Jenufa, l'oeuvre majeure de Leos Janacek dans une nouvelle production du Théâtre national

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Jenufa, opéra de Leos Janacek, revient sur la scène du Théâtre national de Prague. La première de cette nouvelle production a eu lieu dimanche 11 septembre. C'est le Théâtre national de Prague qui a lancé, en 1916, ce chef d'oeuvre d'art lyrique. Pourtant, la première mondiale de Jenufa avait eu lieu à Brno dès 1904, mais le langage hardi et le style novateur de ce drame musical allaient décourager pour longtemps les directeurs de théâtre et les chefs d'orchestre. Aujourd'hui Jenufa, chanté en tchèque ou plus précisément en dialecte de Slovaquie morave, déclenche l'enthousiasme des publics de quatre continents.

C'est déjà la douzième fois que le Théâtre national met en scène cette oeuvre, en coproduction cette fois-ci avec l'Opéra irlandais de Dublin et l'Opéra national de Lituanie de Riga. En tchèque l'opéra s'appelle Jeji pastorkyna - Sa belle-fille - titre jugé trop compliqué pour le public international. Jenufa, une jeune fille morave de la fin du XIXe siècle, est victime des préjugés de son entourage et des prétentions de sa belle-mère, qui pour sauver les apparences va jusqu'à tuer l'enfant naturel de sa belle-fille. Ce sujet scabreux, tiré d'une excellente pièce de théâtre de la dramaturge Gabriela Preissova, est magnifié par la musique de Janacek qui lui donne la portée d'une tragédie antique.

Le metteur en scène Jiri Nekvasil et le scénographe Daniel Dvorak, auteurs de la présente production du Théâtre national, ont procédé à une relecture moderne du vieux drame. Seuls quelques détails symboliques sur une scène dépouillée rappellent que l'histoire se passe devant un moulin ou dans une maison de campagne. Les personnages du drame évoluent dans une atmosphère tendue que les effets de lumière agressifs rendent angoissante et presque insupportable. La mise en scène n'arrive pas cependant à créer des rapports crédibles entre les personnages, et les quelques trouvailles scéniques spectaculaires ne sont pas toujours profitables à la cohésion dramatique de l'opéra.

Reste la musique de Janacek, très bien servie par un des meilleurs chefs d'orchestre tchèques du moment, Jiri Kout, et quelques chanteurs de renommée internationale. Le ténor Stefan Margita a donné au personnage de Laca une voix presque trop belle pour ce rôle, plus convaincante dans les moments de tendresse que dans les scènes de conflits. Mais c'est Eva Urbanova, dans le rôle de la Sacristine, belle mère de Jenufa, qui réussit à donner à sa prestation un véritable poids dramatique. Sa voix exceptionnelle, tantôt opulente et tantôt réduite à la limite de l'audibilité, lui permet de sonder les abîmes psychologiques et de faire surgir la vérité tragique de son personnage.