Il fait faux et il pisse et il pisse

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Vous aurez peut-être remarqué que l’hiver arrive doucement, à Prague et ailleurs… Le froid et la pluie et les mille manières de s’en plaindre ou d’en débattre en tchèque seront donc notre sujet du jour.

Čepice,  photo: Archives de Radio Prague
Commençons par la base du vocabulaire de la saison qui s’annonce longue : le froid. « Je zima !», il fait froid, peut être remplacé, et l’est d’ailleurs très souvent, par « Je kosa !» - kosa exprimant zima, le froid. L’origine de cette expression n’est pas évidente à deviner, sachant que kosa signifie la faux – peut-être l’idée lointaine du froid, cause de maladies et de la mort portant la faux… ? Ou encore l’idée que le froid remplace toute verdure, le temps d’une saison, comme la faux coupe l’herbe… ? Auditeurs et lecteurs du tchèque du bout de la langue, vos suggestions sont les bienvenues !

L’argot tchèque est largement inspiré de mots étrangers, et les dérivés du froid le montrent bien : ainsi peut-on parler de fredo – inspiration italienne - kaltna– pour les plus germanophiles – ou encore sibiř– expression répandue en français également, la Sibérie évoquant le froid n’est pas une surprise, et l’expression « zima jak v ruském filmu» - froid comme dans un film russe – est attendue.

Un autre mot très utile en cette saison, c’est la pluie – déšť. Ici, il pleut – prší– comme d’un tonneau – jak ze sudu– comme du temps de l’empire d’Autriche – jak za Rakouska– ou encore comme après la bière – jak z piva ! Cette dernière image est plus claire si on précise que le mot d’argot le plus courant pour remplacer pršet– pleuvoir – est chcát– pisser – d’où la réplique consacrée : « a chčije a chčije !», « ça pisse et ça pisse !», exprimant l’irritation causée par une pluie incessante. Cette expression doit sa célébrité au film de Jiří Menzel de 1976, « Na samotě u lesa», qui raconte les déboires des époux Lavička, Oldřich et Věra, et de leurs enfants, quand ils veulent acheter une maison de campagne à un vieillard un peu trop en forme… Vous pouvez écouter la réplique culte, particulièrement savoureuse dans la bouche de l’enfant, sur le lien suivant, en cliquant, parmi les répliques du film proposées, sur la phrase chčije a chčije : http://meteleskublesku.cz/?movie=4. Notons au passage qu’on retrouve dans ce film une thématique bien tchèque : la chalupa, la maison de campagne – où la moitié du pays semble passer ses weekends.

La pluie s’exprime parfois aussi par le verbe filtrer – cedit– il pleut devenant il filtre ! Cedí ! Le mot pluie – déšť– hérite donc des dérivés de ces verbes, et la pluie devient chcáč, ceďák, mais aussi liják ou slejvák. Ces deux derniers évoquent le verbe lít, signifiant verser, couler. Si le lien avec lít coule de source pour le mot liják, il vous étonne peut-être plus par rapport au mot slejvák– reprenons donc les bases de la langue parlée de Bohême qui, à la différence de l’utilisation morave du tchèque, a tendance à allonger les « i» en « ej». Ainsi, comme nous l’avons évoqué dans l’émission du 17 mai dernier, « A deymain ! C’est jolou ! », les mots si courants zítra– demain, ou týden– semaine, deviennent, dans la bouche (et dans les sms !) des habitants de Bohême, zejtra ou tejden ! Le lien entre le verbe lít– verser, couler – et l’appellation argotique de la pluie – slejvák– s’éclaire…

Et si nous terminions cette émission en écoutant un extrait de la mélancolique chanson Prší– il pleut – de Karel Plíhal… ?

Et c’est sur Karel Plíhal chantant avec un reproducteur comme cet amour sentait la pluie - jak ta láska deštěm voní - que nous terminons ce « Tchèque du bout de la langue » consacré à l’automne. En attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous donc du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !