La démocratie en Russie vue par Ludmila Alexeeva, membre du Comité russe d'Helsinki

Ludmila Alexeeva
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En début de semaine, Prague a organisé une conférence internationale sur les trente ans du processus d'Helsinki, qui a contribué à la démocratisation de l'Europe et à la chute du Rideau de fer. Radio Prague vous présente une de ses invités.

Ludmila Alexeeva est membre du Comité russe d'Helsinki, une de ces organisations civiques nées dans l'Europe communiste après la Conférence d'Helsinki de 1975 qui marque le début du dialogue entre l'Est et l'Ouest. Cette semaine, à Prague, elle a rappelé les débuts de la démocratie dans l'ex-URSS, au milieu des années 1960.

"Des mouvements ayant pour but de protéger les droits de l'Homme ont commencé à être actifs, en Union soviétique, dix ans avant la signature de l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe à Helsinki. Ils revendiquaient, auprès des autorités, la liberté de parole, de religion, de l'égalité nationale... Dans le meilleur des cas, les autorités y répondaient par un silence. Mais très souvent, ces activités ont eu pour conséquence des répressions - les défenseurs des droits de l'Homme ont été emprisonnés ou placés dans des asiles psychiatriques. La voix des opposants au régime s'est faite de plus en plus silencieuse après l'invasion soviétique en Tchécoslovaquie en 1968. L'écrasement du Printemps de Prague a été une sorte de réponse aux Tchécoslovaques et aussi à nous, les dissidents russes. Nous avons compris qu'il était inutile de s'adresser directement aux autorités. Ce qu'il nous fallait, pour pouvoir instaurer un dialogue avec l'Etat, c'était un intermédiaire que les autorités seraient obligées de respecter. Il était naturel de le chercher en Europe occidentale démocratique."

Forts de ce soutien de la part de l'Occident, les rebelles moscovites fondent, en 1976, le Comité russe d'Helsinki, actif jusqu'à nos jours. Ludmila Alexeeva :

"Contrairement à la Tchécoslovaquie, qui après la chute du communisme, a renoué avec sa tradition démocratique, interrompue par l'occupation soviétique, dans l'histoire russe, il n'y a presque pas eu de périodes démocratiques. Donc lorsque la liberté est arrivée, les Russes étaient euphoriques. Ils ont pensé qu'il suffisait de rompre avec l'idéologie communiste, avec l'économie planifiée et que dans deux ou trois ans, ils allaient vivre comme à l'Ouest. Mais de tels miracles n'existent pas et l'euphorie a cédé la place à la désillusion, à l'apathie. A cause de cela, nous sommes un peu revenus en arrière. Il suffit d'écouter notre chef d'Etat, qui apprécie la période soviétique... Vous savez, moi, j'ai vécu le stalinisme, l'ère de Brejnev... Aujourd'hui, je me sens libre. Après cette conférence, je retournerai chez moi, je parlerai de ce que j'ai vu et entendu ici et rien ne m'arrivera. Sauf que mes propos ne seront pas diffusés sur la première chaîne de la télévision..."

Auteurs: Libor Kukal , Magdalena Segertová
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