Jaroslav Seifert
Jaroslav Seifert, prix Nobel de littérature en 1984, poète tchèque de génie, traducteur et journaliste remarquable, est l'un des principaux représentants de la poésie prolétarienne et du courant poétique nommé poétisme. Auteur de plusieurs recueils dont la Ville en pleurs, Rien que l'amour, Sur les ondes de TSF (Télégraphe - téléphonie sans fil), la Main et la flamme, Coulage des cloches, Jaroslav Seifert a traduit, entre autres, Les Mamelles de Tirésias, de Guillaume Apollinaire, certains poèmes de Paul Verlaine, les Douze, du poète Aleksandr Blok, principal représentant du symbolisme russe.
Jaroslav Seifert grandit à Zizkov, quartier populaire de Prague, où il est né, le 23 septembre 1901, dans une famille ouvrière. Peu doué pour les mathématiques, il ne termine pas ses études secondaires, mais entre, par contre, assez rapidement dans le milieu littéraire. A dix-neuf ans, il écrit des poèmes et des articles sur la littérature, l'art, le théâtre et des feuilletons pour le journal Les Droits du peuple (Prava lidu). Le jeune poète écrit également pour des revues et journaux anarchistes et radicaux. A vingt ans, Jaroslav Seifert sort son premier recueil de poèmes intitulé La ville en pleurs (Mesto v slzach). Passionné par les idées révolutionnaires, il entre à la rédaction du quotidien Le Droit rouge (Rude pravo), tout en travaillant pour d'autres journaux de gauche comme L'Egalité (Rovnost). Durant cette période, il fait la connaissance de sa future femme qu'il rencontre dans un café de Prague, lieu de vie mondaine à l'époque. De deux ans son aînée, elle arrive à Prague à dix-huit ans, en provenance de Jicin, ville pittoresque de Bohême du sud. La capitale l'attire pour ses multiples possibilités de divertissement culturel. Eduquée dans un style plutôt bourgeois, elle croit à l'amour fatal. Elle adorera son mari, sa poésie, mais tous deux de caractère différent, elle ne vivra pas forcément toujours des moments heureux. Jusqu'à la fin de leurs vies, n lien fort fera toutefois résister cette union à l'usure du temps.
En 1925, le poète fait un voyage en France et en Suisse. Les deux pays l'enchanteront. A son retour, il écrit Sur les ondes de TSF - Télégraphe - téléphonie sans fil (Na vlnach TSF), un témoignage de son séjour en France sous forme de journal lyrique. En l'espace de quatre ans, il publie les recueils Le rossignol chante mal (Slavik zpiva spatne) et Le pigeon voyageur (Postovni holub). Les trois recueils sont écrits dans le style nouveau courant poétique, le poétisme. On sent une légère influence du style de Guillaume Apollinaire. En 1929, Jaroslav Seifert fait partie des sept écrivains renommés qui signent une déclaration dans laquelle ils affirment leur désaccord avec les nouveaux dirigeants du Parti communiste. Ce geste lui vaut, ainsi qu'à Ivan Olbracht, Ladislav Vancura, Josef Hora et d'autres, une radiation du parti auquel, d'ailleurs, il n'adhérera plus jamais. Le nom de Seifert disparaît de la presse de gauche. Au début des années trente, le poète fait partie de la rédaction du Journal du matin (Ranni noviny), quotidien social-démocrate. Dans les années trente, il publie les recueils La pomme du giron (Jablko z klina), Les mains de Vénus (Ruce Venusiny), dans lesquels le poète évoque des souvenirs d'enfance et des amours de jeunesse.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jaroslav Seifert publie des recueils reflétant le sentiment d'oppression du peuple tchèque, sa peur, son désespoir... Si l'on évoque quelques vers du recueil Le casque remplit de terre (Prilba hliny) - Le voilà, il arrive le mort. La casquette dans les mains, une rose presque fanée sur son coeur, on ressent bien une douleur presque poignante au fond du coeur, une tristesse pour les vies gâchées. En mai 1945, Jaroslav Seifert travaille à la rédaction du journal Práce (Travail). Puis, pendant trois ans, il se consacre en priorité à la rédaction du mensuel littéraire Kytice. Après le coup d'Etat de 1948, Jaroslav Seifert et le poète Vladimir Holan font partie des indésirables. Ils sont en désaccord avec la politique de Staline et expriment clairement leur mépris pour le sinistre personnage. Ce n'est qu'au début des années cinquante que le remarquable poète publie La chanson sur Viktorka (Pisen o Viktorce) dans laquelle il établit un parallèle entre le destin tragique de Viktorka et celui de Bozena Nemcova, célèbre femme écrivain tchèque du XIXe siècle. Abandonnée par son amant, Viktorka, une jolie jeune femme, sombre dans la folie et jette l'enfant dont elle accouche dans une rivière. Le destin turbulent, suivi du changement et du drame de Bozena Nemcova, ressemble en quelque sorte à celui de Viktorka. Mais ce poème remarquable ne plaît pas aux dirigeants communistes. Pendant quelques années, Jaroslav Seifert n'est pas autorisé à publier ses oeuvres. Ce n'est que quatre ans plus tard qu'il publie le recueil Maman (Maminka), consacré, comme son titre l'indique, à sa mère. Les différents poèmes possèdent une telle douceur, reflètent un amour si pur et si tendre, que l'on imagine bien le sentiment noble que Jaroslav Seifert entretenait pour sa mère. Puis le poète tombe gravement malade et se retire. Il ne revient sur la scène littéraire que dans les années soixante et publie encore deux ou trois recueils.
En 1968, Jaroslav Seifert exprime ouvertement son désaccord avec l'invasion des armées soviétiques. Un an plus tard, il est nommé président de l'Association des écrivains tchèques, dissoute une douzaine de mois plus tard. Et l'histoire se répète encore ! Dans les années soixante-dix, le grand poète n'est autorisé à publier que des rééditions. En 1977, il fait partie des signataires de la Charte 77. Dès lors, les relations entre Seifert et le régime communiste seront toujours tendues. Les recueils de Jaroslav Seifert, comme Le parapluie de Piccadilly (Destnik z Piccadilly) et Colonne de peste (Morovy sloup), sont publiés à Munich et à Cologne. En 1982, le poète publie un livre de souvenirs, Toutes les beautés du monde (Vsechny krasy sveta), son ultime oeuvre.
En 1984, Jaroslav Seifert est proposé par Roman Jakobson comme candidat au prix Nobel. Malheureusement, le poète est gravement malade et n'est pas en mesure de se déplacer à Stockholm. C'est donc sa fille, accompagnée de son frère, qui s'y rend. Il est à préciser que, là-encore, le gouvernement de l'époque posait des difficultés au départ des enfants de Seifert. Ils ne sont autorisés à partir qu'après l'intervention de l'ambassade de Suède. Jaroslav Seifert, poète qui préférait écrire à l'aube ou dans la matinée, s'est éteint le 10 janvier 1986, à Prague.