Jiří Suchý et Jiří Šlitr, un duo immortel

Jiří Suchý y Jiří Šlitr, foto: Archivo de ČRo

On est dimanche et nous avons plein de temps. Le dimanche n’est pas nécessairement mauvais, désert et gris, car, comme toutes les fins de semaine, nous vous proposons un entracte musical. Cette fois-ci, nous retournons dans les années à la fois grises et bariolées des années 1960, avec un duo tchèque au charme irrésistible et atemporel. Jiří Suchý et Jiří Šlitr.

Jiří Suchý et Jiří Šlitr,  photo: Archives de ČRo
J. S. et J.Š., telles sont les initiales quasi similaires de ces deux incontournables artistes, poètes, musiciens et auteur interprètes tchèques. Connus du grand public depuis des décennies déjà. Deux innovateurs de la chanson tchèque au même prénom, qui ont su imprégner un air personnel et original à la musique des années 1960. C’est le mélange de ces deux énormes talents qui a fait le génie de ces deux musiciens ; un mélange qui a donné naissance à une complémentarité musicale et une cohésion artistique presque parfaite

Les mélodies de Jiří Šlitr et les paroles de Jiří Suchý incarnaient un souffle salvateur pour l’époque. Si le premier composait, le second écrivait. Car parmi toutes les chansons créées par le duo, les paroles ont été écrites par Jiří Suchý, et les musiques composées par Jiří Šlitr. A part la chanson « Pramínek vlasů » (« La mèche de cheveux »), écoutée au début de notre émission, entièrement composée et écrite par Jiří Suchý.

La touche d’humour et d’intelligence proche des gens, a rendu possible l’acceptation de cette œuvre musicale. Pratiquement toutes les chansons ont séduit les spectateurs grâce à leur mélodie et la simplicité des sujets évoqués. Si une chanson évoque l’achat d’un cordon de lin, qui pourra peut-être servir un jour, une autre se veut être la parodie de la chanson américaine Oh My Darling Clementine, interprété au Récital de 1964 par Jiří Šlitr, en russe déformé ; une chanson qui sera par la suite coupé au montage.

Photo: AXEL Schindler
En 1947, Jiří Suchý commence à travailler comme graphiste dans des studios de publicités, où il fait la connaissance des époux Sodoma, qui présentaient à leurs collègues des reprises de chansons de la radio occidentale. De temps à autre, ces musiciens se donnaient rendez-vous au club de musique Reduta, un club de jazz pragois désormais mythique. Et c’est ici même, que Suchý fait la connaissance en 1957 de Jiří Šlitr. Deux ans plus tard, ils fondent le théâtre Semafor, et s’inscrivent inconsciemment, dans l’esprit du public comme un duo d’artistes immortels. Avec la création de Semafor et de leurs comédies de music-hall, ils influenceront la musique et le théâtre des années 1960 avec leur manière leur manière d’interpréter, leur manière de surjouer. Comme si il n’y avait rien de plus naturel au monde. Et c’est bien là que réside le charme de ce duo qui a inauguré l’ère des petites scènes théâtrales.

À une époque, où être différent n’était pas forcément bien vu, ils ont su participer à la formation d’une nouvelle société culturelle tchèque, en ayant su communiquer avec le public.

Photo: Supraphon
Si Šlitr a toujours cultivé un penchant pour le côté amateur, tout en solidifiant son autodidactie musicale, Suchý fut bien celui qui interprétait le plus souvent leurs pensées communes par le chant. En interprétant des poèmes avec un visage de pierre pour tomber volontairement dans le burlesque, Šlitr pouvait éclipser avec son attitude de clown immobile, son partenaire, non moins talentueux. Paradoxalement, si les deux artistes ne se ressemblaient pas, ils se complétaient. La preuve : leur coopération artistique a duré plus d’une dizaine d’années.

Jitka Molavcová,  Jiří Šlitr,  Jiří Suchý,  photo: Semafor
La mort tragique et inattendue de Šlitr, et entourée de mystère, le 26 décembre 1969 a bouleversé le monde artistique entier. Elle a eu pour conséquence une fin temporelle du théâtre Semafor, qui a été rejoint en 1970 par la chanteuse Jitka Molavcová et qui continue d’accueillir un large public.

Suchý a récemment écrit dans sa note de directeur annonçant la saison automnale 2013 du théâtre Semafor : « L’humour ne doit pas faner et ne doit pas manquer, si c’était le cas, ce serait une trahison des idéaux sur lesquels ce théâtre-clown est construit. » Et d’ajouter : « J’ai déjà écrit une sorte d’esquisse d’une comédie musicale, mais je vais la laisser mûrir un peu, pour la dévoiler au printemps 2014 ». L’énergie n’est vraiment pas ce qui manque au plus connu des chansonniers qui fête ses 82 ans en octobre.