Il y a 70 ans, les troupes de Hitler envahissaient Prague

Adolf Hitler

Le 15 mars 1939, les troupes hitlériennes entraient dans Prague. La veille, le président Emil Hácha est reçu à Berlin par le chancelier du IIIe Reich, Adolf Hitler. Il y arrive avec la conviction que la situation en Slovaquie qui vient de proclamer son indépendance sera débattue. Or ce 14 mars 1939, la Tchécoslovaquie n’existe plus, en fait. La décision d’occuper la Bohême et la Moravie après la proclamation de l’Etat slovaque libre est prise.

Emil Hácha et Adolf Hitler
Hitler place Hácha devant deux options entre lesquelles il faut choisir le moindre mal : soit accepter l’occupation allemande, soit faire face à la liquidation totale de ce qui est resté de la Tchécoslovaquie. Hácha finit par signer le protocole de capitulation. Une expertise graphologique a confirmé qu’en signant le document, Emil Hácha était sous une pression psychique énorme : sous menace de bombardement de Prague et de mise à mort de milliers de Tchèques... Les archives sonores ont conservé la voix d’Emil Hácha de ce 14 mars il y a 70 ans :

« Après un entretien avec le chancelier du Reich et après un constat de la situation, j’ai décidé de remettre en bonne foi le sort de la nation et de l’Etat tchèque entre les mains du leader du peuple allemand. »

Le lendemain, le 15 mars, à 6 heures du matin, les troupes nazies entrent dans Prague. Au son du poème symphonique Vyšehrad de Bedřich Smetana, la radio annonce que les unités militaires du IIIe Reich ont franchi la frontière pour assurer la protection de la Bohême et de la Moravie.

František Kocourek décrivant d’une voix émue la situation sur la place Venceslas où les troupes nazies défilent
La colère, l’amertume et le désespoir envahissent les gens rassemblés dans les rues de Prague. Ils ne peuvent qu’assister, en spectateurs impuissants, à l’entrée de troupes d’occupation dans leur pays. Sur des photos d’époque, on voit certains hommes menacer du poing… Un témoignage authentique sur l’un des événements les plus noirs de l’histoire tchèque est fourni par le reporter de la Radio tchécoslovaque František Kocourek décrivant d’une voix émue la situation sur la place Venceslas où les troupes nazies défilent :

« Tout cela est comme si c’était un rêve épouvantable, qui d’entre nous aurait cru il y a une semaine qu’un défilé pareil puisse être la réalité ici, à Prague, sur la place Venceslas… la roue de l’histoire tourne, et personne ne peut l’arrêter… »

« Après des soldats, on voit arriver des unités motorisées. Des véhicules militaires transportent des canons antiaériens géants d’une construction tout à fait différente de la nôtre. »

En propos ambigus, le reporter parle encore d’une grande corneille noire survolant la place Venceslas, au-dessus des projecteurs de la défense aérienne de l’armée allemande. Quelques mois plus tard, František Kocourek est arrêté et meurt, en 1942, au camp d’Auschwitz. Le sort de l’un des meilleurs reporters de sa génération symbolise l’échec de la politique de conciliation d’avant-guerre. L’occupation de la Tchécoslovaquie est, en effet, la conséquence directe des accords de Munich signés le 29 septembre 1938. D’un Etat prospère et industrialisé, il ne subsistera qu’un embryon. La Tchécoslovaquie est sacrifiée par les grandes puissances au nom de la sauvegarde de la paix en Europe.

Hitler entre au Château de Prague
Le 16 mars 1939, le ministre des Affaires étrangères du Reich, Joachim von Ribbentrop, lit à la Radio tchécoslovaque l’arrêté de Hitler sur la création du Protectorat de Bohême-Moravie. Konstantin von Neurath en est désigné le chef. Karl Hermann Frank est nommé secrétaire d’Etat. Dès la première journée de l’occupation, Hitler entre au Château de Prague. Six longues années d’occupation commencent. Des milliers de personnes sont arrêtées, déportées dans des camps ou exécutées.

Suite à Munich, la Tchécoslovaquie perd un tiers de son territoire habité par 4 millions d’habitants. Elle cède à Hitler les plus importantes branches de son industrie. L’armée tchèque démobilisée et démoralisée quitte les casernes. Il y a pourtant des endroits où l’armée oppose une résistance. C’est le cas du 8e régiment de Silésie à Místek, en Moravie du nord qui a ouvert le feu sur les unités allemandes venant occuper des usines industrielles stratégiques. L’historien Karel Straka de l’Institut d’histoire militaire rappelle que des conflits armés ont accompagné la période entre Munich et l’occupation. L’un des plus importants sinon le plus grave a éclaté dans la commune de Moravská Chrastová :

Moravská Chrastová
« Le 31 octobre 1938, un violent accrochage s’est produit entre des Allemands des Sudètes fanatiques d’une part, et le régiment d’infanterie numéro 13 de l’armée tchécoslovaque, de l’autre. Le conflit a commencé après que les troupes de Henlein avaient attaqué la commune essayant de chasser les soldats et les organes tchèques. La partie tchèque y a réagi par une contre-attaque. Ce cas illustre que les soldats tchèques mouraient, après Munich. D’ailleurs, le conflit de Moravská Chrastová a fait quatre morts. »

Avant le soir du 15 mars 1939, l’occupation du territoire est achevée. Les armées allemandes sont suivies par la police secrète de l’Etat, la Gestapo. Celle-ci installe ses bureaux au palais Petschek, lieu des interrogatoires redoutés et des décisions ultimes. Prague remet au Reich les plus grandes usines d’armement, Škoda Plzeň, mais aussi l’ensemble de l’équipement de l’armée et des forces de l’air dont 600 tanks et 1000 avions. Selon l’historien Dušan Uhlíř, Hitler se rendait compte qu’avec les armes tchécoslovaques il pourrait armer 45 divisions. Pour cette raison, la Bohême et la Moravie ont été aussi rapidement occupées. Le protectorat est devenu l’une des premières usines d’armement du IIIe Reich allemand.