Insurrection de Prague et la fin de la guerre
Le 8 mai, l'Europe entière, y compris la République tchèque fête le 57ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Dans l'ex-Tchécoslovaquie, cette date mémorable a été précédée par l'événement qui s'est inscrit dans l'histoire tchèque comme l'Insurrection de Prague. Eclaté le 5 mai 1945 en signe d'une protestation spontanée du peuple tchèque contre les occupants et leurs collaborateurs tchèques, cet événement était aussi une réaction à la désintégration de l'appareil du pouvoir nazi et à la marche victorieuse des armées alliées. Astrid Hofmanova, qui a préparé ce programme spécial, a invité au micro son témoin direct, Antonin Sum, ancien secrétaire personnel de Jan Masaryk.
Les premiers coups de fusil ont été tirés devant le bâtiment de la Radiodiffusion tchécoslovaque. C'était le 5 mai 1945 à midi 30 minutes. La Radio a joué en effet un rôle irremplaçable lors de l'insurrection. A six heures du matin déjà, les premiers mots en tchèque ont retenti de la radio, au lieu de l'allemand qui était de rigueur. Ainsi un signal a été donné aux membres des groupes de la résistance clandestine, en état d'alerte toute la nuit. Les appels réitérés, lancés par la radio, invitaient la police, les soldats ainsi que tout le peuple tchèque à venir en aide à la Radio où le combat avait commencé. Face aux nazis qui contrôlaient le bâtiment de la Radio, armés de grenades et de mitrailleuses, le peuple combattait presque sans armes. Plus de 80 insurgés ont trouvé ainsi la mort dans la lutte pour la Radio, une centaine de combattants ont été grièvement blessés. Le 5 mai au soir, les speakers encourageaient les Pragois sur les barricades, en diffusant "Ma Patrie" de Bedrich Smetana, mais quelques minutes après, la Radio a été bombardée et le personnel a été contraint de se réfugier dans un abri souterrain. Les nazis contrôlaient tous les émetteurs, sauf l'onde révolutionnaire 415 de l'ancien émetteur de Prague - Strasnice. Dans des studios provisoires, les émissions ont continué toute la nuit et toute la journée du 6 mai. Cette nuit du 5 au 6 mai 1945, plus de 1 600 barricades ont été dressées à Prague, plus de 30 000 hommes et femmes défendaient leur ville.
Selon les historiens, dans la phase finale de la guerre, la question de la libération de Prague est devenue l'objet d'une vive licitation politique notamment par la partie soviétique. Stalin, conscient des conséquences politiques de la libération pour l'évolution d'après-guerre de la Tchécoslovaquie, préparait déjà lors des combats pour Berlin l'opération pragoise, après avoir rejeté le projet du général américain Eisenhower de venir en aide à Prague insurgée. Conformément à un accord de Stalin et de Roosevelt, les Américains devaient concentrer leurs opérations sur le territoire allemand et dans la zone des Alpes, alors que les Soviétiques, à 200 km de Prague après la libération de Dresde, devaient aussitôt se déplacer à Prague. Peu importe, dans ces conditions, que les unités de la première armée américaine aient franchi déjà, le 18 avril, la frontière occidentale de la Bohême et que rien ne les ait empêchées de continuer vers Prague, sauf la nécessité de respecter la ligne de démarcation, convenue d'avance entre les directions soviétique et américaine. Entretemps, une chose imprévisible s'est cependant produite: Prague s'est spontanément insurgée contre son occupant. Voici le témoignage d'Antonin Sum. Dans l'insurrection pragoise du 5 mai 1945, un rôle non moins important revient aussi aux troupes du général russe Vlasov, dont les activités ont été passées sous silence pendant le régime communiste. Ces soldats soviétiques, adversaires du régime stalinien, dont la plupart ont été faits prisonniers par l'armée allemande. En tant que tels, ils sont devenus suspects, voire dangereux, aux yeux des autorités soviétiques qui n'ont pas hésité de les condamner à mort. Dans une telle situation, les soldats soviétiques n'avaient d'autres possibilités que de créer en captivité allemande leurs propres unités destinées à opérer contre l'armée rouge. Le 16 février 1945, le général Vlasov a été nommé à leur tête et juste avant la fin de la guerre, ce dernier a offert au Conseil national tchèque l'aide de son groupe lors de la libération de Prague. Les 6 et 7 mai, quelques 18 000 soldats de Vlasov bien armés sont intervenus dans les combats à Prague. Ils ont pris les casernes de Ruzyne, en repoussant les Allemands des quartiers de Zlicin et de Smichov à Prague 5, et ont pénétré jusqu'à la rive droite de la Vltava. Habillés en uniformes allemands, ils étaient, certes, une mauvaise surprise pour les soldats hitlériens. Près de 300 soldats de l'armée Vlasov ont trouvé la mort à Prague. Leur espoir d'échapper aux prisons soviétiques a cependant échoué le 10 mai où les alliés les ont livrés à l'Armée rouge... Les soldats du général Vlasov n'étaient pas les seuls soldats étrangers à avoir aidé l'Insurrection de Prague. On ne sait presque rien d'un petit groupe de soldats français qui sont venus à Prague pour forcer les Allemands à rendre les armes. Le 8 mai 1945, à 16 h, le commandant des armées allemandes, le général Toussaint a signé la capitulation. La situation à l'intérieur de la ville est cependant restée explosive. Plusieurs unités SS opéraient toujours à Prague. A trois heures du matin, le 9 mai, les premiers chars de reconnaissance de l'armée soviétique sont entrés à Prague. La ville saluait les soldats soviétiques et leurs commandants, les généraux Rybalko et Leljusenko, mais ces derniers, par contre, ne manifestaient pas beaucoup d'enthousiasme à l'égard des généraux tchèques qui avaient obligé les Allemands à signer la capitulation à Prague. Selon les Soviétiques, ces généraux tchèques étaient des ennemis de l'Union soviétique de même que tous ceux qui coopéraient avec les troupes Vlasov. Les Soviétiques ne pouvaient pas pardonner aux représentants de la résistance tchèque d'avoir libéré Prague sans aide soviétique. La réaction ne se faisait pas attendre. Après l'arrivée au pouvoir des communistes en 1948, le général tchèque Kutlvasr a été condamné à perpétuité pour haute trahison et deux de ses proches collaborateurs ont été exécutés.Mais revenons à la personnalité du général Toussaint, qu'Antonin Sum a rencontré après la guerre dans la prison de Valdice.