Il y 630 ans naissait Petr Chelčický, penseur et père spirituel de l’Unité des frères

Petr Chelčický par Alfons Mucha

Son visage est saisi sur l’une des toiles de l’Epopée slave, celle qu’Alfons Mucha a intitulée Petr Chelčický: ne pas répondre au mal par le mal. Cette vision pacifiste du monde de Chelčický – penseur et écrivain de la tradition hussite né en 1380, a conduit à la constitution de l’Unité des frères, en 1457, et a beaucoup influencé, au XIXe siècle, l’écrivain russe, Lev Tolstoï. Pour commémorer le 630e anniversaire de sa naissance, le village natal du penseur, Chelčice, lui a dédié un musée. Radio Prague l’a visité pour s’entretenir avec Klára Kavanová de la place de Chelčický dans l’histoire tchèque.

Petr Chelčický par Alfons Mucha
« Petr Chelčický est parfois surnommé le Gandhi tchèque …A l’entrée du musée, nous exposons la copie du quatorzième des vingt tableaux du cycle de l’Epopée slave consacré à Petr Chelčický. Alfons Mucha l’a saisi, au visage profondément déçu et blessé, au milieu d’un champ de bataille jonché de morts. C’est ainsi qu’il a imaginé le retour symbolique de Petr Chelčický à Chelčice, un village ou il va recevoir la visite de Peter Payne d’Angleterre – continuateur de John Wyclif, précurseur de la Réforme, et ou il écrira ses oeuvres majeures – Postilla, Sur la lutte spirituelle, et le Filet de la vraie foi. À la mémoire de cette dernière, les intérieurs du musée sont aménagés en forme de filets. L’objet le plus précieux est protégé par une vitrine: c’est l’incunable du Filet de la vrai foi du XVIIe siècle. »

Penseur religieux et critique social, Petr Chelčický est influencé par Jean Huss et John Wyclif, mais aussi par Tomáš Štítný. Ses opinions théologiques et sociales sont radicales: il condamne la seigneurie et le servage au nom de l’égalité et de la justice sociale, exige une application rigoureuse de l’Evangile et cherche à convaincre de la nécessité de réformer l’Eglise. Ses pensées sont même plus radicales que celle de Jean Huss, mais à la différence des hussites, il condamne les guerres. Tout recours à la force est pour lui un péché. Il adhère au principe de la non opposition au mal par la force. Pacifiste intransigeant, il s’écarte des utraquistes radicaux réfugiés à Tabor. Une communauté se rassemble autour de lui à Kunvald pour y vivre selon ses préceptes. Encore de la vie de Petr Chelčický, ses sympathisants fondent, en 1457, l’Unité des frères: un mouvement religieux minoritaire originaire de Bohême.

Le musée de Chelčice
Le musée de Chelčice est entièrement consacré à Petr Chelčický qui a passé la grande partie de sa vie dans ce village de Bohême méridionale. Le musée occupe les locaux de l’ancien grenier complètement rénové grâce aussi au soutien du Fond européen agricole pour le développement rural. Le visiteur s’y familiarise avec les idées de Chelčický qui ont été adoptées non seulement par l’Unité des frères, mais aussi en dehors du pays, par les baptistes, les anabaptistes et les quakers. L’intérêt du public pour les Journées de Petr Chelčický, organisées le 4 septembre dernier, a dépassé l’attente. Des dizaines de ressortissants des Tchèques installées en Amérique ou vivent des descendants de Chelčický et où l’Eglise baptiste se réfère de son legs étaient venus pour l’occasion, observe Klára Kavanová:

Le musée de Chelčice
« Cela se voyait le 4 septembre dernier, beaucoup de Tchèques d’Amérique n’ont pas hésité et acheté leurs billets d’avion, car l’histoire de l’Unité des frères les intéresse toujours, surtout dans les milieux baptistes. C’était un plaisir pour nous de voir que notre travail a un sens. »

'Sur la triple division de la société'
Petr Chelčický a commencé à rédiger ses écrits après l’échec de ses appels invitant à renoncer au combat par les armes. Dans son écrit Sur la triple division de la société, il refuse l’organisation d’alors de la société, mettant un accent sur l’égalité des gens et leur soumission à Dieu. Une cinquantaine d’écrits de Chelčický ont été préservés. Rédigés tous dans la langue tchèque, ils sont considérés comme un bijou de la littérature médiévale. En revanche, la connaissance des historiens sur la personne de Petr Chelčický n’est que partielle. Ses écrits sont signés par le nom du village où il a vécu, Chelčice, ce qui était la pratique courante au Moyen-âge. Or on ignore s’il était né ici, souligne Klára Kavanová:

Petr Chelčický
« Ainsi, l’historien de la première République tchécoslovaque, Petr Bartoš, estime qu’il s’agissait de Petr Záhorka du village voisin de Záhorčice. En tout cas, cela n’a pas d’importance pour notre histoire. Le principal, au regard de la littérature médiévale, est que ses écrits ont été préservés, même si, pour les retrouver, il a fallu faire des recherches compliquées. Une partie des écrits a été retrouvée dans la Bibliothèque nationale de Paris. Nous devons leur sauvegarde à Comenius qui les a amenés avec lui en exil de Kunvald, le dernier lieu de refuge de l’Unité des frères dans les monts Orlické. La bibliothèque de Paris nous en a fait des copies et nous avons obtenu les droits d’auteurs pour pouvoir les exposer. D’autres écrits proviennent du Clementinum praguois et une aide nous a été apportée également par le chapitre de Saint-Guy au Château de Prague. Le résultat en est ce musée qui est l’unique musée de Petr Chelčický en Bohême. »

Il n’empêche que l’oeuvre de Petr Chelčický ait failli être oubliée. Après la défaite des Etats tchèques à la Montagne blanche qui a marqué le début de la Contre-Réforme, Chelčický a reçu l’étiquette d’auteur de livres interdits. L’intérêt pour son oeuvre a été ravivé au milieu du XIXe siècle grâce à l’historien František Palacký. Le premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk appréciait hautement ses pensées.

A part le musée, une statue de Petr Chelčický, créée par le sculpteur Jan Dušek de Tabor, se dresse sur la place de Chelčice. La date exacte de décès de Petr Chelčický n’est pas connue et les historiens la situent autour de l’an 1460. D’après certaines sources, Petr Chelčický était le premier écrivain pacifiste de la Renaissance qui a devancé de plus de cent ans l’humaniste et théologien Erasme de Rotterdam.