Husinec, le village natal, ou supposé tel, de Jan Hus

Socha Jana Husa, foto: Štěpánka Budková

S’il y a un village en République tchèque où les célébrations du martyr de Jan Hus sont de mise, c’est bien à Husinec. Cette paisible bourgade d’environ 1 400 habitants, porte d’entrée du massif de la Šumava en Bohême du Sud, aurait en effet vu naître le réformateur tchèque aux alentours de l’an de grâce 1370. Cependant pas plus que les historiens ne disposent de certitude quant à cette date, le lieu de naissance lui-même est sujet à caution. La fameuse maison de Husinec accueille pourtant aujourd’hui un musée et une exposition à sa mémoire. C’est ce Centre du maître Jan Hus de Husinec que Radio Prague vous propose de découvrir en ce jour spécial.

Husinec,  photo: Martina Schneibergová
Quand on arrive à Husinec par la rue principale, la rue Husova, on sent très vite qu’il y a ici un truc avec Jan Hus. Ainsi, si l’on s’assoit innocemment sur un banc, on s’assoit en fait sur l’inscription d’une citation du grand homme. Par exemple : « la vérité est simplement ce qui est bon pour tous ». Après avoir médité là-dessus, on tombe plus loin sur la charmante petite église de l’Elévation-de-la-Sainte-Croix, mais juste avant, on a croisé une statue, et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit encore de Jan Hus. Nous ne nous sommes pas trompés de destination.

La maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
D’autant plus que quelques badauds à l’aspect pas du coin s’accumulent devant le numéro 37 de la rue principale. Impossible de la manquer, cette jolie maisonnette peinte en jaune de style renaissance, dont la reconstruction s’est achevée en mai 2015, est la maison natale de Jan Hus. Enfin, c’est ce que ce prétend une tradition débutée en 1633, quand des pèlerins viennent y commémorer la mémoire du réformateur, décédé deux siècles plus tôt. D’autant plus que la bâtisse daterait en fait de 1616 environ. Même si l’incertitude est toujours de mise, un certain nombre d’indices laissent à penser que Jan Hus est bien né dans la région. Des indices qu’expose Jana Maunová, guide au Centre du maître Jan Hus, centre qui occupe désormais les lieux :

« Jan Hus avait beaucoup d’amis de l’Université ici en Bohême du Sud, qui vivaient à Prachatice ou dans les alentours, à Husinec. Un autre indice est le fait que Křišťan de Prachatice a pu apporter une aide à Jan Hus à l’Université. Jan Hus était en effet un élève pauvre et il n’est pas évident qu’il ait pu facilement intégrer l’Université. A cette époque, il n’était pas courant que des enfants pauvres fassent des études supérieures. C’est une autre possibilité. Ensuite Jan a obtenu son nom de famille d’après la ville où il est né et nous sommes ici à Husinec. Il y a aussi le fait que les habitants de Husinec ont ensuite honoré sa mémoire. »

La ruin du château Hus
Le système des noms de famille héréditaires n’était pas encore à l’ordre du jour au XIVe siècle et les gens étaient ainsi souvent qualifiés selon leur origine géographique ou leur métier. Quant au nom du village Husinec, Jana Maunová explique qu’il est probablement lié au fait que la commune résidait sur le territoire dépendant de la seigneurie du château Hus.

Il est fait mention en 1376 d’un Jan de Husinec sur les listes de nouveau-nés à Prachatice, le grand bourg du coin. Là encore il est impossible de certifier qu’il s’agisse bien de notre gus. Il est donc supposé que le jeune Jan se rendait tous les jours à pieds à l’école à Prachatice, cité encastrée dans les contreforts du massif de la Šumava et située à cinq kilomètres de là. Jana Maunová a une légende à ce propos :

Le rocher de Hus  (Husova skála)
« Non loin d’ici il y a le rocher de Hus (Husova skála). On raconte qu’une fois qu’il rentrait de l’école à Prachatice, il s’est réfugié sous ce rocher lors d’un orage… Le tonnerre a grondé et en s’abritant davantage contre la paroi, il aurait créé avec son corps un petit creux de forme ronde. Quoi qu’il en soit ce creux existe et les gens qui se rendent au rocher peuvent s’y asseoir. Il y a par ailleurs d’autres légendes comme quoi le rocher aurait eu la forme de Jan Hus. »

Si Jan Hus est réellement né sur ces terres de Bohême du Sud et s’il y a grandi, on peut s’attendre à ce que son histoire familiale puisse apporter davantage d’informations. Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent de ce côté-ci, ainsi que l’explique Jana Maunová :

La maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
« Nous ne savons presque rien sur sa famille. Nous savons que sa mère était très pieuse. Elle a appris la prière à Jan et l’a conduit vers la foi. C’est pratiquement la seule chose sur sa famille que l’on peut savoir à partir des lettres de Jan Hus. Grâce aux lettres écrites de sa prison à Constance, nous savons aussi qu’il avait un frère. Dans une de ces lettres, il demande à son frère de ne pas placer ses deux enfants, les neveux de Jan Hus, dans les ordres, mais plutôt qu’ils apprennent un métier. Jan Hus était en effet prisonnier en tant que prêtre tchèque et il s’inquiétait du fait que ses neveux puissent connaître le même sort. »

Sort peu enviable s’il en est puisque Jan Hus périra sur le bûcher. Malgré son excommunication en 1411, le prédicateur tchèque décide de se rendre au Concile de Constance en 1414 pour y défendre les thèses qui lui valent tant d’ennuis, pensant être protégé par le sauf-conduit que lui a accordé l’empereur Sigismond. Visiblement, ses arguments convainquent peu les inquisiteurs puisque Jan Hus est jugé coupable d’hérésie et condamné à être brûlé vif, sentence exécutée le 6 juillet 1415.

L'exposition à la maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
Ces événements sont fidèlement décrits au cours de l’exposition que les visiteurs peuvent découvrir au Centre du maître Jan Hus. Le jugement de Jan Hus est relaté à l’occasion d’une projection vidéo qui a beaucoup plu à Kateřina, étudiante :

« Pour nous, c’est un peu une redite parce que nous étudions l’histoire à la Faculté de pédagogie de l’Université Charles à Prague. Donc nous connaissons les éléments fondamentaux. Mais j’ai beaucoup aimé les projections vidéo. »

La maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
C’était donc cela, un groupe d’étudiants pragois en histoire, qui gênait notre progression dans les charmantes mais étroites pièces de la maison de Jan Hus. Dans ces pièces, on découvre divers éléments de la vie du religieux, à commencer par son parcours d’universitaire. Jan Hus est en effet un linguiste important qui est connu pour avoir donné l’accent « háček » à la langue tchèque, simplifiant par là-même son orthographe. Divers portraits présentent les théologiens importants de son temps, ceux qui s’opposèrent à son œuvre réformatrice et qui le condamnèrent à la mort, ceux aussi qui l’inspirèrent, et notamment l’Anglais John Wyclif, dans sa critique des dérives de l’Eglise catholique à l’époque du Grand Schisme d’Occident, où trois papes se disputent la légitimité du pouvoir. On en apprend en revanche peu sur les événements qui suivirent la mise à mort de Jan Hus et sur ses répercussions dans la région de Husinec. Jana Maunová est heureusement là pour nous éclairer :

L'exposition à la maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
« Il est clair que Jan Hus avait des adeptes dans la région même si aucun document n’existe qui permettrait de dire qu’untel ou untel, à partir de 1515, se réclame de cette foi. C’était quelque chose de réprimé, d’interdit par l’Eglise catholique. Mais par exemple les prêtres de Husinec se plaignaient régulièrement du fait que des habitants du village ne se rendaient pas aux sermons à l’église, qu’ils suivaient d’autres cultes, qu’ils lisaient les livres de Jan Hus, qu’ils montraient sa maison de naissance… Il y a même eu un prêtre qui a voulu détruire le bâtiment pour y construire un orphelinat catholique. Ces problèmes étaient présents à Husinec. »

Husinec avec la maison natale de Jan Hus en 1903
Tandis que la foi hussite est réprimée dans le sang, la bâtisse poursuit quant à elle son existence paisible. Le plus ancien propriétaire dont on trouve trace dans les écrits est le dénommé Zikmund Nána en 1634. C’est à partir de cette époque que des adeptes de Jan Hus commencent à s’intéresser à cette maison, endommagée en 1691 par un incendie qui ravage Husinec. Le pèlerinage prend de l’importance au XIXe siècle, quand les Tchèques, en plein renouveau national, se cherchent des héros passés. En 1869, à l’occasion du 500e anniversaire supposé de la naissance de Jan Hus, le célèbre sculpteur Bohuslav Schnirch agrémente le saint bâtiment d’un relief. Quelques années plus tard, le poète et écrivain Jan Neruda visite les lieux et n’a pas de mot assez fort pour traduire son émotion. Devenu propriété de l’Etat après la Seconde Guerre mondiale, la bâtisse est classée monument culturel national en 1978. Voilà qui n’est que justice si l’on en croit Michal, un membre éminent du groupe d’étudiants qui en a maintenant fini avec la visite :

L'exposition à la maison natale de Jan Hus à Husinec,  photo: Martina Schneibergová
« Je le considère comme une icône nationale, un de ces personnages que tous les enfants connaissent dès l’âge de six ans. C’est l’une de nos figures historiques les plus connues. »

Et c’est à cette nouvelle génération de professeurs d’histoire qu’il reviendra le devoir d’entretenir la connaissance en pays tchèques du premier réformateur majeur de l’Eglise catholique.