2014 en émotions(s) (2e partie)
Suite de notre retour sur l’année 2014 à travers certaines des rencontres que nous avons faites autour du sport tchèque tout au long de l’année. Voici donc quelques extraits d’entretiens, tous en français, qui ont émaillé l’année sportive de Radio Prague. Et pour cette deuxième partie, c’est de cinéma et de dopage, mais aussi du seul arbitre africain officiant dans le football tchèque, dont il sera question.
Pourquoi ? Dites-vous cela par rapport à ce que vous avez découvert avec votre film ou parce que le sport ne vous intéresse pas ?
« Non, parce que je trouve que les sportifs ont des vies horribles. Leurs carrières sont le plus souvent très courtes et ce n’est pas un métier pour toute la vie. Et puis oui, évidemment, je ne pourrais jamais dire à mes enfants de se doper… Beaucoup de parents dont les enfants ont une carrière de sportif de haut niveau sont eux-mêmes des anciens sportifs. Mais ils n’ont peut-être pas réussi comme ils l’auraient voulu et ils se projettent dans leurs enfants. C’est pour cette raison que dans mon scénario, la maman aussi est une ancienne sportive de haut niveau. On m’a raconté que ces parents qui encourageaient le dopage de leurs enfants et les poussaient à prendre ce qu’on leur donnait savaient pertinemment ce que cela signifiait. Ils connaissaient très bien le milieu du sport et savaient… Mais ils voulaient réaliser leurs ambitions. Moi, comme je n’ai jamais eu la moindre ambition dans le sport… Vous savez, pour moi, une médaille olympique n’a aucune valeur, pas plus, je suppose, que la Palme d’or à Cannes n’a de valeur pour un sportif. »
Ces mots et ce rire sont ceux d’Andrea Sedláčková, réalisatrice de Fair Play, un film sur le dopage organisé par l’Etat dans la Tchécoslovaquie communiste des années 1980. A travers l’histoire d’une jeune (et belle) athlète prometteuse, choisie pour intégrer le Centre de sport de haut niveau (Středisko vrcholového sportu) quelques mois avant la tenue de Jeux olympiques de Los Angeles qui seront finalement boycottés, le film, sorti dans les salles tchèques en mars dernier et récompensé récemment de l’Atlas d’or du Festival international d’Arras, propose une plongée dans les méandres d’un vaste système non seulement sportif et médical, mais aussi politique et idéologique. Depuis 1989, Andrea Sedláčková partage sa vie entre Paris et Prague. Et c’est dans un café pragois que nous l’avons rencontrée pour qu’elle nous explique pourquoi elle, qui se contrefiche éperdument du sport, s’est intéressée à un sujet, le dopage, sur lequel même de nombreux passionnés préfèrent fermer les yeux. Parmi toutes les questions posées à Andrea Sedláčková, celle de savoir si, selon elle, certains sportifs tchécoslovaques ont eu des succès au plus haut niveau international avant la révolution sans se doper. Voici ce qu’elle nous avait alors répondu :« (Long silence) Au plus haut niveau ? Olympique ? (Elle hésite) Je ne sais pas. Je ne pense pas (elle rit). En tous les cas, parmi nos plus grands champions, deux ont été contrôlés positifs et n’étaient pas propres. Quant aux autres, honnêtement, il suffit de regarder qui étaient leurs entraîneurs, quelle était leur situation, leur apparence physique… Par exemple, un des effets secondaires du stromba était que les cheveux bouclaient. Et si vous regardez bien, tous les sportifs tchécoslovaques de haut niveau avaient des cheveux bouclés à l’époque (elle rit). »
Qu’on le veuille ou non, il est une curiosité, une attraction, parfois peut-être aussi un problème pour tous ceux dont l’ouverture d’esprit n’est pas la qualité première. Togolais, Belman Belei vit à Prague depuis 1997. Diplômé en relations internationales de l’Université Charles, analyste en informatique dans la vie de tous les jours et, peut-être, futur diplomate dans son pays d’origine, Belman est depuis peu le premier arbitre africain noir de football officiant en République tchèque. Nous l’avons rencontré un dimanche soir pluvieux, après un match de championnat de 1.B. třida, l’équivalent de la 7e division en République tchèque. Installé autour d’une soupe dans le club house d’un petit club de la banlieue de Prague, Belman Belei nous avait notamment expliqué quel accueil lui avait été réservé dans les clubs, à la fédération lors de vos premières démarches et puis, bien sûr, lors de ses premiers matchs :
« J’étais un objet de curiosité pour certains, parce qu’il n’y avait encore d’arbitre de couleur dans un championnat tchèque. J’ai eu un peu de chance avec les gens de la fédération qui se sont donné de la peine pour me protéger. Ils m’ont donné pas mal d’instructions et m’ont dit de ne surtout pas hésiter à les informer du moindre problème ou à le noter dans le rapport de match. A niveau-là, cela s’est donc très bien passé et cela a facilité mon intégration. Au niveau des clubs, cela a demandé un peu plus de temps. Quand ils me voient arriver au stade, ils se disent : Ah, ah, c’est un Noir qui va nous arbitrer aujourd’hui Mais là aussi, quand ils voient sur le terrain que je connais les règles et que j’essaie de faire mon boulot correctement, ils me respectent. »
Malgré tout, avez-vous déjà eu des problèmes sur un terrain en raison de vos origines et de votre couleur de peau ?« Au niveau des championnats tchèques, je peux dire que je n’ai jamais eu de problème majeur. Même pour ce qui est des insultes racistes, de temps en temps on entend quelqu’un crier dans le public, mais cela n’a jamais dépassé une certaine limite. Les joueurs et les dirigeants, eux, sont beaucoup plus prudents. Finalement, le seul problème que j’ai eu, c’était dans un tournoi de Roms. Ils ont été très racistes. C’était curieux. Ils sont une minorité comme moi, du coup je m’étais dit que notre collaboration serait plus facile. Mais le dernier match que j’ai arbitré a fini en queue de poisson et j’ai quitté la pelouse sous escorte. »