Footballski.fr braque les projecteurs sur le football de l’Est

Photo: Footballski

Grand passionné de ballon rond et de Mitteleuropa mais lassé des joutes du championnat de France, Pierre Vuillemot s’est lancé dans un projet de site internet dédié aux footballs d’Europe centrale et orientale : Footballski.fr. Depuis un an, cet étudiant en IUT informatique à Metz anime donc cette plate-forme en publiant les contributions d’autres passionnés et réalisant lui-même des reportages autour de clubs et joueurs souvent méconnus de Tchéquie, de Slovaquie et d’ailleurs…

Photo: Footballski
Qui seront les Marek Hamšík, Robert Lewandowski, Andryi Yarmolenko, David Alaba, Yevhen Konoplyanka, Branislav Ivanovic, Dimitar Berbatov ou Marko Basa de demain ? Après le PFC Ludogorets Razgrad, le FK Dnipro, ou Fotbal Club Astra Giurgiu, quels clubs à consonances « exotiques » seront les surprises des prochaines coupes d’Europe ? Souvent ignorés ou moqués par le grand public, et ce en dépit de coups d’éclats répétés en coupe d’Europe, ces championnats trouvent peu d’échos parmi les aficionados des championnats huppés du « big five » (Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, France). Pourtant, l’Est de l’Europe est, avec l’Afrique et l’Amérique du Sud, l’une des sources d’approvisionnement en joueurs les plus prisées par les recruteurs de l’ouest. Réservoir de talents disposant d’écoles de football exigeantes, cette aire géographique a fourni de sacrées références et une flopée de ballons d’or tels que Josef Masopust (1962), Oleg Blokhine (1975), Hristo Stoichkov (1994), Pavel Nedvěd (2003) ou Andreï Schechvenko (2004).

Pour remédier à ce continent vierge de l’information sur le football centre et est-européen, le site francophone Footballski propose depuis quelques mois un éclairage sur l’actualité de vingt-trois pays situés à l’est d’un axe Berlin-Venise. De la Russie à la Grèce, en passant par les Balkans, les pays baltes et la Mitteleuropa, il promène son regard décalé, façon SoFoot, dans les obscures enceintes et les tribunes authentiques qui y pullulent. Des reportages, des entretiens et des photos, la dizaine de plumes qui composent Footballski décrypte et rend accessible cette actualité insolite. Entretien avec Pierre Vuillemot, à l’origine de ce projet à l’accent slave.

Pierre Vuillemot, pouvez-vous vous présenter et nous dire d’où vous vient cette passion pour le football de l’Est ?

Photo: Footballski
« J’ai vingt ans et j’ai fondé un site qui s’appelle Footballski qui parle du football de l’Est. Ma passion est essentiellement liée au football slovaque et tchèque. Mais elle provient surtout de la Bundesliga grâce à des joueurs comme Marek Mintál (footballeur slovaque ayant évolué au FC Nuremberg et au Hansa Rostock) ou Samuel Slovák (footballeur slovaque du FC Nuremberg). Du coup, je me suis intéressé à ces pays, essentiellement la Slovaquie dans un premier temps, puis la République tchèque. Et puis je n’avais plus d’intérêt pour le football français où il y a beaucoup d’argent qui circule et cela ne m’intéressait plus. Du coup, je me suis intéressé à ces championnats. »

Comment est né véritablement Footballski ? Et comment fonctionne-t-il ? Quels sont ses contributeurs ?

« Footballski est né il y a un an à peu près par mon intermédiaire et quelques autres personnes contactées par Twitter essentiellement. Il s’agissait de participants sur Twitter qui diffusaient des informations sur ce réseau social sur le football de l’Est en général. On a voulu faire une plateforme où on pouvait regrouper toutes nos connaissances. Le site a été créé dans l’objectif de mettre en lumière le football de l’Est qui était assez mal représenté en France. On est complètement amateur. On fait ça après notre boulot ou après nos études. Aujourd’hui on a une dizaine de contributeurs pour suivre à peu près une quinzaine-vingtaine de pays en Europe. »

Vous fonctionnez avec des correspondants ? J’ai vu que vous effectuiez quelques déplacements sur place…

« On essaye soit d’avoir des contacts avec des journalistes dans nos pays respectifs, soit avec des passionnés qui sont dans ces pays. Surtout des anglophones qui ont une grosse culture là-dedans. On essaye de communiquer déjà avec eux puis après on a aussi des expatriés qui habitent sur place ou qui s’y rendent souvent. Nous avons une rubrique qui s’appelle « Au stade », qui permet de parler de nos voyages et des matchs auxquels on assiste. »

Avez-vous une idée de l’identité de votre lectorat ?

Photo: Footballski
« Essentiellement des Français et quelques expatriés. En fait cela dépend des sujets. Parfois on aborde des sujets qui ne sont pas abordés dans ces pays du coup on arrive à avoir parfois une majorité de lecteurs sur un article qui viennent du pays propre au sujet de l’article. Après nous sommes encore amateurs, donc nous n’avons pas la visibilité de l’Equipe ou de France Football. »

Parmi ces nombreux pays traversés par Footballski, quels sont vos endroits favoris pour suivre une partie de football ?

« Personnellement c’est la Slovaquie. Je ne vais pas faire des heureux en République tchèque avec cette réponse. Mon club, c’est essentiellement le Slovan Bratislava. Après, il y aussi les gros matchs en Europe de l’Est qui sont un peu la vitrine avec le derby de Belgrade ou celui de Prague. Surtout le derby de Belgrade. Il fait rêver pas mal de personnes tout comme celui de Sarajevo. Ils permettent de mettre en lumière plus facilement le football de l’Est européen. »

Quel regard portez-vous sur ce football tchèque ?

« Du point de vue sportif, je le trouve assez intéressant, avec la lutte pour le titre avec le Viktoria Plzeň ou le Sparta Prague, des clubs qui permettent d’avoir un suspense jusque dans les dernières journées. Dans la course au maintien, même si cette année c’était un peu moins fou, l’année dernière c’était complètement dingue. Le niveau est relativement bon avec des jeunes joueurs qui sont assez prometteurs et qui permettent aussi de relever le niveau du championnat. Le championnat tchèque d’un point de vu sportif, c’est pas mal. Par contre au niveau des instances, c’est toujours la même chose… Quand on voit par exemple Miroslav Pelta, qui est à la fois dirigeant d’un club (le FK Jablonec) et en même temps siège à la Fédération, ça pose des questions… Mais après si on reste sur le plan sportif, je trouve ce championnat assez intéressant. »

La Ligue 1 mise souvent sur des joueurs tchèques. Comment expliquez-vous cette difficile adaptation des joueurs tchèques au championnat de France ?

Photo: Markus Unger,  CC BY 2.0 Generic
« Je pense que les clubs français ne choisissent pas forcément les bons joueurs. Quand on voit Pavel Fort qui avait signé à Toulouse, on ne peut pas dire que ce soit le plus grand attaquant que la République tchèque ait connu. Pareil avec Václav Svěrkoš (recrue du FC Sochaux en 2009-2010), « Rudi » Skácel (24 matchs sous le maillot de Marseille), ce ne sont pas des cracks de la Synot Liga qui signent en France. De manière générale, ces dernières années, on voit dans le championnat français que la plupart des joueurs est-européen ne réussissent pas. J’ai l’impression que les cellules de recrutement en France ne sont pas forcément performantes et ne choisissent pas vraiment les meilleurs joueurs. »

Pour la saison prochaine, quels joueurs de la Synot liga vous leur conseilleriez ?

« J’aurais bien dit Pavel Kadeřábek (Sparta Prague), mais il vient de signer à Hoffenheim donc ça va être compliqué. Sinon, il y a toujours Ladislav Krejčí (Sparta Prague) ou Bořek Dočkal (Sparta Prague), qui est un super milieu de terrain avec un super pied droit, sûrement le meilleur du championnat. Il y a aussi Lukáš Masopust du FK Baumit Jablonec qui est assez bon malgré sa blessure en début d’année. Si les cellules de recrutements faisaient un peu mieux leur travail, il y aurait quelques beaux transferts à faire surtout avec les prix dérisoires de ces transferts. Même Václav Kadlec (joueur de 22 ans du Sparta Prague) par exemple peut partir pour 3 millions d’euros. C’est somme toute assez risible quand on voit les tarifs des transferts en France. »

Photo: Footballski
J’en profite pour rebondir car actuellement en République tchèque se déroule le championnat d’Europe des moins de 21 ans (l’entretien a été enregistré mi-juin). La République tchèque s’est inclinée face aux Danois (2-1). Est-ce que vous pensez que cette équipe a ses chances dans cette compétition ?

« Sur le papier en tout cas, je trouve qu’il y a une assez belle équipe, assez prometteuse. Après quand on débute par une défaite face au Danemark et qu’ensuite on doit rencontrer l’Allemagne…ça me paraît compliqué. Tout est possible, mais l’Allemagne et la Serbie, c’est du costaud aussi… »

Et Pierre Vuillemot ne s’est pas trompé puisque la jeune Reprezentace n’a finalement pas passé le stade des poules de cet Euro Espoirs organisé en République tchèque en butant contre l’Allemagne (1-1) lors du dernier match. Preuve que l’expertise proposée par Footballski.fr a de beaux jours devant elle.