Irena et Vojtěch Havel : faire corps avec la musique
C’est une histoire qui commence par un disque au titre poétique et mystérieux. Little blue nothing. C’est aussi l’histoire de la rencontre de Mathieu Saura, alias Vincent Moon et de deux musiciens tchèques, non moins mystérieux, Irena et Vojtěch Havel. De cette rencontre est né un documentaire.
Irena et Vojtěch Havel sont deux personnages lunaires. Ils sont tchèques, mais semblent sortis de nulle part. Ou plutôt : leur patrie c’est la musique, et leurs instruments de musique ne sont qu’une prolongation presque logique de leur être. Irena et Vojtěch Havel, c’est l’osmose d’une vie dédiée à la musique et c’est ce qui a séduit Vincent Moon, dénicheur de talents inconnus, promoteur d’une musique sans frontières grâce à sa blogothèque et ses ‘concerts à emporter’. De là est née l’idée de faire un film sur ce duo de musiciens tchèques. Vincent Moon :
« Dans ce film, on a essayé le plus possible de s’effacer derrière la rencontre. Je pense que ça les représente assez fidèlement. Il n’y a pas de manipulation de notre part sur le fait qu’ils apparaissent comme des illuminés. Mais ce sont de beaux illuminés, des gens qui vivent entièrement pour ça. Ça me touche vraiment. C’est comme une relation amoureuse avec un instrument. »C’est par l’intermédiaire d’un ami musicien américain, Bryce Dessner, que Vincent Moon a découvert, au début des années 1990, ce couple de musiciens auquel convient plus qu’à tout autres, le terme de ‘bohème’ :
« J’ai rencontré un jour Bryce qui m’a donné ce disque. On ne savait toujours pas qui était derrière ce disque. Il m’a dit que ce disque était comme hanté, qu’il contenait des musiques qui l’avaient énormément touché, sans savoir d’où il venait. Le fait de ne pas savoir de qui il s’agissait donnait une dimension complètement mythique, mystique à cette musique. On a eu, avec mon ami Gaspard, une expérience très forte en écoutant cette musique. On est devenu fascinés par ces sons qui ne se rapportaient à rien précisément. On ne savait même pas de quel pays ça venait ni en quelle langue la chanteuse parlait. On a mené quelques recherches, on a découvert qu’ils venaient de République tchèque et qu’il s’agissait de Vojtěch et Irena Havel. Ca faisait trois ans qu’on voulait faire un film, on ne savait pas quelle forme. C’était censé être un road movie qui traversait l’Europe. Un jour, on s’est dit que ce film ne se ferait jamais si on attendait de l’écrire, ou d’avoir beaucoup de fonds. On est partis et on l’a tourné en quatre jours à Prague. »
Mais à l’heure où le duo américain freak-folk CocoRosie peut se targuer d’un joli succès public, Irena et Vojtěch Havel galèrent toujours dans leur pays. Paradoxalement, c’est donc hors des frontières tchèques qu’ils ont connu un modeste enthousiasme du public, notamment auprès de la scène américaine alternative. C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés à faire la première partie de Sufjan Stevens aux Etats-Unis, alors que pas une personne ne les connaissait. Instrumentale ou avec des paroles, la musique des époux Havel est une musique intimiste et feutrée, parfois étrange, surtout contemplative.
Le documentaire Malé modré nic, Little blue nothing a déjà été présenté deux fois en République tchèque : au dernier festival international de Karlovy Vary, puis quelques semaines après début août à l’Ecole d’été de cinéma d’Uherské Hradistě.