Karlovy Vary : "Un des festivals que je préfère dans le monde"
Retour aujourd'hui sur le festival international du film de Karlovy Vary, qui s'est terminé samedi dernier avec la remise des prestigieux globes de cristal. C'est avec un habitué des festivals consacrés au septième art dans le monde entier que nous parlons aujourd'hui de Karlovy Vary. Atahualpa Lichy est un cinéaste vénézuélien installé à Paris et qui parcours le monde, mais qui revient toujours au moins une fois par an dans la station thermale de l'Ouest de la Bohême pour son festival:
« Cela fait de nombreuses années que je viens à Karlovy Vary, pour ce festival qui, il y a quelques années, était un peu en chute. C'est formidable parce qu'on a tout de suite vu que c'était un festival qui se reprenait et qui avait du potentiel. Pour moi maintenant c'est un des festivals que je préfère dans le monde, et j'en fais beaucoup puisque c'est mon métier. C'est un de ceux que j'aime le plus, pas uniquement à cause de la ville qui est superbe. Il y a ici une sélection rigoureuse et une variété de films pour tous les goûts. On peut rencontrer des gens : c'est un très grand festival mais où on peut encore parler avec des gens, quelle que soit leur notoriété. Je crois que c'est ce qui fait le charme de ce festival, avec son côté professionnel. Tous les gens qui viennent ressentent la même chose, et je crois que l'on doit beaucoup à l'équipe dirigeante, Eva est quelqu'un d'extraordinaire... »
Eva Zaoralova, la directrice artistique du festival
« C'est une personne extraordinaire. Je l'ai vu travailler, ici et à l'étranger, et c'est formidable d'avoir une directrice artistique comme elle. »
"Si je devais comparer le festival de Karlovy Vary, ce serait avec celui de Sans Sebastian"
Sur quels festivals avez-vous travaillé et avec lequel pourriez-vous comparer Karlovy Vary - un festival de catégorie A qui ne peut lutter avec Cannes, Venise ou Berlin mais qui a sa place - ?
« Je suis réalisateur et aussi directeur, programmateur ou conseiller pour certains festivals. J'ai fait partie de l'équipe qui a créé la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, j'ai relancé le festival de Mar del Plata en Argentine, dirigé celui de Cartagena de Indias en Colombie, ai été correspondant du Festival de Moscou pour l'Amérique latine, etc. Disons que j'ai une certaine expérience des festivals, et c'est vrai que quand on parle de festivals on parle de ceux de catégorie A, où les films en compétition doivent être inédits. C'est difficile parce que des films inédits il n'y en a pas tellement, et c'est vrai que la date de Karlovy Vary est un peu prise en tenailles entre Cannes et Venise. Les dates ne sont pas idéales, mais avec la notoriété qu'il a acquise maintenant la sélection est très bonne, ce qui est souvent le point faible de certains grands festivals quand les deux ou trois 'super-festivals' prennent les films les plus intéressants. Mais quand on sait chercher on peut toujours trouver des films intéressants. »
« Si je devais comparer le festival de Karlovy Vary à un autre, ce serait avec celui de San Sebastian, qui a suivi un chemin assez similaire, grâce à sa direction également. On y retrouve ce même goût pour le cinéma, ce plaisir d'avoir beaucoup de films, cette passion pour le cinéma et cette facilité de rencontrer les gens. Je compare souvent ces deux festivals, que j'aime énormément. »
C'est d'ailleurs un film tchèque, Stesti (Something like happiness), qui a remporté la dernière édition du festival de San Sebastian.
« Oui, et il y a d'ailleurs eu souvent des films tchèques à San Sebastian. Cela fait partie de cette ouverture que les festivals doivent avoir, parce que la création artistique est aussi dans les films qui n'ont pas forcément un fort potentiel commercial au départ. Même les grands festivals font leur réputation sur les découvertes : Jim Jarmush était inconnu avant d'être découvert à Cannes, Spike Lee était également inconnu. Karlovy Vary et San Sebastian sont des festivals où l'on peut aussi découvrir des films et des cinématographies. »Quelles découvertes avez-vous faites lors de cette 41e édition ?
"Malheureusement cette année, je suis resté peu de temps. D'habitude je reste pendant tout le festival, parce qu'il y a tellement de choses à voir. Mais j'ai vu le film norvégien, Reprise de Joachim Trier, que j'aime vraiment beaucoup. J'aime les documentaires - je faisais d'ailleurs partie du jury pour la section documentaire ici il y a trois ans - et j'ai vu un film mexicain formidable, En el hoyo (In the pit) de Juan Carlos Rulfo, un documentaire espagnol sur une équipe de football formée par des prostituées au Guatemala, Estrellas de la linea (The railroad all-stars) de Chema Rodriguez, assez dur mais assez drôle en même temps. Et un autre documentaire italien sur le loto à Naples, Dreaming by numbers d'Anna Bucchetti, qui est bien. »« Si on ne va pas dans ces festivals, on ne voit pas tous ces films. Et pour les professionnels comme nous, ce qui est important dans les festivals est de savoir ce qui est en train de se faire. On a des gens qui amènent des maquettes de films pas encore terminés, des informations sur les films en tournage, etc. »
Alors qu'est-ce qui vous paraît intéressant dans ce qui est en train de se faire ?
« Je crois qu'il faut compter beaucoup avec l'Amérique latine. Les cinémas argentin et chilien sont aujourd'hui excellents. Et parmi les informations que j'ai eues ici, de bons films chiliens sont en train de se faire. Juan Carlos Rulfo m'a parlé aussi de se qui se faisait en ce moment au Mexique et qui s'annonce intéressant.
Une chose qui m'intéresse aussi beaucoup à Karlovy Vary est la projection de films de l'Est de l'Europe. Les anciens pays socialistes ont été des pays de productions très intéressantes, et le sont parfois encore, mais comme il n'y plus de structure pour les voir on a un peu de mal à avoir toute l'information sur les films tchèques, hongrois, roumains. Ici, il y a une section dédiée à ce cinéma de l'Est et c'est formidable. C'est un des points forts qui attirent dorénavant les gens à Karlovy Vary. »
Vous revenez pour la 42e édition ?
« Oui, on ne sait jamais ce qui peut se passer mais j'espère être là l'année prochaine. »