Hockey : en Floride à 43 ans, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour la légende Jágr
La question était dans l’air depuis quelques semaines déjà : dans quelle franchise le phénoménal Jaromír Jágr allait donc bien finir la saison NHL, la prestigieuse ligue nord-américaine de hockey sur glace ? La réponse est tombée en fin de semaine dernière : le Tchèque, meilleur marqueur européen de l’histoire de la ligue (1 786 points en 1 532 matchs), quittait les New Jersey Devils pour un Etat, la Floride, où la crosse et le palet ne sont certainement pas la principale des préoccupations, et un club, les Panthers, certainement pas le plus sexy de la NHL. Mais après ses deux premiers matchs victorieux disputés ce week-end sous ses nouvelles couleurs, force est de constater que l’affaire est plutôt bien engagée.
« Cela a été un peu dingue. Jeudi après-midi, les dirigeants de New Jersey m’ont juste appelé pour me faire savoir que j’avais été échangé et que j’allais en Floride. Je suis donc rentré chez moi faire mes valises, j’ai sauté dans le premier avion et suis arrivé dans la nuit précédant le match. Ce n’est pas facile de disputer un premier match avec une nouvelle équipe sans le moindre entraînement et sans connaître ses partenaires, surtout un match aussi important car dans notre position actuelle, nous avons besoin de chaque point. »
Malgré ce déficit d’automatismes et cette absence de repères dans son nouvel environnement, la première de Jaromír Jágr à Sunrise, là où les Panthers disputent leurs rencontres à domicile, a plutôt été une réussite. Même sans inscrire le moindre point, l’ailier tchèque, qui a passé un peu de 17 minutes sur la glace, un temps de jeu auquel il n’était plus habitué ces derniers temps chez les Devils, a contribué à la victoire de Florida aux dépens de Buffalo (5-3). Aligné dans la première ligne d’attaque de son équipe, le vétéran Jágr, 43 ans, a évolué à côté de deux joueurs d’à peine 20 ans qui n’étaient même pas encore été nés quand lui remportait ses deux coupes Stanley avec les Pittsburg Penguins en 1991 et 1992. Un constat qui ne gêne cependant pas le moins du monde Jaromír Jágr :
« C’est un rôle différent pour moi. Cela fait tant d’années que je joue au hockey que si on compte les matchs que j’ai disputés aussi en Europe durant ma carrière, je dois être un des hockeyeurs qui a joué le plus de matchs dans l’histoire. J’ai donc pas mal d’expérience à transmettre et beaucoup de jeunes coéquipiers dans ma nouvelle équipe. C’est un nouveau rôle excitant pour moi. C’est un peu comme une nouvelle vie. Vous savez, à mon âge, je sens et sais les choses qu’il faudrait faire sur la glace, mais je ne suis plus en mesure de les réaliser. C’est donc beaucoup plus facile de dire aux jeunes ce qu’ils doivent faire parce qu’ils ont encore de bonnes jambes et ils ont les mains pour le réaliser. »
En Floride, et à la différence de New Jersey englué dans les profondeurs du classement de la conférence Est, la légende tchèque a rejoint une équipe certes jeune mais surtout encore à la lutte pour terminer à la huitième et dernière place qualificative pour les play-offs de fin de saison. Un challenge qui n’est pas pour lui déplaire, comme il l’affirme lui-même, et qu’il est d’autant plus prêt à relever que ce n’est pas la première fois que Jaromír Jágr, passé par huit franchises différentes en NHL depuis le début de sa carrière, finit la saison régulière dans un autre club que celui dans lequel il l’avait entamée :
« C’est la troisième fois dans ma carrière que je suis échangé en cours de saison. Mais je suis aujourd’hui un peu plus vieux, et c’est pourquoi je pensais quand même que les dirigeants de New Jersey viendraient consulter avec moi les offres qu’ils avaient des autres clubs pour me demander où je voulais aller. Mais personne ne m’a rien dit. D’un autre côté, je me mets aussi à leur place et je comprends qu’ils ne m’aient pas demandé mon avis. New Jersey ne pouvait pas refuser la proposition qu’on leur faisait. Cela fait partie de la carrière d’un joueur en NHL, nous sommes une marchandise, même si cela m’a quand même un peu surpris. »
Une marchandise qui, dans le cas présent, conserve quand même une certaine valeur, et pas la moindre. Car si New Jersey, largué dans la course aux play-offs cette saison, a accepté de se séparer de l’attaquant le plus expérimenté évoluant actuellement en NHL, c’est en échange du choix de la franchise floridienne au 2e tour de la prochaine draft (sélection des meilleurs jeunes talents) et d’un possible choix au 3e tour en 2016. Si Jágr n’est donc plus par la force des choses une perspective d’avenir pour une équipe en reconstruction, il reste en revanche une valeur sûre dans l’immédiat, ce dont il est d’ailleurs bien conscient, comme il l’avait confié il y a quelques jours de cela, avant encore son échange, à un collègue de la Radio Tchèque en reportage à New Jersey :
« Je suis un professionnel quoiqu’il arrive. Mon boulot est de faire les meilleurs matchs possibles. Je suis payé pour ça. C’est donc à moi d’adapter ma vie à cette fin et de faire en sorte que ce soit le cas. Même si je devais partir pour un autre club, je veux être au meilleur de ma forme pour pouvoir aider ma nouvelle équipe, quelle qu’elle soit. Je ne veux pas décevoir l’équipe qui me voudra dans ses rangs. »
En attendant de voir sur la durée de la vingtaine de matchs de saison régulière qu’il reste à jouer, le joueur au numéro 68 très symbolique en République tchèque n’a pas déçu non plus pour sa deuxième sortie, dimanche soir, en inscrivant un but et en réalisant une assistance (passe décisive) lors de la victoire (4-3) des Panthers contre Tampa Bay. Malgré le peu de temps à sa disposition, Jágr semble donc déjà s’intégrer dans son nouveau collectif. Spécialiste du hockey au quotidien Sport, Pavel Bárta estime d’ailleurs que la destination Florida, aussi surprenante a-t-elle pu être à son annonce, n’est peut-être pas la plus mauvaise, et ce pour au moins deux raisons très différentes :
« Il devrait jouer dans les deux premières lignes d’attaque, il aura donc plus de temps de jeu qu’il n’en avait à New Jersey. On peut s’attendre à ce qu’il marque plus de buts et réalise de plus nombreuses assistances. Et si ce n’est pas le cas, ses anciens partenaires pourront toujours lui confirmer que la Floride est un excellent endroit pour vivre une retraite tranquille. »
Pour l’heure, après deux victoires et deux premières performances plutôt convaincantes, ce n’est visiblement pas encore le choix de vie qu’a fait Jaromír Jágr. Et en République tchèque, nombreux sont les amateurs de hockey à espérer que celui qui reste un des sportifs préférés dans son pays d’origine optera le plus tard possible pour cette reconversion peinarde.