Climat : l’activité humaine, grande responsable aussi des inondations en Europe centrale
Bien que phénomène naturel, les intenses précipitations qui ont entraîné les graves inondations en Tchéquie, et plus généralement en Europe centrale, à la mi-septembre, ont été amplifiées par le dérèglement climatique, souligne une étude de la World Weather Attribution (WWA).
Selon cette étude menée par vingt-quatre chercheurs immédiatement après les inondations, les précipitations de quatre jours provoquées par la tempête Boris ont été les plus importantes jamais enregistrées en Europe centrale, dépassant largement les précédents records.
En Tchéquie, une moyenne de 136,2 litres d’eau par mètre carré est tombée lors de ces quatre jours, du 12 au 15 septembre. Un volume supérieur aux précédentes inondations les plus dévastatrices de 1997, où il n’était tombé « que » 97,5 litres d’eau par mètre carré. Et si les conséquences, tant au niveau des victimes que des dommages matériels, ont été moins graves qu’à l’époque, c’est uniquement parce que d’importants moyens humains et techniques avaient été mis en œuvre en amont.
L’étude menée par la WWA, un réseau scientifique international qui publie des études d'attribution des évènements extrêmes au réchauffement climatique, confirme également que le changement climatique induit par l’activité humaine est sans aucun doute l’un des facteurs à l’origine de ces précipitations, et ce, comme le précise Friederike Otto, maître de conférences en sciences du climat à l’Imperial College de Londres et co-auteure de l’étude :
« Pour ce qui est des chiffres que nous avons examinés, à savoir la région étudiée et les fortes précipitations sur les quatre jours en question, le changement climatique induit par l’homme, à savoir la combustion du charbon, du pétrole et du gaz, a doublé la probabilité qu’un tel événement se produise. D’après les modèles et les observations combinés, on constate une augmentation de 7 % de l’intensité, mais nous savons aussi que les modèles sous-estiment les précipitations. L’augmentation réelle de l’intensité est donc probablement plus élevée, plus proche de ce que nous constatons à partir des seules observations, à savoir autour de 20 %. »
Selon le service Copernicus de l’UE sur le changement climatique, l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement, avec des températures moyennes au cours des cinq dernières années supérieures de quelque 2,3 °C à celles de la seconde moitié du XIXe siècle. Ce réchauffement a non seulement entraîné des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, mais aussi une augmentation des précipitations extrêmes, en particulier dans le nord et le centre de l’Europe.
Chercheur à l’Université des sciences de la vie de Poznan en Pologne et autre co-auteur de l’étude, Bogdan Chojnicki explique que l’augmentation des précipitations est principalement due au fait qu’une atmosphère plus chaude est suceptible de retenir davantage d’humidité :
« La température élevée de l’atmosphère crée plus d’espace pour la vapeur. Le deuxième élément est l’eau liquide dans les mers. Si l’on combine ces deux éléments, la température élevée de l’air et de la mer crée des conditions idéales pour l’évapotranspiration, ce qui augmente la quantité d’humidité dans l’atmosphère. La capacité de l’atmosphère à produire de fortes pluies augmente tout simplement. Et l’augmentation des températures de la mer et de l’air intensifie les conditions propices au développement d’une telle situation. »
L’étude de la WWA a évalué non seulement le rôle du changement climatique dans les fortes précipitations récentes, mais aussi la vulnérabilité et l’exposition à une telle catastrophe naturelle. Les inondations en Tchéquie ont non seulement coûté la vie à plusieurs personnes, mais elles ont également causé des dommages considérables aux biens et aux infrastructures.
Pour éviter que de tels dégâts ne se produisent à l’avenir, il convient d’intégrer les projections actuelles sur le changement climatique dans l’aménagement du territoire, et ce, comme l’explique Maja Vahlberg, du Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à La Haye :
« En ce qui concerne l’élaboration des politiques, je pense qu’il est très important de rappeler que les pays et les villes touchés doivent procéder à des évaluations post-catastrophe et à des bilans après action des systèmes en place afin d’identifier les domaines spécifiques à améliorer. Mais de manière générale, il faut s’attaquer au problème de l’exposition élevée aux inondations. Cela sera absolument essentiel pour le redressement et la planification à long terme de certaines villes, en particulier celles situées le long des grands fleuves dans ces régions d’Europe, mais aussi pour le renforcement des infrastructures afin d’aider à protéger et à contrôler nos populations contre les inondations. Ne pas agir contre le changement climatique coûte beaucoup plus cher que n’importe quelle autre action. Ces inondations ont coûté énormément d’argent, mais aussi des vies, alors prétendre que nous ne pouvons pas nous permettre une bonne politique climatique, c’est vraiment jouer avec la vie des gens pour des jeux de guerre culturelle, mais c’est très malhonnête et c’est absolument inacceptable. »