La crise du cinéma tchèque, est-elle conjurée ?

Cela fait neuf ans que les professionnels tchèques militent pour une loi adéquate sur le financement du cinéma. Le rejet, en mai 2006, par le président Vaclav Klaus et les députés, d'un projet d'amendement de la loi sur la cinématographie a provoqué d'abord la colère des cinéastes, puis un débat avec des hommes politiques au dernier Festival du film de Karlovy Vary. Depuis un an, la situation a évolué : les professionnels du cinéma viennent de présenter à Prague un nouveau projet de la « réforme » qu'ils avaient eux-mêmes élaboré, en collaboration avec le ministère de la Culture. A l'automne, il devrait être soumis au gouvernement....

Jan Sverak
« Dans le milieu tchèque, un film commercialement rentable doit attirer pas moins d'un million de spectateurs », constate Jan Sverak, un des rares réalisateurs dans le pays dont les films arrivent à franchir cette barre. En République tchèque, qui a une production stable de 20, 25 films par an, les cinéastes sont confrontés à un dilemme : autofinancer leurs films d'auteur ou alors se plier au goût du large public et des exigences des chaînes de télévision qui jouent un rôle de plus en plus important dans la production.

L'objectif de la réforme du financement du cinéma tchèque, l'un des moins subventionnés en Europe, est d'augmenter les aides publiques à la production nationale. Lorsque celle-ci a été boycottée par le président et le Parlement, au printemps 2006, on a parlé d'une véritable crise du cinéma : les professionnels ont protesté à haute voix sur la Croisette cannoise et se sont mis à retirer leurs films des festivals internationaux. En juillet, à Karlovy Vary, ils se sont quand même réunis autour d'une table ronde avec les membres de quatre partis politiques représentés au Parlement après les élections législatives organisées un mois plus tôt. La documentariste Helena Trestikova se souvient :

« Pour la première fois, les dirigeants politiques ont affiché publiquement et ouvertement leur volonté de soutenir le cinéma national. Pour nous, c'était enfin une démarche concrète et un succès incontestable. »

Chargé à l'époque de la formation du nouveau gouvernement, l'actuel Premier ministre, Mirek Topolanek, a accordé au cinéma tchèque un « coup de pouce » de plus de 3 millions d'euros. Parallèlement, un groupe de travail, composé de cinéastes, de producteurs et distributeurs, de représentants de festivals et du ministère de la Culture, a été chargé de l'élaboration d'un nouveau projet de réforme. Le journaliste Tomas Baldynsky fait partie de cette équipe :

« Au début des négociations, nous étions tout le temps confrontés au fait que le cinéma était pour les représentants politiques quelque chose de très éloigné. Ils ne savaient pas du tout qu'il n'était pratiquement pas possible pour les cinéastes locaux de faire des films rentables. Maintenant, ils le savent et notre communication réciproque est tout à fait autre. Parallèlement à la préparation de la loi, nous collaborons avec le ministère de la Culture sur la transformation du Fonds de soutien à la production de films tchèques qui emploie aujourd'hui deux personnes, en un organisme indépendant qui aura sa stratégie et encouragera l'intérêt public dans ce domaine. »

Světozor
Le budget annuel de ce Fonds de soutien (qui devrait assurer une production de 25 à 30 films) s'élèverait, selon ce nouveau projet, à 23 millions d'euros environ. Il serait financé par les aides publiques, les propres activités économiques du Fonds ainsi que par les contributions des exploitants des salles, des chaînes de télévision et des vendeurs de vidéos et DVD.

En octobre prochain, l'amendement de la loi sur la cinématographie, qui s'appuie sur ce projet, devrait donc être soumis au gouvernement. D'ici là, les professionnels peuvent se réjouir d'une statistique tout à fait optimiste : le cinéma national réalise actuellement, malgré sa mauvaise situation financière, plus de 30% des entrées. Seule la France fait mieux en Europe...