Jindrichovice pod Smrkem - un village écologique
Jindrichovice pod Smrkem est un petit village situé dans la région de Frydlant, en Bohême du nord, dans la zone limitrophe tchéco-allemande. Beaucoup de communes pourraient prendre exemple sur Jindrichovice pod Smrkem car il a quelque chose qui le différencie des autres villages de la même taille. Il a en effet réussi à réaliser un rêve inhabituel : devenir indépendant en approvisionnement d'énergie. Astrid Hofmanova vous présentera non seulement le village mais aussi et surtout ses habitants auxquels ce dernier doit son essor.
Jindrichovice pod Smrkem ne compte que 600 habitants, les maisons y sont plutôt délabrées, les rues désertiques et aucun magasin d'alimentation n'existe... On dirait une commune oubliée de Dieu. Le calme n'est perturbé que par les chants des oiseaux et le bruit de la moto du maire de la commune, à qui le village doit toute cette initiative et qui est la cible de notre visite. Nous sommes trois femmes journalistes et nous sommes curieuses de connaître ce jeune homme sympathique habillé de cuir noir qui descend de son engin.
L'ingénieur Petr Pavek, qui est maire de Jindrichovice depuis cinq ans déjà, est l'auteur de la conception de l'indépendance énergétique du village, idée qui s'inscrit dans le projet de développement durable. Mais laissons parler l'ingénieur Pavek :
« L'idée de s'occuper de la politique énergétique du village nous est venue au moment où nous avons appris que l'on n'installerait jamais le gaz dans notre village. Nous avons réuni l'argent pour faire élaborer une étude sur l'indépendance énergétique sur la base des sources renouvelables. Notre objectif principal n'était pas l'indépendance énergétique mais la relance d'une agriculture agonisante et la création d'emplois. Au départ, les spécialistes étaient assez sceptiques mais ils ont fini par constater que c'était réalisable. Notre source est la masse biologique : déchets de bois, restes de blé, l'herbe, mais aussi des déchets d'origine animale: fumier, lisier... Tout cela contient de l'énergie dont on peut profiter. L'étude portait aussi sur l'exploitation de l'énergie éolienne, dont le résultat sont deux éoliennes mises en service au bout de trois ans. Et quelle a été la réaction des habitants du village? Ils considéraient nos activités comme une lutte contre des moulins à vent mais aujourd'hui, ils sont fiers d'avoir pu assister à un tel projet. »
Concernant les deux éoliennes, leur revenu annuel est estimé à 9 millions de couronnes. Elles approvisionnent en électricité les entreprises locales pour lesquelles l'énergie devient beaucoup moins chère. Mais les éoliennes ne sont pas l'unique projet que le maire Pavek a réussi à réaliser dans le village. Depuis deux ans, une chaufferie alimentée par des combustibles écologiques assure également l'approvisionnement du village en énergie. Pavek :
« La chaufferie alimente en énergie cinq bâtiments, dont l'école et la bibliothèque. C'est un grand apport pour le village non seulement du point de vue écologique, car on a abandonné le chauffage au charbon, mais aussi sur le plan de l'emploi. Cette région, en effet, souffre d'un taux de chômage très élevé. Le complexe agro-énergétique emploie désormais environ quarante personnes, ce qui n'est pas un nombre négligeable dans une région qui ne compte qu'environ 1500 habitants et possède un taux de chômage de 20%. Puis, on a aussi un client, la Maison de retraite, qui nous paie. Cet argent nous permet de couvrir le service ainsi que de rembourser le crédit. Et on épargne encore... »
Dans le village de Jindrichovice, il y a encore l'association civique Lunaria fondée, il y a quelques années, par les époux Vlk. En voulant vivre en harmonie avec la nature, les époux Vlk ont décidé de quitter la ville voilà cinq ans. Ils ont racheté à Jindrichovice une ferme dans un état délabré.
Nous entrons dans un petit moulin que Zbynek Vlk a reconstruit, mais pas seulement pour moudre du blé...
« Nous voulons être indépendants dans notre vie. Tous ce dont nous avons besoin pour vivre, nous le produisons nous-mêmes. Le reste, nous l'échangeons contre nos produits ou l'achetons dans des magasins. Mais nos achats sont très limités. Nous ne mangeons pratiquement que ce que nous cultivons dans notre jardin. Nous n'avons pas de télévision et nous gagnons notre vie en vendant nos produits biologiques. Il y a peu, nous avons remis en état, près de notre maison, un moulin historique. Nous l'utilisons non seulement pour moudre mais aussi pour fabriquer de l'énergie qui charge des accumulateurs et fait marcher la scierie locale. L'intérieur du moulin abrite une exposition de photographies présentant tous les moulins et petits moulins conservés en République tchèque. Nous y organisons aussi des cours d'anciens métiers... »
J'ai voulu savoir ce qui a conduit Zbynek à abandonner sa vie de citadin.
« J'ai grandi à Straz nad Nisou, un petit village pas loin d'ici. Je peux donc dire que j'ai toujours mené une vie de campagnard. Il est vrai que je me sens parfois comme Don Quijote en train de lutter contre les moulins à vent. C'est peut-être pour cela que l'on a notre moulin... Mais ce qui est important, c'est que nous pouvons mener notre propre vie indépendamment tout en étant convaincus que notre effort n'est pas dépourvu de sens... »