Guitare, manuscrits et peintures : les archives du chanteur Karel Kryl reviennent à Prague
Les Archives nationales tchèques ont fait une acquisition unique : début août, elles ont annoncé être dépositaires d’une collection d’objets personnels du musicien Karel Kryl, disparu en 1994. Connu pour ses chansons protestataires dénonçant le pouvoir totalitaire, le chanteur et compositeur a vécu depuis l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 par les troupes du pacte de Varsovie, jusqu’à la révolution de Velours de 1989 en exil à Munich.
« Bratříčku, zavírej vrátka » (Ferme la porte, petit frère) est sans aucun doute le texte le plus emblématique de la carrière de Karel Kryl. Rédigée au lendemain de l’écrasement du Printemps de Prague, la chanson devient aussitôt un des symboles de la période qui suit, au même titre que « Motlitba pro Martu » (Prière pour Marta) de Marta Kubišová.
Son auteur est né en avril 1944 dans une famille d’imprimeurs bibliophiles de Kroměříž, en Moravie. L’entreprise familiale est confisquée par les autorités communistes en 1950. Karel Kryl fait des études dans un lycée professionnel, puis il se passionne pour la musique et la poésie. Dans les années 1960, il travaille pour la radio publique à Ostrava, où il enregistre aussi son premier album. Il se produit également dans plusieurs clubs de musique pragois.
Karel Kryl a continué à composer et à chanter dans son exil en Bavière, tout en travaillant comme journaliste à Radio Europe Libre. Même après la révolution de Velours, lorsqu’il a vécu entre Prague et Munich, il a dressé dans ses chansons, avec poésie, inventivité, et beaucoup d’émotions, un tableau plutôt sombre de l’état de ce monde. L’amour de la liberté, la révolte contre les malaises de la société tchèque, contre la violence et l’injustice, les états d’âme d’un individu sensible : on retrouve tout cela dans ces fameuses chansons de révolte.
Karel Kryl est décédé subitement le 3 mars 1994 à Munich, peu avant son 50e anniversaire. Après plusieurs années de négociations menées avec son épouse allemande Marlene Kryl, les Archives nationales ont pu obtenir une collection d’objets personnels du chanteur et de documents liés à sa vie et à sa carrière.
Ses archives contiennent, entre autres, son premier passeport allemand obtenu en 1970, mais aussi les peintures que Karel Kryl avait réalisées dans des périodes différentes de sa vie. L’un des objets les plus précieux de la collection est sans doute la guitare dont Karel Kryl s’est servi lors de son tout dernier concert, avec une liste de chansons collée sur l’instrument.
Les archives de Karel Kryl seront montrées au public à l’occasion d’une exposition consacrée à l’un des plus célèbres musiciens tchèques. Elle est prévue dans trois ans.