Il y a 30 ans, la liberté retrouvée de Václav Havel

Václav Havel, photo: archive of Czech Radio

Il y a trente ans de cela, le 17 mai 1989, Václav Havel sortait pour la dernière fois de prison. Bien qu’innocent, il avait été arrêté quatre mois plus tôt lors des manifestations qui s’étaient tenues sur la place Venceslas pour le 20e anniversaire de l'immolation par le feu de Jan Palach et qui avaient été violemment réprimées par la police du régime communiste.

Václav Havel | Photo: Archives de ČRo
Au total, ce sont trois séjours que Václav Havel a passés en prison entre 1977 et 1989, pour une durée cumulée de près de cinq ans. A la différence toutefois des deux premières, auxquelles le co-fondateur de la Charte 77 avait été condamné pour son action très concrète d’opposition au régime, la troisième avait été inventée de toutes pièces. Havel avait été arrêté puis accusé d’incitation à la désobéissance civile alors qu’il se tenait à l’écart des démonstrations et se contentait de suivre celles-ci pour en informer les médias étrangers. Condamné initialement à huit mois de prison, il n’était finalement resté que quatre mois à la prison de Pankrác à Prague. Attendu à sa sortie par ses amis dissidents et des journalistes étrangers, il avait alors partagé, avec bonne humeur selon les documents de l’époque, sa joie sincère d’être dehors, comme avec ce journaliste qui lui avait demandé ce qu’il ressentait :

« C’est un sentiment très agréable, mais je ne vous souhaiterais pas d’aller en prison juste pour découvrir combien c’est bon d’être dehors. Je suis heureux bien entendu de la remise de peine qui m’a été accordée et qu’ils m’aient rendu ma liberté au bout de quatre mois. Mais cela n’enlève rien au fait que je pense que ma peine était une absurdité et que je n’aurais jamais dû aller en prison. »

Cette liberté retrouvée, Václav Havel l’avait due en grande partie à la grande vague de solidarité qui, suite à sa condamnation, qui s’était formée dans l’ensemble de la société, et plus uniquement dans les rangs de l’opposition intellectuelle ou dans les milieux culturels. Près de 3 400 personnes, un chiffre important à l’époque, avaient signé la pétition en faveur de sa libération. Dans une interview accordée très peu de temps à une journaliste polonaise venue l’interroger à Prague, Václav Havel avait d’ailleurs bien souligné combien il était conscient de cet élan. A la question de savoir ce que ressent une personne arrêtée alors qu’elle se promène sur la place Venceslas, le futur président avait répondu :

« Je n’ai aucun regret et je ne ressens aucune haine. La seule chose qui m’intéressait était de savoir si ce séjour en prison aurait un sens, s’il servirait à quelque chose. De ce point de vue-là, je dois dire que je suis extrêmement satisfait. Si chaque séjour en prison prenait une telle valeur que celui-ci et aboutissait à des changements semblables à ceux dont nous avons été les témoins ces quatre derniers mois, alors cela vaudrait vraiment la peine d’être emprisonné. »

Six mois très précisément après sa libération, sans qu’il n’y ait de véritable lien de cause à effet, se tenait à Prague la première manifestation des étudiants qui, quelques semaines plus tard, aboutirait à la chute du régime communiste, puis à l’élection de Václav Havel président de la République d’une Tchécoslovaquie de nouveau libre. Un président libre qui, dès le 1er janvier 1990 dans son premier discours du Jour de l’An prononcé dans ses nouvelles fonctions d’homme politique, s’empressait de décréter une grande amnistie pour environ deux tiers des prisonniers en Tchécoslovaquie.