Josef Mysliveček : le divin inspirateur de Mozart

Photo: Michal Adamovský / Facebook de Collegium 1704

La grande salle du Rudolfinum a accueilli, ce mardi 18 mars, les plus grandes vedettes – auteurs et interprètes – de l’opéra baroque. L’ensemble Collegium 1704, placé sous la baguette du pétillant Václav Luks, et la ravissante mezzo-soprano américaine Vivica Genaux ont présenté notamment les œuvres de Josef Mysliveček. Le concert se tenait en clôture d’un colloque international entièrement consacré à ce compositeur surnommé ‘Il divino Boemo’ (le Tchèque divin). Admiré par Mozart lui-même, Mysliveček a longtemps été négligé, et le regain d’intérêt de la part des spécialistes, musiciens et maisons d’éditions, n’a été amorcé que très récemment.

Daniel Freeman,  photo: Soňa Jarošová
C’est à l’Ambassade de France et à l’Institut italien que s’est tenue, cette semaine, la première conférence internationale sur le personnage et l’œuvre de Josef Mysliveček (1737-1781). La manifestation était organisée par le nouvellement fondé Institut Mysliveček pour l’art du XVIIIe siècle. Musicologue de l’Université de Hradec Králové, Stanislav Bohadlo commente les différentes initiatives scientifiques et artistiques, entre autres la première biographie du compositeur publiée en 2009 par l’universitaire américain Daniel Freeman :

« Ce qui est important, c’est cette approche paneuropéenne, mondiale. Les chercheurs tchèques introduisaient inévitablement dans leurs travaux une espèce de nationalisme exacerbé, ce qui, au final, a été contreproductif d’un point de vue scientifique. C’est pourquoi il est bien mieux que ce soit un chercheur Américain qui écrive que Mysliveček est un personnage-clé de la musique du XVIIIe siècle et donne des exemples concrets de son influence sur Mozart notamment. »

Mélanie Traversier et Stanislav Bohadlo,  photo: Soňa Jarošová
Spécialiste de l’histoire de l’opéra à Naples au XVIIIe siècle Mélanie Traversier s’est exprimée pour sa part sur la redécouverte de Josef Mysliveček en France :

« Pour ce qui est de son rayonnement en France, Mysliveček y est encore presque complètement ignoré. C’est grâce à la recréation de l’Olimpiade l’année dernière à Caen et à Dijon, que l’on commence de nouveau à s’intéresser à lui. Je dois dire aussi que ce spectacle a eu un énorme succès critique, donc j’espère que ce sera l’occasion, pour le public français, de découvrir d’autres œuvres créées sur scène et aussi à réenregistrer. »

Cette nouvelle mise en scène, (sélectionnée pour le prestigieux festival Opera Awards au Royaume-Uni en avril prochain), fruit d’une co-production des maisons d’opéra de Prague, Dijon, Caen et Luxembourg, a fait l’objet d’un film documentaire de Petr Václav, jeune cinéaste tchèque installé en France. Le réalisateur évoque son nouveau projet, un film entièrement dédié à Josef Mysliveček :

Václav Luks et Petr Václav,  photo: Soňa Jarošová
« C’est un projet de long métrage que j’ai écrit grâce à l’Académie de France à Rome. J’ai été pensionnaire à la Villa Medici où j’ai mené de nombreuses recherches concernant cet auteur certes d’origine pragois mais qui s’est exilé en Italie. Au bout de quatre ans de séjour à Venise et à Florence, il a fait une carrière énorme et écrit pour Naples, pour les plus grandes maisons d’opéra en Italie des années 70 du XVIIIe siècle. Josef Mysliveček est devenu un inspirateur et un ami de Mozart. Mozart avait 14 ans et Mysliveček 30 lorsqu’ils se sont rencontrés. Mais comme il était syphilitique, il est mort prématurément à 44 ans, à Rome. Mon film porte donc sur cet homme, sur son œuvre et sur sa musique. »

La conférence a été symboliquement couronnée par un concert intitulé ‘Il divino Bohemo’, ouvrant la deuxième saison du cycle très apprécié « Hvězdy barokní opery » (Etoiles de l’opéra baroque), qui est une initiative conjointe de la philharmonie tchèque et de l’ensemble baroque de renommée mondiale Collegium 1704. Son fondateur et chef d’orchestre Václav Luks nous a présenté le programme de ce premier concert qui, quelques heures plus tard, s’est achevé sur une ovation debout d’un Rudolfinum comble et enchanté :

Photo: Michal Adamovský / Facebook de Collegium 1704
« Nous avons pu accueillir la cantatrice Vivica Genaux, une des plus grandes célébrités de mezzo-soprano colorature. Nous avons préparé un programme d’opéra italien de la seconde moitié du XVIIIe siècle en nous focalisant sur les œuvres de Josef Mysliveček, mais aussi de Christoph Wilibald Gluck, un autre compositeur dont la vie était fortement liée aux Pays tchèques. La confrontation de ces deux compositeurs forme la base de notre programme, le tout étant complété par la musique de W.A. Mozart, qui est la figure de liaison entre ces deux personnalités. »

Collegium 1704 poursuivra le cycle avec un concert de Pâques le 15 avril avec la Passion selon saint Matthieu de Jean Sebastien Bach.