La cinéaste Andrea Sedlackova : je suis obsédée par la réflexion de notre passé communiste
Bienvenue à l'écoute de Culture sans frontières ! Nous irons à la rencontre de la réalisatrice et monteuse Andrea Sedlackova, partagée depuis dix-sept ans entre la République tchèque et la France. Elle vient de tourner à Prague et à Paris son nouveau film «Opravdova laska » (Un amour vrai).
Renata Soukupova est étudiante en journalisme à Prague. On la rencontre pour la première fois en 1989, quelques mois avant la Révolution de Velours, partagée entre son fiancé jaloux, son ami dissident dont elle tombe amoureuse et un peintre bohème. Révoltée contre le régime totalitaire, et contre son père, employé du ministère de l'Intérieur, elle s'exile, avec sa copine, en France. Une manière aussi de résoudre ses problèmes sentimentaux. Un voyage sans retour, semble-t-il, mais dans quelques semaines, le communisme s'écroule en Europe centrale...
Dans ce film, tournée en 2003 et intitulé « Mon père et les autres hommes », la réalisatrice Andrea Sedlackova raconte l'histoire de son alter ego. Elle-même a quitté l'école de cinéma pragoise, la FAMU, pour s'installer à Paris. Précisément le 17 novembre 1989, elle a obtenu l'asile politique. Formée à la Femis, elle est aujourd'hui chef monteuse en France et réalisatrice de ses propres films en République tchèque.
Le 6 décembre dernier, elle a terminé, dans la région pragoise, le tournage du troisième tome de l'histoire de vie de Renata, une histoire franco-tchèque, car l'héroïne et son auteur restent, toutes les deux, partagées entre les deux pays. Dans la deuxième partie de la trilogie, baptisée « Une belle époque » Renata tente de trouver son bonheur dans la Prague post-communiste, pour enfin partir, pour une deuxième fois, en France. Où et à quelle étape de sa vie est-ce qu'on la retrouve dans ce troisième film qui s'intitule, lui, « Un amour vrai » ? Andrea Sedlackova.
« On la retrouve à Paris, à côté de la Bastille, où elle habite. Un des personnages principaux du précédent film, l'ex-dissident Holy vient la chercher à Paris pour la persuader de revenir à Prague. »
Le personnage de Renata est incarné par Tana Vilhelmova, une actrice très sollicitée en République tchèque. Pourriez-vous la comparer à une actrice française ? Elle vous fait penser à quelqu'un ?
« Peut-être... je pourrais la comparer à Sandrine Bonnaire. Tana a eu un peu le même parcours, elle a commencé à jouer à l'âge de 14 ans, c'est un talent très naturel. Elle a tout de suite séduit les réalisateurs par sa joie de vivre. Aujourd'hui, à 26 ans, elle a une filmographie d'une star. Je pense que dans sa génération, elle est l'actrice la plus connue... mais du public cinéma, car elle ne fait pas de séries télé. Pour ce rôle, j'ai vu une trentaine de filles. Finalement, j'ai quand même opté pour Tana, même si je me disais que c'était peut-être un choix trop simple. Mais elle était vraiment la meilleure ! »
Où exactement avez-vous tourné ce nouveau film ?
« Dans le quartier de la Bastille, où j'habite, au Café Français, à la place de la Concorde - c'est cette dernière scène à Paris, avant que Renata ne reparte de nouveau à Prague... Ici, en République tchèque, on a tourné à la campagne, parce que le personnage d'Ivan Holy vit dans une espèce de baraque en bois, dans un village paumé. C'est un endroit assez exceptionnel et très romantique : juste à côté, il y a une carrière et un petit lac... Je suis contente de l'avoir trouvé. Sinon, on a tourné dans un restau français à Prague, Chez Marcel, dans des cafés, au cimetière, dans des appartements... »
Andrea Sedlackova est l'une des rares cinéastes de sa génération à scruter systématiquement la manière dont les Tchèques reflètent leur passé communiste.
« Oui, c'est mon obsession ! D'ailleurs, ce nouveau film, 'Un amour vrai', à l'origine, il devait s'appeler 'Les ombres bariolés du passé'. Parce que dans ce nouveau film, Renata découvre le passé de son père décédé. Elle se rend compte que c'était peut-être quelqu'un d'autre qu'elle ne pensait. Cela me permet à nouveau de faire une réflexion sur notre passé. C'est peut-être parce que je vis en France que j'ai ce besoin de comparer, de saisir l'évolution du pays. A chaque fois, je m'étonne de voir que la société a changé. »
Vos téléfilms me font penser à Milan Kundera, aux retours difficiles qu'il décrit dans son roman L'Ignorance...
« J'aime beaucoup L'Ignorance. Il est vrai que pour les gens qui ont vécu à l'étranger et qui sont revenus dans leur pays, ce n'est jamais simple. On vous regarde différemment, toujours avec un petit soupçon... Les 'revenants' sont obligatoirement forcés à comparer, à juger, sans vraiment le vouloir. Ce n'est jamais agréable. Personnellement, je trouve que la vie en France est beaucoup plus difficile que la vie en République tchèque. Ici, la vie est plus confortable, plus familiale, comme dans les petites villes où l'on se sent plus en sécurité. Les problèmes du chômage, par exemple, ne sont pas les mêmes qu'en France, ils n'ont pas la même durée. Parfois, les soucis que se font les Tchèques font plutôt rire. »