La dépouille d’un Lombard du VIe siècle pourrait éclairer l’époque des grandes migrations en Moravie

La dépouille d’un Lombard du VIe siècle

Le squelette quasi intact d’un guerrier lombard et de ses deux chiens a été mis au jour par des archéologues dans la région de Břeclav, en Moravie, où les scientifiques étudient l’un des plus grands sites funéraires de cette tribu germanique du VIe siècle. La qualité exceptionnelle de conservation de la dépouille devrait permettre de mieux comprendre à la fois cette population et la période des grandes migrations dans cette partie de l’Europe.

On associe souvent les Lombards à l’Italie, car en effet c’est par leur conquête de la botte méditerranéenne et leur implantation dans la péninsule à la fin du VIe siècle qu’on considère souvent comme plus ou moins close la période des grandes migrations, longtemps improprement désignées comme les « grandes invasions ».

Avant de se fondre dans la masse des populations autochtones, les Lombards étaient avant tout une tribu germanique, probablement originaire de Scandinavie méridionale, et ayant traversé la Baltique à partir du Ier siècle après J.-C., avant de migrer un peu partout en Europe centrale à partir du Ve siècle – en passant, sur leur chemin vers la vallée du Danube, par les territoires actuels de la Bohême et de la Moravie.

La conférence de Zuzana Loskotová sur les Lombards | Photo: YouTube

Pour Zuzana Loskotová, de l’Institut archéologique de Brno, qui fait partie de l’Académie des Sciences, la découverte de la dépouille du jeune guerrier lombard est exceptionnelle à de nombreux égards :

« D’une part, les Lombards ne sont pas restés très longtemps sur notre territoire. D’autre part, souvent, nous remarquons que peu après l’inhumation d’individus, les tombes sont volontairement dégradées, les dépouilles ont été déplacées, et il est donc bien plus difficile d’avoir un bon état de conservation du squelette. »

Ce n’est pas le cas de la dépouille de ce Lombard en parfait état de conservation, et non pillée puisque qu’ont été retrouvés à ses côtés sa lance, deux squelettes de chiens et un mors de cheval. Les archéologues espèrent d’ores et déjà en tirer nombre d’informations précieuses sur ces populations lombardes, qu’il s’agisse de leur état de santé ou de leurs habitudes alimentaires, comme le précise Zuzana Loskotová :

La dépouille d’un Lombard du VIe siècle | Photo: Zuzana Loskotová,  Institut archéologique de l’Académie des sciences

« Nous procédons à un certain nombre d’analyses, notamment des analyses isotopiques du strontium, qui permettent de déterminer d’où viennent les habitants ou s’ils sont d’origine locale. Ensuite, il y a les analyses des isotopes du carbone et de l’azote qui pourraient nous renseigner sur le régime alimentaire des populations. Nous allons également à des analyses paléopathologiques, ce qui nous permettra de savoir de quelles maladies ils souffraient et quelles blessures ils ont subies au cours de leur vie. »

Cette dépouille a été découverte sur un site funéraire situé sur la rive sud du réservoir de Nové Mlýny, un site considéré comme étant probablement la plus importante nécropole datant de la période des grandes migrations sur le territoire de la République tchèque. Les archéologues, qui ont commencé à étudier le site en mai dernier, ont déjà repéré la présence de quelque 250 tombes dans la zone.

Zuzana Loskotová : « Nous en saurons plus à l’avenir sur les dimensions réelles de cette nécropole. Ce chiffre de 250 tombes est une estimation réalisée à partir de prospections archéologiques non-invasives, c’est-à-dire grâce à des recherches géophysiques et des photographies aériennes. Le nombre réel de tombes peut s’avérer encore plus important : actuellement il arrive souvent qu’on découvre des parties de nécropoles qui n’avaient pas été identifiées auparavant. »

Le site funéraire situé sur la rive sud du réservoir de Nové Mlýny | Photo: Zuzana Loskotová,  Institut archéologique de l’Académie des sciences

Outre les caractéristiques liées à cette tribu germanique spécifique, la découverte de la dépouille et les fouilles effectuées dans la nécropole devraient permettre aux archéologues d’en apprendre davantage sur la période des grands déplacements de population qui ont commencé à la fin du IVe siècle et ont contribué à l’effondrement de l’Empire romain occidental.

Ce que l’historiographie française a longtemps désigné comme « invasions barbares », embrayant sur une relecture très politique et a posteriori, au Moyen Age, est plutôt désigné comme des « grandes migrations » dans la culture historiographique de l’Allemagne et plus largement, de l’Europe centrale et orientale.

C’est quoiqu’il en soit une période de grands bouleversements culturels et sociaux en Europe, qu’archéologues et historiens n’ont pas fini de questionner, comme le relève Balász Komoróczy, directeur de l’Institut archéologique de l’Académie des Sciences à Brno :

Balász Komoróczy | Photo: Institut archéologique de l’Académie des sciences

« Tout à coup, de nouveaux groupes culturels et ethniques apparaissent, de grandes groupes de populations se déplacent sur ce territoire considérable qu’est l’Europe. Et à la fin de ce processus, quelque part à la fin du VIe siècle, apparaît en réalité un nouveau monde. C’est sur la base de ce nouveau monde que se construit l’Europe médiévale et même moderne. »

Les recherches actuelles menées sur différents sites funéraires germaniques en Moravie fait partie d’un plus vaste projet européen appelé HistoGenes. Il procède à l’analyse génétique des populations d’Europe centrale et orientale du Ve au VIIIe siècle, avec pour objectif d’obtenir davantage d’informations et de données sur la formation de l’Europe du Haut Moyen Age.

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