Jiří Strach : « Je suis persuadé que par le biais des films, il est possible de redonner de l’espoir »

Jiří Strach, photo: Kristýna Maková

Jiří Strach fait indubitablement partie des réalisateurs les plus talentueux et les plus prolifiques de sa génération. Au micro de Radio Prague, Jiří Strach, est revenu sur son dernier film « Osmy » - « Les dents de sagesse », actuellement en post-production, ainsi que sur d’autres sujets entourant le métier de réalisateur et de la façon de faire les films.

Jiří Strach,  photo: Kristýna Maková
Né en 1973, Jiří Strach apparait dès l’âge de neuf ans, dans un grand nombre de rôles de cinéma, et se fait petit à petit connaître du grand public. Depuis, Jiří Strach est apparu dans plus d’une cinquantaine de films, mais c’est vers le métier de réalisateur que son cœur a penché. Il réalise son premier moyen-métrage en 1995 (Klekání zvoníme), qui évoque les péripéties d’un jeune animateur de radio dans un petit village en 1989. Jiří Strach se consacre pleinement à la réalisation de films après la fin de ses études à la FAMU, Académie du film de Prague. Jusqu’à présent, il a réalisé deux court-métrages, quatre moyens métrages et vingt-et-un long-métrages, dont dix-neuf films télévisés et deux films destinés à passer sur grand écran. Jiří Strach, nous a révélé plus de détails sur le dernier d’entre eux, qui s’intitule « Osmy » - « Les dents de sagesse », et qui doit paraitre sur petit écran cet automne. Jiří Strach :

« J’aime énormément cette histoire parce qu’elle parle d’un gars qui, lors d’une fête au travail, signe la Charte 77 complètement ivre. Le lendemain, il a trou noir, il ne s’en souvient plus. Et ce n’est qu’une fois que des agents de la police secrète commencent à tourner autour de lui, et qu’on le licencie de son travail, qu’il allume la radio Svobodná Evropa (Free Europe), où il entend son nom. C’est à ce moment-là qu’il se rend compte du pétrin dans lequel il se trouve. Et comme le veut un peu le caractère ‘Švejk’ tchèque, il essaie de s’en sortir comme il peut. C’est en quelque sorte une agréable comédie de normalisation. Ce ne serait pas un héros de film, s’il n’avait toutefois pas trouvé dans ce tempérament tchèque, dans ce tempérament de ‘Švejk’, une certaine attitude morale et éthique, une audace, un surpassement de la peur, souvent présent dans notre caractère. »

Tournage du film « Osmy »,  photo: Jef Kratochvil,  CT Brno
Le scénario du film « Osmy » étant été écrit par Marek Epstein, Jiří Strach évoque la collaboration avec ce jeune scénariste, avec lequel il a travaillé à plusieurs reprises déjà, et ce notamment sur les films « BrainStorm », « Les rides de l’amour » (Vrásky z lásky) ou « L’heureux malchanceux » (Šťastný smolař). Ayant obtenu deux Lions tchèques (analogie du César français) pour le scénario des films « Václav » et « Ve stínu », Marek Espstein est considéré comme très doué dans son milieu, et Jiří Strach n’a pas manqué d’éloge à son égard.

« Je considère Marek Epstein comme un des auteurs les plus talentueux de sa génération. En tant que réalisateur qui n’aime pas écrire ses propres scénarios, je serais décidément extrêmement idiot de passer à côté de ce talent ou de ne pas le remarquer. Si mon compte est bon je crois que le film « Osmy » est le quatrième film que l’on fait ensemble avec Marek. J’aime énormément collaborer avec lui, parce que, je crois, qu’humainement nous nous entendons très bien et que nous avons souvent le même regard sur certaines choses. Nous avons un humour similaire. Par exemple, j’aime énormément les dialogues qu’il écrit. Lorsque je tourne un film d’après le scénario de Marek, je n’y change pratiquement rien. Et vous savez, pour un réalisateur, c’est un pur bonheur que de trouver des gens aussi talentueux. Nous sommes un petit pays, nous avons seulement dix millions d’habitants, et des gens aussi talentueux, que Marek Epstein, nous n’en avons vraiment pas beaucoup. »

Marek Epstein,  photo: CT
Si faire des films est bien un travail de groupe, Jiří Strach évoque la collaboration avec Marek Epstein quand il s’agit de faire avancer le projet et d’apporter des modifications au scénario :

« Beaucoup d’auteurs, lorsqu’ils écrivent la première version de leur scénario, et que la deuxième et la troisième versions apparaissent par la suite, alors les modifications apportées y sont minimes. Les scénaristes veulent remplir les exigences des réalisateurs, mais en même temps, ils ne veulent pas perdre le texte qu’ils ont écrit. Donc, c’est souvent un peu comme une sorte de bataille. Mais lorsque vous fixez un quelconque objectif à Marek Epstein, alors il est vraiment capable, non pas de réécrire le texte, mais de le repenser. Par exemple, pour le film « Les rides de l’amour » (Vrásky z lásky), la différence entre la première et la deuxième version est incroyable, ce sont deux versions de film diamétralement opposées. Donc je crois que c’est aussi le zèle, le goût du travail, la concentration et l’exactitude de Marek qui me conviennent. »

Tout comme le scénariste, Jiří Strach aime voir ses acteurs réfléchir, et ainsi apporter de nouvelles idées et leurs propres points de vue.Il aime également se faire respecter en tant que réalisateur, considéré comme un arbitre de jeu. Jiří Strach a également cette chance de pouvoir travailler dans pratiquement toutes ses productions avec des acteurs de renom, qu’ils jouent des rôles principaux ou des seconds rôles. Jiří Strach nous explique ce choix :

Radoslav Brzobohatý et Jiřina Bohdalová dans « Les rides de l’amour »  (Vrásky z lásky),  photo: BUC-FILM
« Ceux qui connaissent ma filmographie ou qui ont vu certains de mes films, seront d’accord avec moi pour dire, que je suis principalement un réalisateur de ‘films à acteurs’. Et un ‘film à acteurs’, ne peut être réalisé qu’avec des acteurs de ‘première ligue’. De même, si vous mettez dans des rôles principaux, des acteurs absolument géniaux, comme Ivan Trojan, Jiřina Bohdalová, ou Josef Somr, alors les seconds rôles doivent être interprétés avec cette même qualité. C’est pourquoi j’essaie toujours de persuader certains excellents acteurs, qui apparaissent normalement dans des rôles principaux, d’accepter des petits rôles dans mes films. Et j’en suis très reconnaissant. Vous savez, c’est un peu comme le football. Si vous placez en attaque Messi sur le terrain, aux côtés d’un passeur de seconde division, alors cette équipe ne va très probablement pas mettre de but. Et même avec un Messi en tête d’équipe. »

Selon ses propres paroles, Jiří Strach divise l’art en deux groupes : d’un côté, il y a l’art qui tente de transporter le spectateur vers une autre sphère, un autre monde, et d’un autre côté, il y a l’art qui montre la réalité telle quelle et même parfois l’image d’une vie plus dure. Jiří Strach, qui est un fervent partisan du premier groupe, veut transmettre à travers ses films un message d’optimisme, d’espoir et d’amour, pour montrer et rappeler sans cesse, que la vie peut être bien plus belle qu’elle ne l’est de façon habituelle.

Jiří Strach,  photo: CT
« Je dois avouer que je ne suis pas très ancré dans tel ou tel genre de cinéma, et en même temps je suis content de cela. Car j’aime toucher à tout, que ce soit à la fois à des contes pour enfants, à des films dramatiques de guerre, ou même, qui sait, à la science-fiction, pour retourner par un autre conte. Ce que j’apprécie énormément ce sont des scénarios, des histoires de qualité. Le scénario que je lis doit avoir en soi un récit puissant, impliquant des sujets forts. Si je reviens sur mon travail, et que je devrais caractériser avec un seul mot le thème principal de mes films, et même de mes efforts et orientations personnels, alors je crois bien que ce serait le mot ‘espoir’. Le mot ‘espoir’ est un mot magnifique. Je crois bien que de nos jours, dans ce monde accéléré, les gens ont tendance à l'oublier. C’est pourquoi je suis persuadé que par le biais des films, il est possible de leur redonner cet espoir. »

Le genre de films que Jiří Strach, lui-même souvent surnommé par ses collègues « le réalisateur gentil », produit est donc très éclectique. Il a également réalisé quatre contes, dont « L’Ange du Seigneur » (Anděl páně) datant de 2005, et qui avait accueilli à l’époque près d’un million de spectateurs en salles, et qui est déjà devenu un film culte pour la période de Noël. Même si Jiří Strach est persuadé qu’il n’existe aucune recette précise pour réaliser des contes joués de qualité, il a néanmoins évoqué les quelques ingrédients qui ne devraient pas être délaissés.

Jiří Dvořák et Ivan Trojan dans « L’Ange du Seigneur »  (Anděl páně),  photo: CT
« Il doit y avoir un humour de qualité, et non pas seulement un humour d’enfant, parce que de nos jours, les contes ne sont pas uniquement des contes destinés aux enfants ou pour une catégorie bien ciblée d’enfants de 3 à 8 ans. C’est un film pour toute la famille, donc il doit y avoir des blagues à la fois pour les enfants et pour les adultes. Puis il doit également y avoir une certaine dimension romantique. Et enfin, une histoire puissante qui se poursuit tout au long du film. Je crois qu’avec ces condiments de base, il est possible de cuisiner un coca-cola féerique. (rires). »

Jiří Strach a déjà l’ambition de se lancer dans son prochain film, qui sera l’adaptation d’un des contes tchèques les plus traditionnels « Le Long, le Large et le Lucide » (Krátký, Široký a Bystrozraký). Mais fidèle à son hyperactivité, liée non seulement à son métier de réalisateur mais aussi à celui d’acteur, Jiří Strach a également évoqué la possible adaptation sur grand écran du deuxième roman de Miloš Urban, « Les sept églises» (Sedmikostelí ) datant de 1998. Les faits du roman se déroulent dans le quartier pragois de la Nouvelle Ville (Nové město), et principalement dans l’aire incluant six églises gothiques, à savoir Karlov, le cloîte d’Emmaüs, l’église Saint-Apollinaire, l’église Sainte-Catherine, l’église Saint-Etienne et l’église de l’Annonciation de la Vierge, ainsi que la chapelle du Corps du Christ sur la place Charles, démolie depuis. Jiří Strach nous en a dévoilé plus à propos de ce projet :

‘Les sept églises’,  photo: ARGO
« Le projet ‘Sedmikostelí’ – ‘Les sept églises’ est en quelque sorte pour moi un projet qui reste toujours d’actualité. Avec mon collègue, Honza Matlach nous avons acheté les droits d’auteur à Miloš Urban, il y près de dix ou douze ans. Je ne crois pas que nous allons le tourner cette année, mais je rêve toujours de le réaliser. Car même si c’est une histoire qui se déroule à notre époque, le film aura besoin de stylisation spécifique, et il ne pourra pas être réalisé à budget réduit. Ce qui est dû au fait, qu’il se déroule entièrement à Prague. Peut-être que Jiří Strach va devoir se rendre un petit peu plus célèbre, afin qu’il ait un nom de confiance et plus crédible pour les producteurs et sponsors (rires). Donc ‘Les sept églises’ sont en fil d’attente. Mais ce roman de Miloš Urban est tellement brillant qu’il serait dommage d’en précipiter l’adaptation au cinéma avec impatience. Mais je suis quelqu’un de très patient, je peux attendre très longtemps. D’un autre côté, Miloš Urban, avait récemment dit que les plus beaux rêves sont ceux qui ne se réalisent jamais. Alors Dieu seul sait si je réaliserai un jour ou pas ‘Les sept églises’. »

Il ne nous reste plus qu’à souhaiter à Jiří Strach bon courage pour les projets cinématographiques à venir.