensable pour entretenir un petit espoir de voir le Brésil en juin 2014. Mais même en cas de succès, les jours du sélectionneur Michal Bílek semblent plus que jamais comptés.
Après deux dernières probantes victoires contre la Slovaquie (3-0 en novembre) puis en Turquie (2-0 en février), c’est pourtant avec le sentiment que le schmilblick avançait dans le bon sens qu’on l’avait quittée, cette équipe de République tchèque. Mais les matchs amicaux ne sont décidément pas des matchs officiels. Il aura donc suffi de cette défaite contre le Danemark pour replonger tout le monde dans le doute le plus complet et revenir au point de départ, au point mort, diront même les plus critiques ou pessimistes. Conséquence de quoi, pour la première fois dans l’exercice de sa présidence, le chef de la Fédération tchèque de football, Miroslav Pelta, lui aussi très déçu par la prestation de vendredi, a admis publiquement qu’une décision radicale pourrait être prise rapidement :
« Pour nous, c’est un choc. Une défaite 3 à 0 à domicile dans un match d’une telle importance est un résultat inacceptable. Après le match, des dizaines de questions m’ont été posées, y compris par des membres du comité exécutif de la fédération, dont certains souhaitaient une réunion exceptionnelle. Nos chances de qualification sont désormais considérablement réduites. Pour autant, ce n’est pas le moment de paniquer et de prendre des décisions trop hâtives. Au moins jusqu’au match contre l’Arménie mardi, le sélectionneur et l’encadrement de l’équipe ont ma confiance. »Régulièrement sur la sellette depuis sa prise de fonctions en octobre 2009, Michal Bílek a appris, comme nombre de ses collègues dans le monde, à se forger une carapace qui le protège des critiques qui pleuvent plus ou moins intensément sur son travail à la tête de l’équipe nationale, mais aussi sur sa personne. C’est peu dire que le sélectionneur n’a jamais fait l’unanimité, tant auprès des médias et du public que dans le microcosme même du football tchèque. Mais depuis vendredi, sa carapace semble s’être fissurée et l’homme être touché. Pourtant, avant le match contre le Danemark, Michal Bílek avait mis en garde contre tout excès de confiance, bien conscient de la fragilité de la situation, et pas seulement la sienne :
« Nous sommes toujours sous pression. Nous avons certes gagné nos deux derniers matchs, mais ce n’étaient que des matchs de préparation. Par contre, nous avons concédé un résultat nul à domicile contre la Bulgarie dans notre dernier match de qualification et toute nouvelle perte de points contre le Danemark serait très néfaste. Je ne dirais donc pas que la situation est plus calme ou meilleure qu’il y a quelques mois. Tout peut aller très vite en football et les joueurs connaissent l’enjeu. Ils savent très bien tout ce que nous pouvons gagner ou perdre en l’espace de quelques jours. »Il aura suffi de moins de cela, d’une mi-temps, concrètement donc la deuxième contre le Danemark, pour tout perdre ou presque. Après une première période équilibrée et fermée logiquement conclue sur un score nul et vierge entre deux formations sur leurs gardes, les trois buts danois encaissés en l’espace de quarante-cinq minutes ont non seulement plombé le moral de l’ensemble du groupe tchèque, mais aussi remis en cause les quelques acquis qui semblaient avoir été enregistrés depuis l’Euro 2012. Avec le déficit comptable qui est désormais le sien au classement de son groupe, la Reprezentace, dos au mur, n’a déjà plus le choix si elle entend lutter jusqu’au bout des éliminatoires au moins pour la deuxième place de son groupe, classement probablement synonyme de barrage. Il lui faudra vaincre, et pas seulement en Arménie. Bien qu’inconfortablement installé sur un siège éjectable, le sélectionneur Michal Bílek continue d’afficher un optimisme qui, s’il ne peut être de rigueur, ne semble pas non plus de façade :
« Je considère que si nous ne gagnons pas mardi, cela signifiera probablement la fin pour moi. Mais je ne pars en Arménie avec cette idée-là en tête. Nous avons devant nous un match qu’il nous faut absolument gagner si nous voulons conserver un espoir de qualification pour le Brésil. Dans le passé, l’équipe a déjà démontré à plusieurs reprises qu’elle savait faire face à ce genre de situation et qu’elle avait quelque chose dans le ventre. Elle sait se remettre d’un résultat négatif pour repartir de l’avant. Ce match en Arménie nous montrera où nous en sommes. »Avant l’Arménie, le match contre le Danemark a lui une nouvelle fois montré où en étaient les Tchèques sans Tomáš Rosický. Absent au coup d’envoi en raison d’une petite blessure musculaire, le milieu de terrain d’Arsenal n’a participé qu’à la dernière demi-heure. Une participation insuffisante pour permettre à son équipe de recoller au score, mais suffisante pour confirmer combien Rosický demeurait indispensable. Avant son entrée en jeu, le capitaine habituel de la sélection avait suivi ses partenaires d’un œil attentif depuis le banc de touche. Et au coup de sifflet final, Tomáš Rosický n’a caché ni son impuissance, ni sa profonde déception :
« C’était d’abord un football prudent des deux côtés. Mais le moment-clef du match a été l’entame de la deuxième mi-temps. Les Danois sont revenus sur le terrain avec de tout autres intentions, ils ont mieux repris que nous. Ils étaient plus agressifs, il y avait plus de mouvement dans leur jeu et nous n’avons absolument pas su leur répondre. »Ce n’est pas une nouveauté : depuis que les Nedvěd et Poborský ont pris leur retraite internationale, ce qui remonte désormais quand même déjà à quelques années, la République tchèque est devenue ultra dépendante de Tomáš Rosický. Comme si, sans ce dernier, un bon résultat ne pouvait plus être obtenu. Un constat quelque peu dégradant et presque blessant pour ses partenaires en équipe nationale, mais que ne peut contredire le défenseur central Tomáš Sivok :
« Tomáš est un joueur de qualité. On s’appuie beaucoup sur lui. C’est sans doute une erreur, mais quand il est sur le terrain, il est capable de diriger le jeu et de faire une passe décisive. Nous avons d’autres joueurs de qualité qui sont en mesure de le faire aussi, mais dans les moments plus difficiles, Tomáš est souvent le seul à prendre ses responsabilités dans l’orientation du jeu. Le problème est que nous ne pouvons pas compter seulement sur son talent pour gagner des matchs. »
L’intéressé lui-même regrette le manque de solutions de rechange dont dispose le sélectionneur en son absence ; et ce d’autant plus que Tomáš Rosický, au moins aussi fragile que le cristal de Bohême, est plus souvent forfait que présent :
« Ce n’est jamais bon quand on fait une fixation sur un joueur, aussi important soit-il pour une équipe. Il peut effectivement y avoir une forme de dépendance et quand ce joueur est absent, l’équipe peut avoir des problèmes par exemple dans la construction du jeu. C’est normal. Mais ce qui ne l’est pas, c’est quand l’adversaire vous domine dans l’agressivité, l’engagement et la vivacité. »Après s’être entraîné normalement ces deux derniers jours, Tomáš Rosický devrait bien figurer dans le onze de départ contre l’Arménie. Mais même avec son talent, ce sont d’abord les ingrédients de base pour espérer gagner un match de football que les Tchèques devront mettre mardi s’ils entendent ramener trois points de leur déplacement à Erevan. Sans l’engagement, l’agressivité et l’envie réclamés par leur capitaine, ils pourront déjà faire leurs adieux au Brésil, à sa Coupe du monde et probablement donc aussi à leur sélectionneur.